«Mellah». Ce mot vous parle-t-il ? Synonyme de ghetto pour juifs marocains pour les uns, de tolérance et de dialogue interreligieux pour d'autres, ces quartiers très riches par l'histoire et les leçons de vie sont de plus en plus délaissés, à en croire les témoignages de leurs anciens et actuels habitants. Selon l'historien marocain Jamaa Baida, professeur universitaire spécialiste en histoire judéo-marocaine, le mellah désigne communément un quartier enclos par de hauts murs, habité essentiellement par des juifs «toshavim» (ou autochtones), mais aussi par des «megorashim», les juifs expulsés d'Andalousie au 9ème siècle pour des raisons religieuses. Les familles juives marocaines vivaient en communauté. Ceci a longtemps été le cas pour éviter les mariages exogames, prohibés par leur religion, avec des membres issus des tribus amazighes non-juives ou quelques siècles plus tard, avec les familles islamisées vers le 7e siècle. Au gré du temps, les sultans marocains qui puisaient leur tolérance dans le livre-saint musulman, ont accueilli quelques familles juives dans leurs tribus -le voisinage avec les familles non-musulmanes n'étant pas interdit en Islam- ce qui a engendré un accueil réciproque entre les deux communautés religieuses marocaines. Si les mellahs ont abrité, à bras ouverts quelques familles musulmanes, au cours des siècles, la crise politique en Palestine, datant de moins d'un siècle, a quelque peu porté préjudice à l'amitié judéo-musulmane au Maroc et a vu les liens de solidarité ancestrale se défaire petit à petit. Les mellahs occupent une place prépondérante dans le patrimoine culturel marocain. «Ils représentent même un emblème du dialogue interreligieux» rappelle l'historien. Toutefois, les légendes semblent avoir la peau dure, il y en a même une qui a résisté à toute explication historique, sociologique ou anthropologique. Il s'agit de l'étymologie que bon nombre de Marocains s'accordent à attribuer au mot «mellah» lui-même ! «Une légende sans fondement logique veut que le mot mellah soit originaire d'une activité réservée aux anciens juifs, du temps de Moulay Ismail, selon laquelle le pouvoir central du pays leur coupaient leurs têtes pour les conserver le plus longtemps, en guise de vengeance à cause de leur non-appartenance à l'Islam», explique l'historien. Cependant, comme il existe de nos jours, presque dans chaque ville marocaine, des mellahs, l'on se demande comment près de 250 000 juifs auraient pu survivre jusqu'au milieu des années 30 du siècle dernier ! Des mellahs en mal d'habitants Si les anciens sultans du Maroc n'avaient jamais songé à chasser la communauté juive en dehors de leur patrie, le 21ème siècle a vu ces Marocains se réduire à une très faible communauté. Alors qu'ils se comptaient par centaines de milliers, il y a à peine quelques décennies, les juifs résidents au Maroc ne dépassent pas les 5000 membres aujourd'hui (au lieu de 7000 membres lors des statistiques 2004). «L'appel d'Israël ne représente pas l'unique motif de leur départ, des évènements terroristes qui ont affligé leurs cimetières (actes de profanation qui ont eu lieu lors de la dernière décennie), ont aussi poussé nos juifs à quitter le pays», continue le spécialiste. L'ère où le roi Mohammed V disait avec amour «ne touchez pas à mes juifs» est bel et bien révolue. Conséquemment à cela, l'entretien des mellahs s'est réduit en peau de chagrin. Force est de constater par exemple que le vieux mellah de Rabat s'est réduit à un semblant de bazar.