La poterie de Safi est «mondialement connue», estime du moins le Centre régional de tourisme. Les tajines, plats, cendriers sont exportés à l'international avec la signature de la ville au dos. Hamou est héritier d'une famille qui travaille dans la poterie depuis plusieurs générations. Il nous fait visiter la colline des potiers de Safi et explique les différentes étapes de confection. Le secteur, qui emploie aujourd'hui 4600 personnes, doit en partie son essor à un artisan algérien, Boujemaâ Lamali, venu s'installer à Safi à l'époque du protectorat. Pour Hamoud, la poterie n'a plus de secrets. Issu d'une famille de potiers de père en fils, il connait la colline des potiers de Safi comme sa poche. Il nous livre certains de ses secrets. L'argile vient de carrières situées sur la route de Casablanca, au nord de Safi. La qualité de l'argile est primordiale pour la qualité du produit final et pour sa résistance à la chaleur. L'argile doit tremper avant d'être ensuite cassé au bâton. L'argile de Safi contient trop d'oxydes de fer et de calcaire ; une technique spéciale est donc utilisée pour la laver. La pâte est ensuite mise sur une bâche et travaillée aux pieds et à la main pour former un tout sans grumeaux... ... qui doit ensuite sécher pendant environ trois jours. Voir des bâches d'argile sécher au soleil est ainsi chose courante sur la colline des potiers. Le secteur emploie 4600 personnes, indique Ali Lemrabet, président du Centre Régional d'Investissement. 4 coopératives généraient, en 2009, plus d'un million de dirhams de chiffre d'affaires. La colline des potiers, près de Bab Chaaba, est le lieu historique des potiers de Safi. Dans la vallée Chaâba, la village de Sidi Abderrahmane, la commune Saâdla, et la route de Marrakech en sont d'autres. Une fois la pâte d'argile séchée, il s'agit d'en travailler des morceaux à la main, telle une pâte à tarte. Des moules peuvent servir à créer les formes voulues - ici des coeurs - mais la technique utilisée pour les tajines, les plats ou encore les tasses est le tournage. Avec ses pieds, le tourneur fait tourner un support sur lequel est placé le pâton d'argile. Il est formé d'abord à la main, puis avec des bois à modeler. Un fil sert à découper le plat de sa base d'argile. Les poteries doivent ensuite sécher un à deux jours avant d'entamer la finission. Une couche de kaolin donne la couleur blanche qui permet par la suite de colorier la poterie. Deux cuissons sont nécessaires pour qu'un tajine, par exemple, puisse à son tour résister au feu du brasero. Entre les deux, l'émail peut être appliqué sur les poteries pour les rendre brillantes. A Safi cohabitent fours traditionnels et fours modernes. Les premiers, en brique, sont alimentés au feu de bois. Les poteries sont placées à l'intérieur, puis le four est refermé pendant la cuisson pour garder une température constante. Moins jolis mais plus efficaces, les fours à gaz prennent peu à peu la place des anciens fours. Une nécessité pour la viabilité du secteur, indique Mohamed Lemrabet, président du CRI. Ensuite, les peintres se mettent à l'oeuvre. Les couleurs sont mélangées à une pâte d'eucalyptus pour une meilleure adhésion à l'argile. Les pinceaux sont faits avec des poils d'ânes. Le peintre, métier bien distinct du tourneur, peut aussi utiliser un support tournant pour colorier les poteries. Libre au peintre par la suite de donner sa touche personnelle à son oeuvre d'art. « Chacun a ses particularités, des motifs qu'il préfère », explique Hamoud. Dans les années 30, un important travail de diversification des motifs a eu lieu à Safi. Aujourd'hui, les influences sont multiples. Les dessins animées laissent aussi leurs traces dans la créativité des peintres, empreints de logique commerciale ? Spiderman, Tom & Jerry, Picsou... Les plus jeunes y trouveront leur compte. Pour en arriver au produit fini, 24 personnes travaillent sur une pièce (plat ou tajine). Les différentes étapes s'étalent sur une semaine. En bas de la colline des potiers, les visiteurs ont l'embarras du choix. La spécialité de Safi reste le reflet métallique. Sur certaines poteries sophistiquées, des métaux précieux sont utilisés en ornement. Au Maroc, Safi est la seule ville où cette technique est utilisée. Elle a été introduite par celui qui est considéré comme étant à l'origine de l'importance actuelle de la poterie à Safi : Boujemaa Lamali. Né en Algérie, en Kabylie, vers 1890, Lamali devient apprenti puis maître céramiste à Alger, pour ensuite être formé à l'école de Sèvres. En 1918, sur impulsion du gouverneur Lyautey, il est envoyé en mission à Safi pour sauvegarder l'art de la poterie. Il y restera jusqu'à sa mort en 1971, donnera de nombreuses impulsions décisives et formera les maîtres d'aujourd'hui. Les potiers de Safi se souviennent de lui. Photos : Frédéric Schmachtel, marocantics.com (plat de Boujemaâ Lamali)