Dans cette série, Yabiladi revient sur les grands lieux de pèlerinage juif au Maroc, visités annuellement par des milliers de fidèles et de curieux. Dans ce vingt-troisième épisode, l'histoire de Rabbi David Laskar, saint inhumé dans le village de Zekarten, surnommé Moul Chajra El Khadra («Maître de l'arbre vert») qui serait aussi Moulay Ighi pour les musulmans. Le sanctuaire de David Laskar. / Ph. Diarna Le sanctuaire de David Laskar. / Ph. Diarna Son histoire n'est pas si différente de celle de Rabbi Braham Moul Nesse qui serait, selon certains récits, un saint musulman à la base. Rabbi David Laskar est certes l'un des dix saints juifs les plus populaires au Maroc, mais il existe «peu de preuves factuelles» de son existence. Ainsi, selon la plateforme Diarna, Rabbi David Laskar serait un légendaire émissaire «venu d'Israël pour une mission de financement pour les académies religieuses de Terre Sainte». «Une plaque à l'intérieur du sanctuaire prétend que Laskar est décédé le 22 août 1717. Ce dernier aurait été en visite dans le village de Zekarten, situé à 5 km environ, dans le cadre d'une collecte de fonds», poursuit-on. Une version confirmée par Emily Gottreich. Dans son ouvrage «The Mellah of Marrakesh : Jewish and Muslim Space in Morocco's Red City» (Editions Indiana University Press, 2007), elle raconte que «les Juifs du Mellah de Marrakech ont également visité la tombe lointaine de David Laskar (Laskar), située à Ighi dans les montagnes de l'Atlas, sur la route Marrakech-Ouarzazate». «Lasker (également connu sous le nom de Moulay Ighi pour son lieu de sépulture) était un autre émissaire palestinien envoyé au Maroc pour obtenir des dons», ajoute-t-elle. Un saint ayant choisi lui-même l'emplacement de sa tombe Mais si Rabbi David Laskar est un saint juif, Moulay Ighi serait en réalité un… saint musulman. Ainsi, à en croire Françoise Légey, auteure de «Essai de folklore marocain : croyances et traditions populaires» (Editions African Books Collective, 2009), «Moulay Ighi, saint musulman est le même que Rebbi David Lachgar. Aussi les juifs du Maroc vont en automne en pèlerinage aussi bien que les Musulmans au sanctuaire de Moulay Ighi». Elle raconte aussi comment ce saint légendaire a su «transformer» le village où il a été inhumé : «La montagne de Moulay Ighi, dans le [haut atlas], était désertique, mais elle est devenue verdoyante par la bénédiction du saint Moulay Ighi qui y fit naître une cascade en enfonçant son bâton.» L'entrée du sanctuaire. / Ph. Diarna L'histoire retient notamment que Rabbi David Laskar alias Moulay Ighi aurait senti sa mort imminente. Il aurait ainsi «demandé aux membres de la société funéraire locale de le suivre plusieurs kilomètres» du village jusqu'à la colline, raconte la plateforme Diarna. «Lorsque les habitants ont creusé une tombe à sa demande, il s'est rituellement purifié dans la rivière, au pied de la colline. Il est ensuite monté sur la tombe et a ordonné à la terre de se fermer autour de lui.» Diarna L'emplacement que Rabbi David Laskar aurait choisi pour abriter sa tombe est «niché au milieu de nulle part, à des kilomètres de la route principale» reliant Marrakech à Ouarzazate. «Le sanctuaire est perché sur une colline au milieu de la grandeur des montagnes de l'Atlas. Pendant des siècles, des Juifs (ainsi que des musulmans) de tout le Maroc se sont réunis à pied et à dos de mulet pour visiter le tombeau du rabbin et prier pour son intervention», poursuit la plateforme Diarna. Guérisseur des stériles et saint au chevet des pauvres Aujourd'hui, Moulay Ighi est composé d'un «complexe, peint principalement dans des tons de terre cuite», comprenant «un sanctuaire pour le rabbin, un petit cimetière, une synagogue et des maisons d'hôtes», le tout grâce à un certain Albert Soussan ayant débuté les travaux en 1990. A part la légende sur sa mort et sa contribution à l'épanouissement du village d'Ighi, Rabbi David Laskar est également connu sous le nom de Moul Chajra El Khadra, après que les pèlerins aient remarqué qu'un buisson près de sa tombe n'a jamais pris feu, malgré les centaines de bougies allumées, ni perdu sa couleur verte. Le mausolée est également visité par «de nombreuses femmes juives, qui traversent une cascade proche pour obtenir l'aide du saint afin de tomber enceinte», raconte Emily Gottreich. Car il était tradition de prendre un «bain rituel dans la rivière en contrebas de la colline avant de monter au sanctuaire du saint», précise-t-on. Le sanctuaire de Rabbi David Laskar alias Moulay Ighi. / Ph. Diarna Diarna rapporte aussi une légende selon laquelle Rabbi David Laskar aurait «aidé un ancien gardien musulman du sanctuaire» qui «n'avait pas de mouton pour la fête musulmane de l'Aïd al-Adha». «Après avoir fait appel à l'aide du rabbin, il a rapidement rencontré un mystérieux homme sur la route qui lui a donné un mouton en cadeau», rapporte-t-on. Et bien qu'il soit coutume de se rendre sur les tombeaux pour effectuer un pèlerinage, il existe une pierre tombale de Rabbi David Laskar au cimetière juif de Casablanca pour ceux ne pouvant pas se déplacer jusqu'au village de Zekarten. A rappeler que la Hiloula de Rabbi David Laskar est célébré annuellement pendant la Lag Ba'omer, fête juive d'institution rabbinique.