Construite en 1070 par les Almoravides, capitale du Maroc durant plusieurs siècles et bijou touristique du royaume contemporain, la cité ocre a divisé, au fil des siècles, les historiens quant à l'explication de son nom. Contre ceux qui déclarent que Marrakech signifie «va-t'en vite», d'autres affirment qu'il signifierait «Terre de Dieu» ou encore «Sanctuaire d'Allah». Au pied des montagnes de l'Atlas, les Almoravides choisissaient, en 1070, un endroit précis pour construire leur capitale. Marrakech deviendra, par la suite une cité impériale, servant de capitale pour plusieurs dynasties ayant régné sur le Maroc, détrônant même et à plusieurs occasions la ville millénaire de Fès. C'est aussi au fil des siècles que la ville donnera son nom au Maroc. Mais si le rayonnement de la cité ocre justifiera son choix en tant que capitale, la signification de ce nom a longtemps été au cœur du débat. Plusieurs historiens avaient ainsi tenté de déchiffrer le nom de Marrakech, mais plusieurs versions de l'histoire existent jusqu'à nos jours. Si certains pensent que le nom de la ville est une invitation à accélérer les pas pour s'éloigner d'un endroit dangereux, d'autres le traduisent en amazigh pour y donner une autre explication. Pour la première thèse, enseignée même dans les manuels scolaires au Maroc, Marrakech veut dire «va-t'en vite». «Le sens de ce nom dans la langue des Masmouda, aurait été ''va-t'en vite'' car l'endroit où s'élève aujourd'hui Marrakech était un lieu d'embuscade pour les brigands et ceux qui y passaient disaient ces mots à leurs compagnons de route», rapporte Gaston Deverdun dans «Marrakech, des origines à 1912» (Editions techniques nord-africaines, 1959). Une version soutenue par le livre éponyme «Kitab al-Istiqsa li-Akhbar duwwal al-Maghrib al-Aqsa» d'Ahmad ibn Khalid al-Nasiri. Celui-ci raconte aussi que l'endroit, appartenant à des hommes originaires de Masmouda a été «acheté par Youssef Ibn Tachfine». Face à cette explication, une autre tout aussi invérifiable mais largement relayée par plusieurs historiens. Ainsi, dans «African Foreign Policy and Diplomacy from Antiquity to the 21st Century» (Editions ABC-CLIO, 2010), Daniel Don Nanjira n'est pas du même avis que Gaston Deverdun ou Ahmad ibn Khalid al-Nasiri. Rappelant que «le Maroc est le nom latinisé du latin médiéval "Moroch", qui renvoie au nom de l'ancienne capitale Almoravide et Almohade Marrakech», il affirme que «Marrakech est dérivé du mot berbère "Mur-Akush"». Pour lui, ce nom signifie «Terre de Dieu» en amazigh. La qoubba el-Baadiyn ou almoravide a été construite par Ali Ibn Youssef en 1117. / Ph. DR Marrakech, «Terre de Dieu» ou «sanctuaire d'Allah» ? Du même avis, Frederick William Dame déclare, dans «The Muslim Discovery of America» (Editions Books on Demand, 2013), que «les étymologistes affirment que ce mot est très probablement dérivé de deux mots berbères : Amur, (ta)murt signifiant terre ou sanctuaire, et Akuc (Akush), signifiant Dieu». «Ainsi, Mur Akush signifie terre de Dieu ou sanctuaire de Dieu, mais ne signifie pas terre d'Allah ni sanctuaire d'Allah. Le Maroc en latin médiéval est Morroch, qui vient de la langue berbère. En tant que tel, il n'a pas d'origine arabo-islamique.» Frederick William Dame L'écrivain Kevin Shillington précise toutefois, dans «Encyclopedia of African History» (Editions Routledge, 2013), que la ville ocre a été construite «sur ordre d'Abou Bakr Ibn Umar» et «réalisée par Youssef Ibn Tachfin, le conquérant Almoravide du Maroc et de l'Espagne». Il considère aussi que «la date de la fondation de Marrakech est discutable» bien que la plupart des érudits «s'accordent à la situer vers 1070». Comme ses trois collègues, l'écrivain Brahim Benyoucef considère, dans un article de «l'Observatoire Espace & Société», que les Almoravides «succombèrent vite devant le charme» du site situé «entre le monde du désert et celui de l'Atlas, y fondèrent en 1062 (454h) Marrakech, ou terre de Dieu, (Mour, étant terre en tamazight, et, Akouche, Dieu)». Toutefois, Ahmed Khaldi, auteur d'«Al Modon Wal Athar Al Isslamita fil Aalam» rapporte une autre explication du nom de Marrakech. Il assure, en effet, qu'il signifierait «muraille de pierre», «ville de pierre» ou encore «base fortifiée». «L'endroit était proche d'habitations de deux tribus de Masmouda, à savoir les Ourikas et les Ait Illan qui rivalisaient pour que la nouvelle capitale soit construite sur leurs terres», précise-t-il. Les remparts de Marrakech ont aussi été construits par les Almoravides. / Ph. DR Plusieurs renaissances d'une ville millénaire Mais si Marrakech était, pendant plusieurs siècles, la capitale du royaume chérifien, son rayonnement s'est fait au détriment d'une autre ville. A en croire Kevin Shillington, Marrakech a rejoint une ville antérieure, Aghmat, située dans le mont de l'Ourika, dans le Haut Atlas. «Capitale berbère, Aghmat a probablement été fondée vers 704 dans le cadre de la révolte kharijite qui a balayé la première histoire de l'islam au Maroc, mais était devenue fermement soudée au tissu politique marocain, largement tributaire du pouvoir de Fès», raconte-t-il. «Au fur et à mesure que Marrakech grandissait, Aghmat s'éclipsait et Fès et Sijilmassa, les plus grandes villes du Maroc à ce jour, eurent une nouvelle rivale, située stratégiquement pour permettre de bien régner.» Kevin Shillington Et c'est sous le règne d'Ali Ben Youssef que la cité ocre «commença à s'épanouir», devenant une «sorte de Bagdad occidentale». Toutefois, vers 1147, la capitale almoravide est attaquée par les Almohades qui «conquièrent la ville, saccagent et détruisent de nombreuses structures almoravides et en re-sanctifient d'autres à leur usage». C'est aussi durant l'ère des Saadiens et des Alaouites que la ville connaîtra plusieurs relifting rythmés par les changements du pouvoir en place.