La Mocro Maffia, bande organisée aux Pays-Bas, a fait des morts, des victimes et des familles qui ont vu partir leurs enfants tôt, sans avoir su avant que ces derniers faisaient partie de cette organisation de narcotrafic ancrée à Amsterdam. Les journalistes Wouter Laumans et Marijn Schrijver ont longuement suivi les parcours de ces jeunes d'origine marocaine, en les reconstituant dans deux livres. Omar L., un jeune maroco-néerlandais de 28 ans, a été condamné à la perpétuité, mardi dernier, pour meurtres et tentatives de meurtres dans le cadre d'une bande organisée. Le ministère public l'accuse d'avoir tué au moins deux personnes et d'avoir tenté d'éliminer deux autres, avec la complicité de Hicham M. Ont également comparu, dans le cadre de cette affaire, quatre autres personnes qui écopent de 7 à 30 ans de prison ferme pour avoir fait partie de la Mocro Maffia, bande marocaine active aux Pays-Bas et spécialisée dans le trafic de drogue. Ces parcours, ceux des membres de la Mocro Maffia, des victimes, des survivants et de leurs proches, les deux journalistes néerlandais Wouter Laumans et Marijn Schrijver en ont fait un nouveau livre intitulé «Revenge». Il s'agit d'une suite très sombre d'un premier ouvrage après lequel l'un des témoins cités a été liquidé. Une suite pour tenter de comprendre «Après la publication de notre livre Mocro Maffia en 2014, nous avons pensé que notre travail resterait sans suite. Une des protagonistes, Gwenette Martha, a été assassinée et cela n'a été qu'annonciateur d'un nouveau début, nous poussant à travailler sur ce nouvel ouvrage», explique Wouter Laumans au quotidien néerlandais de Volksrkant. Vendu depuis 2014 à plus de 100 000 exemplaires, le premier livre des journalistes a même inspiré une série (Videoland). Relatant des faits encore plus violents des réalités de la Mocro Maffia, les deux auteurs ont souhaité, par ce second livre, «attirer l'attention sur une tendance préoccupante, qui est celle de l'émergence d'une nouvelle génération de criminels violents s'étant emparée du marché de la cocaïne». «Beaucoup de gens ont l'idée reçue que ces garçons sont des criminels sans scrupule qui utilisent sauvagement les armes à feu», explique Wouter Laumans, soulignant que ce cliché mérite précision. En réalités, ces jeunes sont surtout des garçons «qui pensent que l'argent et l'intégration à un cercle privilégié sont deux choses importantes», indique-t-il. Ainsi, ce nouveau livre, raconte l'histoire d'un groupe de jeunes de Kattenburg, un quartier ouvrier situé à l'Est d'Amsterdam. On y suit Mitchell J., d'une mère de famille de classe moyenne. Il fréquente souvent une station-service où il retrouve un ami d'enfance en 2014. Il s'agit du Marocain Rami M. (22 ans), qui a un long casier judiciaire, notamment une tentative d'homicide involontaire. Reconstituer les faits de jeunes en quête d'argent et de gloire Par l'intermédiaire de Rami, Mitchell fréquente d'autres garçons du quartier. Il s'intègre peu à peu dans un clan de la Mocro Maffia. En 2015, il fait l'une des découvertes macabres de l'œuvre d'Omar L. Pris dans l'engrenage des règlements de compte entre clans, Mitchell finira mort lui aussi, comme plusieurs autres jeunes de Kattenburg, lorsqu'ils n'écopent pas de peines de prison. Frère d'un membre de la mafia tué en 2012 au cours de la grande fusillade de Staatsliedenbuurt à Amsterdam, Omar L. fait partie de cette deuxième catégorie de jeunes. Il est reconnu coupable d'avoir donné ses instructions à Hicham M. pour liquider, depuis 2014, des membres du clan qu'il tient responsable du meurtre de son proche. Deux parmi eux ont été tués, l'un par balle et l'autre décapité, dont Mitchell a découvert la tête. Trois autres ont survécu, notamment en échappant aux tirs d'une arme automatique qui n'a pas correctement fonctionné. Revenge reconstitue l'ensemble de ces parcours de vie, mais se base également sur les rapports de police, les messages échangés entre les membres des différents clans ainsi que les témoignages de leurs familles et leur entourage, en se concentrant sur la traque d'Omar L. et les rapports violents entretenus entre ces jeunes eux-mêmes. Le livre raconte aussi comment Omar a procédé à la constitution de sa bande parmi des jeunes en perte d'ambitions. «Sa manière de faire rappelle l'approche adoptée par les loverboys ; il a fait croire à tous ces jeunes qu'avec lui, ils pouvaient mener une vie qui ressemble à celle qu'ils regardent dans les clips de musique», soulignent les deux auteurs en décrivant les voyages d'Omar avec ses nouvelles recrues à Marrakech, dans le luxe, l'argent et l'alcool. Quant à la peine de prison dont il écope désormais pour le restant de sa vie, les journalistes se demandent si elle permettra réellement de dissuader d'autres chefs de gang à ne pas reproduire les mêmes faits, ou encore de proposer une solution aux jeunes qui sont pris dans les filets de la Mocro Maffia sans pouvoir en sortir.