La Zone de libre-échange continentale suppose la mise en place de dispositifs et de politiques complémentaires pour renforcer le lien entre commerce et industrialisation en Afrique. Le Centre d'information des Nations unies, le bureau Afrique du Nord de la Commission économique pour l'Afrique des Nations unies et la Bourse de Casablanca ont présenté, hier à Casablanca, le rapport annuel de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) relatif au développement économique en Afrique : «Made in Africa : règles d'origine, un tremplin pour le commerce intra-africain». La CNUCED entend par «règles d'origine» un passeport qui permet aux marchandises de circuler en bénéficiant de droits de douane préférentiels. La phase de transition de la Zone de libre-échange continentale, entrée en vigueur le 30 mai dernier, pourrait à elle seule générer 16,1 milliards de dollars de gains en bien-être et induire un accroissement de 33% du commerce intra-africain, d'après le rapport. Elle suppose toutefois la mise en place de dispositifs et de politiques complémentaires pour renforcer le lien entre commerce et industrialisation en Afrique. «Ces politiques vont de la facilitation des affaires et des échanges au développement des infrastructures en passant par l'expansion des capacités de production et les politiques en faveur de l'entreprenariat. Dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine, ce sont toutefois les règles d'origine − servant à établir la nationalité des produits fabriqués en Afrique − qui détermineront si la libéralisation préférentielle des échanges pourra changer la donne sur la voie de l'industrialisation de l'Afrique», indique Mukhisa Kituyi, secrétaire général de la CNUCED, en avant-propos. Thé et cacao, deux secteurs clés de l'économie africaine L'influence des régimes commerciaux en Afrique sur les perspectives d'intégration et de transformation sur le continent est ici mise en exergue, entre autres, par la chaîne de valeur du thé. Si l'Asie, notamment à travers la Chine, l'Inde et le Sri Lanka, occupe toujours le haut du pavé sur le marché mondial du thé, plusieurs pays africains tendent à s'y imposer de plus en plus, de part leur visibilité et leur dynamisme. «L'Afrique a totalisé plus de 20% des exportations mondiales de thé et 12% des importations en 2015-2017», rappelle dans ce sens la CNUCED. «A eux deux, l'Egypte et le Maroc comptent pour plus de la moitié dans le total des importations de thé, suivis de la Libye, de l'Afrique du Sud et du Ghana», souligne-t-on de même source. L'industrie cacaoyère est également citée en exemple reflétant la manière dont la Zone de libre-échange continentale pourrait impulser une transformation structurelle de l'Afrique. D'après les estimations citées par le rapport, la valeur marchande, prix départ-exploitation, de la production mondiale de fèves de caca était chiffrée en 2016 à 9 milliards de dollars, alors que les ventes de chocolat en aval ont avoisiné 112 milliards de dollars, «et devraient aller en augmentant après quelques années de stagnation». La production de cacao est par ailleurs capitale pour l'Afrique : le continent totalise 75% de la production mondiale de fèves de cacao et 20% du volume des broyages de fèves de cacao. La CNUCED rappelle que le Maroc fait partie des principaux pays africains importateurs de cacao et de produits dérivés, aux côtés de l'Afrique du Sud et de ses voisins nord-africains que son l'Algérie et la Tunisie et, par extension, la Libye et l'Egypte. L'automobile, éternel fer de lance de l'économie marocaine Dans un autre registre, il faut souligner également que le Maroc se distingue en matière d'importation de coton en Afrique, en étant le troisième pays importateur, devant la Tunisie et l'Egypte. En revanche, entre 2015 et 2017, il s'est hissé à la première place des exportateurs de vêtements. Mais c'est surtout dans le secteur automobile que le Maroc, qui accueillit les usines Renault en 1966, se démarque nettement de ses partenaires régionaux, sur un continent qui «continue de jouer un rôle périphérique dans une industrie qui se distingue par une forte concentration géographique autour de marchés majeurs», souligne la CNUCED. Avec l'Afrique du Sud, le Maroc, qui figure parmi les quatre grands pays producteurs (en plus de l'Egypte et du Kenya), «[illustre] comment l'orientation stratégique des exportations, y compris par le canal d'accords commerciaux internationaux, a concouru à attirer les principaux fabricants d'équipement d'origine et à favoriser la constitution d'une industrie viable, malgré les difficultés que présente la création de valeur ajoutée nationale». «Une série de facteurs structurels conjuguée à un ensemble d'actions volontaristes et de mesures d'incitation destinées à attirer des investisseurs clefs a facilité ce partenariat, qui est au cœur de l'expérience marocaine.» Rapport de la CNUCED «Made in Africa : règles d'origine, un tremplin pour le commerce intra-africain» Pour la CNUCED, le rôle du Maroc de plaque tournante régionale du secteur automobile s'explique ainsi par l'accord de libre-échange qu'a signé le royaume avec l'Union européenne (Accord euroméditerranéen de libre-échange), avec les pays arabes et les Etats-Unis. Pour rappel, l'accord de libre-échange entre le Maroc et les Etats-Unis a été signé le 15 juin 2004 à Washington et est entré en vigueur le 1er janvier 2006. La CNUCED cite également la situation géographique du Maroc, au carrefour des continents européen et africain, de bonnes infrastructures − notamment le port de Tanger Med − et un marché du travail compétitif. Le document rappelle enfin que le principal défi du Maroc, sur le front automobile, «consiste désormais à promouvoir une insertion plus poussée des entreprises locales dans la chaîne de valeur et le passage progressif à la création de davantage de valeur ajoutée». Dernier atout du Maroc : il fait partie des dix pays africains présentant la valeur d'indice de complexité économique la plus élevée, selon le rapport, derrière la Tunisie, l'Egypte, l'Afrique du Sud, Maurice, l'Ouganda, la Namibie et le Mali, et devant le Sénégal et le Kenya. L'indice de complexité économique «permet de classer les pays selon le degré de diversification et de complexité de leurs exportations (…) et d'apprécier l'aptitude d'un pays à tirer parti de ses connaissances pour produire des biens diversifiés et complexes». Article modifié le 2019/06/27 à 21h42