Dans la commune rurale de Mâaziz (province de Khemisset), la culture des roses est entachée par les irrégularités des exploitants qui imposent aux ouvrières des conditions inhumaines de travail. Le tout sur fond de sordides affaires de harcèlement et de violences sexuelles. A peine trois jours après avoir commencé à travailler dans les champs de roses à Mâaziz, relevant de l'entreprise Les Arômes du Maroc, l'ouvrière agricole Amal* a été victime de violences sexuelles. Le premier jour, elle aurait eu droit à des propos déplacés de la part d'un de ses supérieurs et des pointeurs. Le lendemain, la même personne lui aurait proposé 200 DH pour qu'elle le suive dans un endroit isolé. Le troisième jour, il aurait tenté de l'éloigner des ouvrières en lui demandant de venir récolter des roses qu'elle aurait oubliées. «C'est là qu'il en a profité pour se jeter violemment sur elle en la mettant à terre ; elle s'est débattue comme elle a pu, tandis que deux ouvrières ont accouru en essayant de séparer leur collègue», nous raconte Fatna Ouahass, représentante des ouvrières agricoles au sein des champs de roses de la société, affiliée à la Fédération nationale du secteur agricole (FNSA). L'agression se serait déroulée devant une quarantaine d'ouvrières et d'autres responsables des champs, qui n'ont pas voulu témoigner contre leur collègue. Divorcée et mère de cinq enfants, la concernée a été virée le jour même et sommée de ne plus jamais revenir. L'affaire a été examinée par l'inspection du travail, qui a promis de réintégrer Amal à son poste. En attendant, l'affaire a été confiée à la justice sur la base d'une plainte auprès du procureur du roi, nous explique Fatna Ouahass. «Ces gens ont l'habitude de harceler sexuellement les ouvrières et de profiter de l'omerta qui entoure leurs agissements», dénonce la syndicaliste en soulignant qu'une deuxième victime, «veuve et mère de deux enfants, a été virée une dizaine de jours après la première mais n'a pas osé porter plainte». Une exploitation basée sur des rapports de domination Selon Fatna Ouahass, il existe d'autres cas qui restent encore tus, d'autant plus que «les responsables de ces actes, entre cinq et huit précisément, sont connus de tous depuis des années et restent impunis». La militante nous confie s'être elle-même confrontée à des situations similaires, de manière répetée. «Cela fait plusieurs années que ces conditions de travail indignes sont la norme chez plusieurs exploitants. A chaque fois, des contremaîtres viennent faire des avances aux ouvrières qu'elles doivent accepter sous peine de licenciement», fustige-t-elle. «Pour ma part, j'ai toujours dénoncé les responsables de ces actes auprès de leurs supérieurs, mais on m'a toujours dit que j'étais la seule à me plaindre et que ce n'était pas possible que je sois l'unique victime parmi toutes les ouvrières. Or, ces dernières ont vécu pire mais elles ont du mal à le verbaliser.» Fatna Ouahass, représentante des ouvrières agricoles au sein des champs de roses à Mâaziz Pour avoir poussé les travailleuses de champs de roses à réclamer leurs droits, notamment un salaire quotidien minimum et un respect du volume horaire légal, Fatna Ouahass a été licenciée le mois dernier. Sa collègue travaillant aussi pour Les Arômes du Maroc, également membre par ailleurs du bureau de la FNSA à Mâaziz, a connu le même sort. Secrétaire administratif de la FNSA, Moulay Tahar Douraidi confirme en effet à Yabiladi que «beaucoup de ces travailleuses faisaient parfois plus de dix heures par jour pour être payées entre 15 et 20 DH la journée». «La vie de plusieurs de ces femmes a tourné autour de ces champs pendant des décennies, sans jamais êtres déclarées à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS)» fustige Moulay Tahar Douraidi, secrétaire administratif de la FNSA. De plus, «certaines de ces femmes sont très âgées, aux côtés de filles mineures, alors que cette entreprise est présentée comme un levier du développement dans le monde rural», dénonce encore le syndicaliste. «Nos employeurs nous reprochent de monter les ouvrières des champs contre les gérants en poussant les femmes à suspendre leur travail sans préavis», nous explique de son côté Fatna Ouahass, confirmant que ce dossier est également confié à la justice et que la dernière audience à ce sujet vient de se tenir lundi dernier. Aujourd'hui, la syndicaliste estime que ce licenciement «sert de menace à l'encontre des autres ouvrières, surtout les membres du syndicat à qui les contremaîtres promettent le même sort, si elles réclament leurs droits ou dénoncent des violences sexuelles». * Amal est un prénom d'emprunt