Née à Amsterdam, Nadia Bouras est une historienne maroco-néerlandaise qui s'intéresse à la démystification des stéréotypes et idées reçues sur la migration marocaine aux Pays-Bas. Elle travaille actuellement sur un livre et un documentaire, tous deux consacrés à la première école arabe d'Amsterdam. Nadia Bouras est une historienne maroco-néerlandaise qui mène des recherches sur la communauté marocaine aux Pays-Bas et son histoire, notamment à travers la migration. Elle est née à Amsterdam de parents marocains qui ont quitté le Maroc pour les Pays-Bas dans les années 1970. Son père, alors âgé de 19 ans, immigre en Hollande pour rejoindre les membres de sa famille dans des circonstances inhabituelles, quoiqu'intéressantes. «Lorsque mon père a émigré aux Pays-Bas, il n'est pas arrivé en tant qu'invité», nous dit Nadia Bouras. Après que tous les hommes de sa famille eurent immigré en Europe, le père de Nadia estima en effet qu'il devait lui aussi tenter sa chance. «Son frère vivait à Amsterdam et mon père était le seul homme du village», près de Sidi Ifni, poursuit l'historienne. «Cela le contrariait et il décida alors d'écrire une lettre à son frère pour lui faire part de sa volonté de venir en Europe.» La première école arabe d'Amsterdam À Amsterdam, le père de Nadia fonde une famille avec son épouse, originaire de Casablanca et qui donnera naissance à cinq enfants. Aux côtés de ses quatre frères et sœurs, Nadia est élevée dans la capitale néerlandaise, où elle fréquente l'une des premières écoles arabes des Pays-Bas. «J'ai fréquenté la première école arabe d'Amsterdam, qui était à l'origine essentiellement marocaine.» L'établissement était à l'époque la principale institution d'enseignement primaire à Amsterdam et accueillait presque exclusivement les enfants de migrants marocains installés dans la ville. «Elle a été appelée ''l'école de Bouchra''», explique la chercheuse, précisant qu'elle «fut nommée ainsi après avoir été agréée et subventionnée par le gouvernement néerlandais». Nadia Bouras. / Ph. Facebook Cette école représente une part importante de l'enfance de Nadia Bouras, celle-ci ayant contribué à la rapprocher de ses origines marocaines. «À l'école, nous suivions des cours d'arabe et avons beaucoup appris sur l'histoire, la géographie et la culture marocaines», souligne l'historienne. En plus de ce levier culturel, la Maroco-néerlandaise grandit dans une atmosphère où le Maroc est au cœur de toutes les activités. «Nous parlions darija à la maison (…) Nous étions parfaitement bilingues et le Maroc a été une partie importante de notre enfance.» Attachée à ses racines, elle décide très tôt d'étudier l'histoire dans le but de répondre d'abord à ses propres interrogations. «Je suis fascinée par le passé et très intéressée par l'histoire», justifie Nadia Bouras. À la fin de ses études secondaires, elle choisit tout naturellement l'histoire comme matière à l'université, en se concentrant notamment sur ses origines. «En 2005, mon mémoire de maîtrise a porté sur le rôle des femmes marocaines dans la migration aux Pays-Bas. Depuis lors, la migration est devenue un thème central dans mon travail.» Nadia Bouras En tant que membre de la communauté marocaine aux Pays-Bas, Nadia Bouras a estimé qu'elle avait toute légitimité à mener des recherches sur la migration marocaine. Et en tant qu'historienne, elle a consacré ses recherches et ses exposés à démystifier les stéréotypes liés aux Néerlandais d'origine marocaine. Rompre avec certains clichés Elle observe que les gens ont de nombreuses idées reçues sur l'histoire de la migration marocaine aux Pays-Bas et sur les Marocains qui y vivent en général. «Les jeunes Marocains d'origine néerlandaise connaissent d'ailleurs très peu le sujet», déplore-t-elle. Pour brosser un tableau différent de l'histoire de la migration marocaine et des Marocains aux Pays-Bas, Nadia Bouras a publié un livre en 2009 visant à faire la lumière sur les stéréotypes liés aux migrants marocains et à démystifier les mythes liés à cette communauté. «On a voulu rompre avec l'image que les Marocains ont en tant que travailleurs, et qui n'auraient pas de vie sociale», nous explique-t-elle. La chercheuse a ainsi rendu hommage aux pionniers de l'immigration marocaine, qui se sont imposés à travers des activités sociales et culturelles. En 2011, le doctorat de Nadia Bouras portait également sur le Maroc et la migration aux Pays-Bas. «Ma recherche portait sur la migration marocaine et l'attachement des immigrés marocains à leur pays d'origine d'un point de vue historique et de genre», précise-t-elle. Elle passe ainsi au crible les différentes manières dont hommes et femmes, Marocains et Marocaines, ont maintenu des liens avec leur pays natal, et la façon dont cette relation a été amenée à évoluer avec le temps. Son projet, certes lié au Maroc, l'est aussi de manière plus personnelle. L'historienne prépare en effet un livre et un documentaire sur son école primaire à Amsterdam. «Je suis en train de me documenter sur l'histoire de l'école, qui a été créée dans les années 1970 par un prédicateur néerlandais en tant qu'œuvre caritative», nous dit-elle. L'homme avait en effet installé une maison communautaire dans la ville et y recueillait des toxicomanes, des prostituées et des sans-abris, avant de rencontrer un travailleur marocain qui vivait dans le même quartier. «Il a d'abord aidé l'un d'entre eux, puis leurs enfants, et a enfin construit l'école», raconte-t-elle avec fierté. L'ouvrage de Nadia Bouras sera publié d'ici fin 2020, tandis que le documentaire devrait être diffusé en septembre 2019. L'histoire de l'immigration marocaine aux Pays-Bas s'écrit aussi par les enfants de cette immigration.