Régulièrement, la presse belge se fait le relai d'informations portant sur les musulmans du pays : leur nombre, le nombre de lieux de culte, leur façon de pratiquer la religion... Ce mois-ci Felice Dasseto, professeur et chercheur à l'Université catholique de Louvain, publie une nouvelle étude sur les musulmans de Bruxelles «l'Iris et le croissant». La presse s'en empare. Les musulmans de Belgique préoccupent. Une nouvelle étude, «L'Iris et le Croissant», a été publiée en novembre. Réalisée par le sociologue Felice Dassetto, professeur et chercheur à l'Université catholique de Louvain, elle indique que le quart de la population bruxelloise, soit 250 000 personnes, est musulmane quand la moitié de celle-ci est pratiquante. La presse Belge, délivrant régulièrement des informations sur la croissance de la population musulmane, la part des musulmans dans la population bruxelloise, ou encore le nombre, toujours croissant, des lieux de culte reconnus, se concentre sur deux aspects du livre : le néosalafisme et l'absence d'encadrement civique de la jeunesse musulmane de la capitale. Selon la RTBF, reprenant l'étude, «il y a de multiples façons de pratiquer. Même si un courant se démarque depuis la fin des années 90 : le néosalafisme. [...] «C'est un retour à la lettre des textes fondateurs de l'islam. Avec aussi une grande insistance sur les aspects d'obligations rituelles, sur la tradition – par exemple – des relations interpersonnelles (notamment hommes/femmes), sur le fait de créer une communauté de gens très orthodoxes, pieux qui seraient une communauté de purs (à la limite contre les musulmans tièdes et séparés du monde non-musulman). » L'hebdomadaire Le Vif, citant l'étude, souligne que «Si l'auteur révèle «une abondance de socialisation (politico-)religieuse identitaire dans l'associatif (écoles coraniques, cours de religion islamique, DVD, livres, etc.), il y a une forte carence de la socialisation civique (scoutisme, maison de jeunes, etc.) des jeunes musulmans. Dans ce cas, il y a un enjeu important car c'est la socialisation de la rue qui prévaut.» Mi-septembre, la thèse de Leïla El Bachiri, chercheuse au centre de sociologie de l'Université libre de Bruxelles, était longuement commentée dans la presse. «Une partie des jeunes musulmans se ré-islamisent «au contact de nouveaux prédicateurs très actifs, liés principalement à la mouvance contestataire des Frères musulmans ou aux néosalafistes inspirés par le wahhabisme saoudien». [...] ces prédicateurs qui sont à l'origine de la «réislamisation» d'une partie de la jeunesse musulmane dans la capitale, «remplissent une fonction de revalorisation sociale» et touchent une population précarisée qui retrouve une certaine «dignité à travers la religion»», expliquait l'agence de presse Belga, en reprenant les mots de la chercheuse. Interviewée par le quotidien de référence Le Soir, Leïla El Bachiri, s'indigne bientôt de l'interprétation faite de sa thèse. «Je dénonce une manipulation frauduleuse de mes propos par le journal «Le Soir» lors de leur encart en première page mentionnant une «radicalisation d'une partie de la jeunesse bruxelloise» prétendant être la conclusion de ma thèse. Les termes de «radicalisation» et d'«extrémisme» n'ont jamais été évoqués de ma part», explique la jeune chercheuse dans sa réponse. Cet incident pourrait être perçu comme un révélateur de l'atmosphère de suspicion qui entoure l'islam en Belgique. «L'islam a un effet structurant de l'espace urbain, il faut y faire face. [...] Je crois que les communes travaillent dans ce sens, mais les autres niveaux (régional, fédéral) comprennent moins les enjeux ; il y a un travail à faire à cet égard», remarque Felice Dassetto. La presse devrait-elle également faire un travail sur elle-même ?