A l'Ecole nationale supérieure d'informatique et d'analyse des systèmes, nombreux sont les jeunes lauréats qui partent travailler à l'étranger, au risque de voir le Maroc se séparer peu à peu de son capital humain. A moins que ces derniers ne reviennent une fois formés pour participer au développement du pays. Près d'un an après les inquiétudes de la Fédération marocaine des technologies de l'information, des télécommunications et de l'offshoring (APEBI) sur la fuite des cerveaux, formulées en avril dernier, le constat n'a guère évolué. «Sur les récentes promotions, jusqu'à 80% des lauréats ont été embauchés par des entreprises européennes», nous dit Mustapha Moutout, président de l'association des ingénieurs de l'Ecole nationale supérieure d'informatique et d'analyse des systèmes (ENSIAS) à Rabat. Des chiffres qui émanent des remontées des jeunes diplômés de cette école. Ils partent en France bien sûr, mais aussi en Allemagne, en Suède, aux Emirats arabes unis, aux Etats-Unis et en Angleterre, entre autres. Sous d'autres cieux, les entreprises promettent en effet une meilleure qualité de vie et des salaires plus intéressants. Il faut dire que le marché local semble plutôt faire grise mine. «Elle n'est pas intéressante au niveau des salaires, et la qualité des projets qu'on leur propose n'est pas toujours très pertinente à leurs yeux», nous confie le président de l'association des ingénieurs de l'ENSIAS. «La plupart des entreprises n'offrent pas non plus un concept tendance en termes de lieu et d'ambiance de travail, d'organisation, de technologies et de relations avec la hiérarchie», observe Mustapha Moutout, qui consent toutefois que certaines sociétés se démarquent, notamment «les entreprises digitales». Un capital qui peut revenir et développer le pays La tendance a été recensée à partir de la fin des années 1990, début des années 2000. Sur les dix dernières générations, notre interlocuteur dit avoir remarqué «un transfert important d'ingénieurs en système d'information, approchés par des entreprises françaises». Vingt ans plus tard, la tendance se poursuit. «On va toujours continuer à observer des entreprises européennes qui viennent chasser sur le marché local avec des offres intéressantes en termes de pratiques salariales et d'accompagnement pour s'installer en Europe», constate le président de l'association des ingénieurs de l'ENSIAS. «La jeune génération est beaucoup plus regardante sur d'autres éléments, comme la possibilité de travailler à distance, la flexibilité des horaires, la culture de l'entreprise… C'est lié à cette génération.» Mustapha Moutout En avril dernier, Saloua Karkri-Belkeziz, présidente de l'APEBI estimait que «trois entreprises étrangères viennent tous les 15 jours pour recruter une dizaine d'ingénieurs marocains». «Ces départs sont très mauvais pour un pays qui développe des projets digitaux», s'inquiétait-elle. A terme pourtant, «ces ingénieurs peuvent représenter un capital sur lequel on peut compter pour revenir sur le marché local et ainsi développer le pays», note Mustapha Moutout. C'est justement ce qu'il s'est passé au début des années 2000. «Une vague inverse de managers et d'ingénieurs qui sont rentrés au Maroc pour pouvoir gérer des projets internes a été observée», rappelle-t-il. Tout n'est donc pas perdu.