Renforcer la moralisation des opérations électorales, principal enjeu des législatives de 2026    Révision annuelle des listes électorales générales: Le dépôt des demandes d'inscription prend fin le 31 décembre    Sahara : L'AG de l'ONU met l'Algérie et le polisario face à leurs responsabilités    Révision des listes électorales: Le 31 décembre, dernier délai pour l'inscription    Transparence économique : le Conseil de la concurrence et l'INPPLC unissent leurs efforts    Les parquets ont liquidé plus de 497.000 plaintes en 2024 (rapport)    Législatives 2026: Un arsenal juridique renforcé pour moraliser l'opération électorale    Sahara: l'ONU appelle les parties à un engagement politique constructif    Al Hoceima : Poursuite des opérations de terrain visant à prévenir contre les risques d'inondation    Casablanca-Rabat : Début des travaux de l'autoroute continentale reliant les deux métropoles    Pluies et inondations : Tanger anticipe les risques climatiques avec un vaste programme préventif    Construction : hausse des ventes de ciment de 10,6% à fin novembre    Zone industrielle Logintek : L'usine Seoul illustre la confiance internationale dans la compétence marocaine    Zidane : Le nouveau dispositif d'appui aux TPME promeut l'investissement et l'emploi    Tourisme : Des performances exceptionnelles se profilent en 2026    2025: Une dynamique de percées inédites du Maroc dans les responsabilités de gouvernance des Organisations Internationales    Israël reconnaît le "Somaliland", Trump se dit "opposé", l'UA condamne    Les Etats unis mènent des frappes contre l'Etat islamique au Nigéria    L'argent dépasse les 75 dollars l'once pour la première fois    Messe de Noël : le pape dénonce les "blessures ouvertes" laissées par les guerres    Maroc : Un séisme de magnitude 3,3 ressenti près de Meknès    Caraïbes : les récifs coralliens réduits de moitié depuis 1980    CAN 2025 : programme de ce samedi 27 décembre    CAN-2025: Le Maroc fait match nul face au Mali (1-1), conserve la tête du classement    Un nul sans âme met à nu les failles des Lions de l'Atlas et les limites de Regragui face au Mali    (CAN 2025) Walid Regragui : « Le nul face au Mali est frustrant, mais va nous servir pour la suite de la compétition »    CAN 2025 / J2 : Nigeria vs Tunisie et Sénégal vs RDC, deux chocs décisifs pour la qualification ce samedi    La FIFA distingue l'arbitrage marocain en attribuant les badges internationaux 2026    CAN 2025 : Egypte - Afrique du Sud et Maroc - Mali, les grandes affiches de ce vendredi    CAN 2025 : Le Maroc et le Mali font match nul    Le temps qu'il fera ce samedi 27 décembre 2025    Vague de froid : Face aux nuits glaciales des « lyalis »... [INTEGRAL]    Les températures attendues ce samedi 27 décembre 2025    Marruecos: Hasta -7°, lluvias, nieve y ráfagas de viento de viernes a domingo    Agadir : Arrestation d'un individu pour spéculation sur les billets de la CAN 2025    CAN 2025: Algunos aficionados se quejan del aumento de precios en ciertos cafés    Préscolarisation au Maroc : accès en progression, disparités persistantes    Couverture médicale universelle : Le Maroc cité en référence par la Banque mondiale    CAN 2025. Le Kenzi Menara Palace célèbre le Nouvel An 2025, avec une soirée événement : L'Afrique en Fête    Le Tifinagh sur la monnaie marocaine : un acte de souveraineté culturelle et de réconciliation historique    Comediablanca entame sa tournée internationale à Paris    Fela Kuti honoré aux Grammy Awards 2026    « Time for Africa », l'hymne de Saad Lamjarred, Inkonnu et Zinachi qui fait danser les stades    Un trillion de yuans... le bilan de l'innovation industrielle en Chine    WeCasablanca Festival : quand Soukaina Fahsi et Duke font vibrer le cœur de Casablanca    Kabylie indépendante : mise au point d'Aksel Bellabbaci après les déclarations d'Abdelilah Benkirane    "Bollywood roadshow de dancing Dj Naz" signé Tendansia : Un grand spectacle 100% bollywood investit le maroc les 28 et 29 janvier    De Casablanca à l'Olympia: Comediablanca entame la 1ère étape de sa tournée internationale    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Maroc : Kabareh Cheikhats réinvente les arts de scène populaires
Publié dans Yabiladi le 26 - 11 - 2018

Depuis deux ans, la troupe Jouk Attamtil Al Bidaoui met en scène le spectacle Kabareh Cheikhats. Comédiens, chanteurs et musiciens à la fois y ressuscitent le patrimoine oublié de l'Aïta et des chants de cheikhats.
Dans une démarche de recherche aux confins des arts populaires alliant musique, chant et jeu d'acteurs, la troupe Jouk Attamtil Al Bidaoui ressuscite cet héritage pour redonner vie à des registres oubliés de l'Aïta, tels que ceux de cheikha Kharboucha, Zohra al-Fassia ou encore Bouchaib Al Bidaoui, ainsi que Hadda Ouakki qui allie chant tamazight et Aïta. Initiée par le comédien et metteur en scène Ghassan El Hakim, cette formation artistique présente, depuis 2016, le spectacle Kabareh Cheikhats pour renouer avec ce patrimoinne historique.
Constitué de dix comédiens, Kabareh Cheikhats est la continuité d'un travail commencé par Ghassan El Hakim en 2014 à L'Uzine, dans le cadre de cours de théâtre. «Il a fait un travail remarquable avec les jeunes dont j'ai fait partie, en partageant avec nous ce qu'il a appris au Conservatoire de Paris, ses stages de théâtre en France et même à l'Institut des arts dramatiques de Rabat», nous explique Amine Nawny.
Le metteur en scène, qui fait par ailleurs un doctorat sur «Les archives théâtrales privées dans les années 1970 au Maroc» à l'université Paris VIII, a voulu ensuite créer une pièce de théâtre. Celle-ci raconte «l'histoire de cinq hommes vivant dans une médina, qui se rencontrent dans un hammam délaissé pour apprendre l'Aïta». «Un élément déclencheur fera qu'ils deviennent cheikhats et c'est de là qu'est né le spectacle», nous explique Amine.
Réécrire une tradition orale
Les comédiens et leur metteur en scène entretiennent un travail de recherche pendant un mois. Ils regardent notamment le documentaire «Aïta» d'Izza Genini et d'autres sur la musique populaire marocaine, ou encore le seul qui a été fait sur la figure énigmatique de l'artiste Bouchaib Al Bidaoui. «Le travail d'archivage nous a pris beaucoup de temps, parce que la matière est là mais il faut savoir comment l'utiliser. Il y a des vinyles, des tourne-disques, mais pour les écouter et retranscrire tous ces textes chantés, il faut s'armer de beaucoup de patience», nous explique encore Amine Nawny.
«Nous avons eu la chance d'être tous passionnés par ce travail et de venir d'environnements où l'Aïta a plus ou moins été présente. Par exemple, mon grand-père casablancais invitait souvent des cheikhats. Il me racontait que ses parents ramenaient souvent chez eux cheikha El Arjounia, Ben Louqid ou encore Fatima Zehafa et cheikha Rouida.»
Amine Nawny, comédien
Dans le cadre du Festival Masnaâ de 2016 à Casablanca, il a ensuite été demandé à Ghassan El Hakim de monter une performance artistique, où le spectacle Kabareh Cheikhats a été joué pour la première fois, après une résidence artistique à l'école La Parallèle, créée par le metteur en scène lui-même.
Ghassan El Hakim lors du spectacle Kabareh Cheikhats / Ph. Kabareh Cheikhats
Depuis, la troupe se produit souvent au Vetigo, lieu mythique de la vie nocturne casablancaise, et a pu même tourner en Belgique, en France, ou dernièrement au Festival L'Boulevard. «Sans être des anthropologues, notre travail est de se pencher sur la manière avec laquelle ces expressions artistiques se sont développées», confie Amine.
Réhabiliter les figures de l'Aïta
«Nous avons besoin de recherche pour recréer cet art». Amine y croit avec conviction, nous expliquant qu'«il est impossible de se limiter à un registre musical populaire ayant marqué les années 1960, sans remonter dans le temps». Pour lui, «il faut connaître les cheikhats qui ont marqué les années 1940 comme Fatima Zehafa, les années 1930 et 1920 comme El Arjounia, Aïcha Bent Louqid, et Cheikha Brika qui faisait du théâtre et du chant, avec un homme qui l'accompagnait dans le rôle d'une femme». En effet, le comédien souligne l'existence de chansons connues de nos jours, «mais qui ont été chantées par ces femmes là autrement».
Dans les années 1960, certains arts populaires ont commencé à tomber dans l'oubli ou à s'hybrider. Les codes sociaux, vestimentaires et artistiques, eux, se sont genrés davantage. Cette tendance a impacté des arts de scène ancestraux alliant chant, jeu théâtral et musique, à l'image de ceux joués traditionnellement dans les halqa, les mariages et autres fêtes populaires.
La tradition de l'Aïta, essentiellement rurale, a été introduite par Bouchaib Al Bidaoui dans le milieu citadin. «C'était un véritable défi», comme nous le rappelle Amine Nawny qui incarne souvent ce personnage au cours des spectacles Kabareh Cheikhats. Sur scène, cette tradition a été reprise notamment par le comédien et dramaturge Tayeb Saddiki, qui a écrit et adapté des pièces de théâtre avec ses comédiens depuis les années 1960. Pour les besoins de leur performance artistique, certains se sont habillés en caftans et couvert leurs visages du traditionnel n'guab.
«Voir des hommes se déguiser en femme lors de soirées est une pratique ancienne, souligne Amine Nawny. Avec les cheikhates, il y en avait toujours un déguisé en femme pour un objectif artistique que l'on appelait alors 'lefraja'. Par exemple, au sein de la troupe Abidate Errma, un artiste se déguisait en femme enceinte pour accompagner l'une des chansons. A chaque performance d'arts populaires, on pouvait se permettre de casser temporairement les codes, le temps du spectacle.»
Cette tradition a surtout existé à Casablanca, «où l'on faisait appel à un groupe nommé l'Orchestre 55 et qui mettait en scène un personnage similaire à bord d'une charrette», explique encore Amine. «A l'époque, les cheikhats ne faisaient que chanter l'Aïta et pendant les pauses, l'acteur déguisé en femme venait raconter des blagues, taquiner l'assistance, faire de l'animation».
Spectacle de Kabareh Cheikhats / Ph. Kabareh Cheikhats
Les cheikhats, figures artistiques et politiques
Titulaire d'un master en sciences politiques, Amine Nawny est également convaincu que «le théâtre est un acte politique» et le spectacle de Kabareh Cheikhats en revêt plusieurs aspects. «Il révèle une partie de l'histoire sociale, qui est celle des guerres sous le Protectorat et des injustices… On n'en parle pas dans les manuels scolaires», nous confie le comédien. En effet, «la notion de cheikhats est beaucoup plus forte que celle d'artistes. C'est lourd de sens, car dans la conscience collective, la cheikha a un rôle particulier», nous rappelle le comédien.
«La cheikha apprend les arts de l'Aïta et chante contre l'injustice des Caïds de l'époque ou encore contre le pouvoir colonial. Elle connaît les textes par cœur et les transmet, elle apprent des rythmes anciens et devient porteuse de leur histoire. Elle devient véritablement un musée mobile.»
Amine Nawny, comédien
Dans les premières de l'indépendance au Maroc, «la société a porté sur elles un regard péjoratif, qui s'est développé avec le colonialisme en catégorisant les cheikhats comme des prostituées», nous explique encore Amine Nawny.
«Le fait est que dans la culture des cheikhats, il y a une certaine liberté, affirme-t-il. Ce sont des femmes qui ne portaient pas de foulard, se maquillaient et portaient des caftans colorés». «Nous avons pris autrement le concept de modernité, mais nous avons oublié qu'elle se trouvait dans nos racines et que les connaître permet de relativiser beaucoup de choses», souligne-t-il encore.
«Je pense que la télévision nationale doit avoir énormément d'archives des cheikhats qui passaient à l'écran dans les années 1960 et notamment les soirées de Bouchaib Al Bidaoui», rappelle le comédien. «Nous serions prêts à collaborer pour organiser des soirées de projections de ces archives-là dans des cinémas, suivies de débats», affirme-t-il, ajoutant que peu d'investissements sont faits sur les archives visuelles du Maroc, «alors que d'autres pays comme la France le font à notre place».


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.