Née au début des années 1950, l'armée de libération nationale mènera au Maroc le combat pour la libération du pays du protectorat français. Dans la première partie de cette série, zoom sur la création de l'ALN, en mettant l'accent sur la situation internationale qui prévalait à l'époque, caractérisée par la croissance des mouvements de libération dans de nombreux pays. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la situation internationale a marqué la croissance et l'expansion des mouvements de libération des peuples du monde entier. Objectifs ? Se débarrasser de la colonisation directe et indirecte en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud et décrocher l'indépendance et la reconnaissance des droits de ces pays colonisés. Ces derniers profiteront notamment de l'opposition entre les camps capitaliste occidental et socialiste oriental. D'ailleurs, plusieurs conventions et chartes internationales dans le cadre de la jeune Organisation des Nations unies, ont adopté cette tendance et reconnu la nécessité de la décolonisation tout insistant sur le droit des peuples à l'autodétermination. Ces mouvements de libération ont alors obtenu d'importants succès dans plusieurs pays, en particulier ceux ayant opté pour l'option de la lutte armée. Ils offriront même l'espoir et la motivation au reste des peuples quant à la possibilité de vaincre le colonialisme, quelle que soit sa supériorité militaire ou économique. L'expérience du Vietnam est d'ailleurs un brillant exemple de la défaite des puissances coloniales française et américaine. Aux origines de la naissance du sentiment national Parallèlement, l'option de négociations pacifiques avec les puissances coloniales a montré ses résultats limités. Dans le meilleur des cas, ce choix n'a abouti qu'à la formation d'entités pseudo-indépendantes, mais qui gardent tout de même des structures coloniales et semi-coloniales à tous les niveaux, avec une élite locale profitant de la situation et liée au colonisateur. Des combattants lors de la bataille d'Anoual. / Photo d'illustration Quant au Maroc, colonisé sous couvert du protectorat par la France et l'Espagne, le royaume chérifien n'a pas été isolé de ces développements internationaux. Victime de diverses formes d'exploitation, le pays a été soumis à des modifications touchant l'ensemble de ses structures économiques, politiques, sociales et culturelles. Cela a permis au colonisateur de renforcer les liens organiques qui s'étaient développés durant la période précédant le protectorat, persistant même après l'indépendance ; des liens tissés avec des groupes de protégés marocains et étrangers. D'ailleurs, ce constat s'est matérialisé avec les accords imposés au Maroc par les autorités françaises pour servir ses intérêts et qui avaient bénéficié à ces groupes. Seulement, pour le reste de la société marocaine, la situation s'était aggravée à tous les niveaux. C'est dans cette atmosphère générale que le sentiment national est né contre l'exploitation, l'oppression et la répression coloniales. Un ensemble qui s'est accentué pendant et après la Seconde Guerre mondiale, d'où la France coloniale est sortie épuisée. L'Hexagone devait ainsi rechercher des solutions à cette crise, en particulier avec la montée des appels à l'indépendance des peuples colonisés. 13 novembre 1914 : La bataille historique d'El Hri et la victoire d'Ouhammou Zayani Toujours au Maroc, les moyens d'affronter le colonialisme et décrocher l'indépendance tant aspirée variaient. D'une part, le dialogue et la négociation avec le colonisateur étaient maintenus et soutenus par le mouvement national qui réclamait initialement des réformes à une époque où la résistance armée était toujours active dans l'Atlas. Cette demande se transformera par la suite à un appel à l'indépendance ou même à une «autonomie» et au retour du sultan Mohammed Ben Youssef. Photo d'illustration. / Ina.fr Divergences de points de vue à la veille de la naissance de l'ALN Un autre courant verra le jour : celui qui estime que la négociation et le dialogue ne mèneront à rien. Ce courant mettra l'accent sur la nécessité de recourir à la lutte armée pour se libérer du colonialisme et de ses alliés locaux. Cette fraction était représentée par l'armée de libération marocaine, Mohamed Ben Abdelkrim Khattabi et le mouvement de résistance armée en général. Cette diversité de choix est évidente et s'est reflétée dans les luttes internes des partis politiques marocains, opposant leur jeunesse rebelle qui aspire à l'indépendance et l'approche pacifiste des dirigeants de ces partis. Cette divergence s'illustre aussi entre l'approche officielle de négociation de ces partis face à la position d'une grande partie du peuple marocain, son sentiment national et son aptitude à relever tous les défis pour décrocher l'indépendance. D'ailleurs, cette diversité s'est même exportée au Comité pour la libération du Maghreb arabe au Caire, entre Mohamed Ben Abdelkrim Khattabi et les représentants des autres partis politiques ayant signé le Manifeste de l'Indépendance du Maroc et sa loi fondamentale. 2 octobre 1955 ou l'anniversaire de la première opération de l'Armée de libération nationale De plus, la situation explosive à l'époque en Algérie, et l'escalade de la confrontation militaire entre les forces d'occupation françaises et l'Armée de libération nationale algérienne, ainsi que l'ampleur des polarisations régionales après la révolution des officiers libres en Egypte et les développements de la cause palestinienne, en particulier après la Nakba de 1948, ont renforcé l'enthousiasme libérateur dans toute la région. Des combattants amazighs. / Ph. DR Tous ces facteurs ont contribué à la naissance de l'Armée de libération marocaine, qui a commencé à former ses cellules secrètes dans un certain nombre de zones du Rif et du moyen Atlas. Mais ce n'est que le 2 octobre 1952 que la nouvelle armée signera sa toute première opération contre l'armée française à Aknoul, Tizi Ouasli et Boured, élément déclencheur d'une série d'événements marquants d'une période décisive de l'histoire du Maroc dans les années 1950.