Thami El Glaoui est incontestablement un des pachas ayant le plus marqué l'histoire du Maroc. Considéré comme un traître pour avoir soutenu le colonisateur, il mènera une vie de grand luxe durant les années 1940 et 1950. Pacha de Marrakech et bras droit du maréchal-résident Louis Hubert Lyautey, Thami El Glaoui s'est vu propulser au pouvoir en 1912, lorsqu'il est nommé pacha de la ville ocre, après avoir soutenu férocement le colonisateur. Issus de l'importante tribu des Glaoua, du Haut Atlas marocain, Thami est le frère de Madani El Glaoui qui dirigeait la tribu et entretenait de bonnes relations avec le sultan Abdelhafid ben Hassan. Les frères El Glaoui sont devenus célèbres en 1893, lorsque Madani El Glaoui «a sauvé le sultan d'une tempête de neige et de la famine, après qu'il se soit retrouvé coincé dans les montagnes lors d'une expédition de collecte de taxes», rapporte la BBC. Récompensés par Abdelhafid, les deux frères obtiennent «un canon Krupp de 77 mm», artillerie qui leur permettra de contrôler la région et s'accaparer le pouvoir à partir de leur ville natale, Telouet. Madani proposera son frère pour occuper le poste de pacha de Marrakech, une décision appuyée par les Français, rappellent les historiens Trudy Ring, Noelle Watson et Paul Schellinger dans leur livre «Le Moyen-Orient et l'Afrique : dictionnaire international des lieux patrimoniaux» (Routledge, 5 mars 2014). Des fêtes somptueuses et des cadeaux sardanapalesques Une fois nommé gouverneur de Marrakech, Thami a gagné la confiance de Lyautey, qui a décidé de s'appuyer sur le pacha pour mener une campagne de pacification dans le sud du Maroc. Après la mort de son frère, El Glaoui a pris la tête de la tribu des Glaoua, sous les instructions du général français, et devint le «seigneur» de l'Atlas. Sa nouvelle vie de pouvoir, le pacha la passera dans sa résidence dans la ville ocre, où comme l'histoire le retient et telle qu'elle a été immortalisée par plusieurs photographes et historiens, était un espace de grande réception des personnalités les plus influentes de l'époque. Résidence du pacha Thami El Glaoui Le pacha était fasciné par l'Occident et les occidentaux qu'il accueillait à bras ouverts chez lui. Ses préférences et son style de vie se traduisirent par une série de fêtes luxueuses qu'il organisa dans son palais de Marrakech, surnommé Dar El Glaoui. «Durant ces années en tant que Pacha, El Glaoui a maintenu un style de vie ostentatoire animé par une fascination pour les Européens. Lui et son entourage, y compris une partie de son harem, ont souvent voyagé en Europe.» Trudy Ring, Noelle Watson et Paul Schellinger Dans son palais, El Glaoui a reçu de hautes personnalités occidentales, notamment le Premier ministre britannique Winston Churchill et l'acteur Charlie Chaplin. A chaque cérémonie, le pacha avait l'habitude de gâter ses invités «avec de grands banquets et des cadeaux onéreux», écrivent les trois historiens. Dans les années 1920, il décide de construire un parcours de golf rien que pour ses invités. «Il a estimé que le parcours était essentiel pour divertir ses nombreux amis européens», poursuivent-ils. La récompense qu'il ne recevra jamais de la reine Elizabeth II Selon la BBC, El Glaoui aurait été invité par Churchill au couronnement de la reine Elizabeth II en 1953 «dans l'espoir d'être récompensé». A Londres, «il a présenté à la nouvelle reine des cadeaux spectaculaires». Cependant, la reine n'aimait pas vraiment El Glaoui : tous ses somptueux cadeaux étaient refusés et il ne sera jamais décoré. Pour couvrir ses besoins dans ce style de vie extravagant, El Glaoui imposait une «taxe» annuelle astronomique, qu'il obtenait grâce à des «monopoles sur les marchés du sud pour les olives, le chanvre et les oranges», ont écrit Ring, Watson et Schellinger. «La quête insatiable d'argent d'El Glaoui l'a amené même à profaner le tombeau d'un saint à Marrakech en volant ses trésors.» Trudy Ring, Noelle Watson et Paul Schellinger La sécheresse et la baisse de la production agricole n'ont pas empêché le «seigneur de l'Atlas» de réclamer plus d'argent. Il a insisté pour recevoir les mêmes revenus du corps d'armée pour financer son «entreprise coûteuse». Cependant, le pacha est tombé en disgrâce lorsque le Maroc a eu son indépendance en 1956. Thami El Glaoui était considéré comme un traître après avoir collaboré avec les Français. Celui qui était surnommé la panthère noire est mort peu de temps après une réconcilliation, dans son château de Telouet.