Fonky Family, Kéry James, Rohff, Diam's... Les grands noms du rap français chantent sur des sons de Sayd des Mureaux. Le Franco-Marocain a fait, avec succès, des beats et de la composition son métier. Il ne s'est pas arrêté là. Depuis plus de 3 ans, Sayd s'intéresse de près au rap marocain et produit des artistes. Son rêve : partager ses compétences pour professionnaliser le rap au Maroc. Portrait. Comment devient-on beatmaker pour les plus grands rappeurs français ? A en¬tendre Sayd des Mureaux, l'on pourrait penser que cela se fait «de fil en aiguille», par enchaînements de circonstances heureuses. Pourtant, l'histoire du Franco-Marocain, de son vrai nom Sayd Nabil, montre plutôt qu'il a su faire les bons choix au bon moment pour trouver sa place dans le rap français au moment où il devenait un réel business. De la danse, au graff et au rap, de l'écriture à la composition «Je suis de la génération après NTM, après IAM, l'époque de la vraie médiatisation du rap français entre 1995 et 1997-98». Sayd Nabil commence à s'intéresser à la culture hip hop dans les années 80. «J'étais gamin, c'était par le biais de l'émission télé H.I.P. H.O.P. sur TF1», première émission hip-hop en France. En 91, j'ai commencé à m'intéresser petit à petit à l'écriture, au rap», poursuit-il. Quelques scènes dans sa région, l'île de France et dans les Yvelines, un premier projet en 96, des apparitions dans des compilations en France en 1996 et 97. En 97, un single, raconte Sayd de manière très factuelle. L'ambiance des concerts et tournées communes avec Diam's ou Kéry James reste à imaginer. A la même période, Sayd travaillait avec Expression Direkt du Val Fourré, groupe avec lequel il expérimente scène et musique. Les bonnes compositions étaient une denrée rare à l'époque, explique Sayd. «Je cherchais des compositions pour pouvoir rapper dessus. Les producteurs que je connaissais étaient occupés par leurs propres groupes.» Conséquence logique : il s'est mis à composer, d'abord pour lui-même, ensuite pour les autres. «De fil en aiguille, j'ai laissé entièrement l'écriture et le rap de côté pour me concentrer que sur la compo.» Il n'a jamais regretté sa décision. Elle lui a per¬mis d'occuper une niche dans le marché du rap français. Diam's et Kéry James, Rohff, «je les ai rencontrés du temps où je travaillais avec Ex-pression Direkt. De leur côté, ils ont évolué dans leur carrière. Ils ont vu que moi je faisais des sons et ils en avaient besoin, ils m'ont contacté.» Dans les années 2000, «beaucoup de projets se sont ouverts», avec la Fonky Family de Marseille, la chanteuse franco-marocaine Wallen, Sinik ou plus récemment Salif. La discographie de Sayd des Mureaux s'allonge. Ses idées de pro¬jets ne tarissent pas et ses horizons dépassent l'Hexagone... Des liens artistiques avec le Maroc «En tant que Marocain d'origine, on a toujours envie de savoir ce qui se passe là-bas. Moi, c'est le hip-hop qui m'intéresse». Avec son père originaire de Nador et sa mère fassie, Sayd passait tous ses étés au Maroc jusqu'à 20 ans. S'ensuivit une période de plus de 10 ans, où, faute de temps, il n'est reparti au Maroc qu'une seule fois. Depuis quatre ans, c'est à travers le rap qu'il renoue avec son pays d'origine. «J'ai vu qu'il y avait un vrai travail au niveau du son et qu'il y a aussi une musique 100% hip hop au Maroc, un rap en arabe sur des musiques hip hop, sans éléments folkloriques. Ça m'a interpellé», ex-plique Sayd. D'une manière générale, «le Maroc évolue beaucoup», estime l'artiste. «Avec le climat qui règne en France depuis quelques an-nées, forcément, je me tourne davantage vers le Maroc. En France, même si tu fais des grandes études, il y a toujours ce truc qui bloque.» Au Maroc, Sayd des Mureaux considère qu'il y a beaucoup de choses à faire pour le rap. Introduit à la scène marocaine par le chanteur Ahmed Soltane, il a signé ses premières coopérations avec H-Kayne et il compte s'investir davantage. Son objectif : aider à professionnaliser le milieu. «A part quelques rappeurs connus comme H-Kayne, la plupart ne travaille pas assez l'identité artistique.» D'autre part, il faut aussi structurer le milieu, organiser des financements, assurer les droits d'auteur, monter des labels. «C'est nécessaire pour que le rap marocain soit considéré, pas seulement au Maroc, mais aussi au- delà», explique Sayd. Lui-même s'est lancé dans l'aventure d'un label il y a trois ans. «Shab El Méricane Music» lui permet aujourd'hui de pousser plus loin sa coopération avec des artistes marocains. Le label produit le premier album solo de Mehdi K-Libre, «L'Mraya», dont un premier single est sorti début juillet. Par professionnaliser, Sayd entend aussi une certaine manière de collaborer. Avec Mehdi, ils travaillent les morceaux ensemble, chacun apporte ses propositions, une collabo-ration ouverte. «C'est autre chose que de ré-pondre à des appels d'offres, envoyer des sons, attendre la sélection et après faire le mixage et basta.» Cet article a été précédemment publié dans Yabiladi Mag n°9