Né en 1976 à Nador, Khalid Maadour est un passioné de cinéma. Depuis le début des années 1990, il mène sa carrière d'acteur entre la France et le Maroc, où il est révélé surtout en 2004 après avoir joué dans Marock, film générationnel de Laïla Marrakchi. Sa première apparition s'est faite sur le petit écran, lorsqu'il a participé dans des séries françaises, au milieu des années 1990. Khalid Maadour, aujourd'hui comédien et réalisateur confirmé, a cultivé son amour pour le cinéma et pour le jeu d'acteurs dès son enfance à Oyonnax. En évoquant le déménagement de ses parents en France, six mois après sa naissance, l'artiste nous rappelle quelques réalités historiques : «Sous le Protectorat, la France a eu besoin de chair à canon. Mon père a donc été enrôlé de force pour participer à la guerre d'Indochine. Six mois plus tard, il nous a installés en France.» Un acteur-né Dans l'Hexagone, Khalid Maadour aiguise sa passion pour les arts dramatiques. «J'ai commencé très jeune à faire du théâtre, en 1989, au sein d'une petite troupe non-loin de Lyon», nous confie-t-il. Depuis, il est devenu accro à la scène. C'est ainsi qu'il a continué à évoluer avec sa troupe, parallèlement à ses études collégiales, ce qui lui a ouvert la porte du conservatoire d'Oyonnax en 1994. Au lycée, il est repéré par le réalisateur Jean-Marc Boeuf, qui lui permet en 1996 de jouer dans la série française «Madame la proviseure». «C'est comme cela qu'après le théâtre, j'ai pris goût au cinéma et au travail de comédien, à travers lequel j'ai découvert un univers qui m'a fait vibrer chaque seconde», se rappelle-t-il avec fierté. Une fois à Paris après avoir décroché son baccalauréat, Khalid Maadour est épaulé par un agent qui l'a orienté dans le domaine artistique, et qui continue de l'accompagner depuis près de 25 ans. «J'ai fait de belles rencontres artistiques et professionnelles, nous raconte le comédien. Je rends particulièrement hommage aux femmes qui m'ont orienté tout au long de ma carrière et de ma vie, car grâce à elles, j'ai réussi à gravir les échelons du cinéma français.» Les rôles se sont enchaînés, mais Khalid Maadour garde la tête sur les épaules : «Etre une star n'a jamais été mon objectif, mais faire du cinéma l'est incontestablement». A Paris, le comédien suit également une licence conditionnelle en cinéma à l'Université de Paris VIII et se lance tout de suite après dans la vie professionnelle. Dans son évolution cinématographique, il est rapidement influencé par Jean Cocteau, qu'il nous cite volontier : «'L'écriture moderne est le cinéma dont l'encre est la lumière'. Cette phrase m'a toujours marqué et m'a poussé à faire mes premiers pas dans la réalisation.» En tant qu'acteur, Khalid Maadour tourne dans des films connus comme «OSS 117 : Le Caire, nid d'espions» de Michel Hazanavicius, «Il était une fois dans l'oued» de Djamal Bensalah, ou encore «Comme tout le monde» de Pierre-Paul Renders. Il apparaît également dans la série à succès «Kaboul Kitchen», diffusée sur Canal+, ou encore «Plus belle la vie» sur France 3. Khalid Maadour et Thierry Lhermitte dans le film Mr. Average / Ph. DR. Une révélation sur grand écran L'artiste commence par réaliser des petites capsules pour Canal+. Au Maroc et à partir de 2013, il a fait trois téléfilms en plus d'une mini-série pour la chaîne Tamazight, à propos de sa région natale : le Rif. «Revenir aux sources et tourner des films ici était mon objectif depuis l'enfance», nous confie-t-il. Mais avant de passer derrière la caméra, Khalid Maadour participe dès 1999 à des films tournés dans le sud du Maroc. Il est popularisé plus largement dans son pays natal à partir de 2004, après avoir joué dans «Marock», film culte de Laïla Marrakchi. Plus tard, sa popularité dans le royaume se confirme après sa participation dans «Marhaba», de Zakia Tahiri. Lorsqu'il passe à la réalisation, il se spécialise surtout dans des thématiques sociétales. Il nous en explique les raisons : «Chaque pays a ses avantages et inconvénients. Pour améliorer le quotidien de chaque personne, je crois qu'il faut montrer nos maux et savoir en parler. Lorsqu'un médecin veut vous guérir, il va directement là où vous avez mal. Je pense qu'il faut faire la même chose dans le cinéma.» Khalid Maadour dans OSS 177 / Ph. DR. C'est pourquoi et à travers le cinéma, Khalid Maadour porte surtout un message contre la hogra. Dans ce sens, il finalise le montage de trois courts-métrages qui forment une heure et demie, animés par son indignation contres les inégalités et la marginalisation. «L'handicap est souvent un sujet mal compris et il est au cœur de ces trois films. Mes héros sont des petites gens qui sont rejetées par une partie de la société. Cette trilogie en parle donc à travers un court qui aborde le handicap physique, un second qui s'attaque à l'alzheimer précoce et un troisième qui aborde plutôt la culture et les chants berbères, en prévision d'un long-métrage coproduit avec la France.» Permettre aux graines d'artistes de briller Dans sa trilogie, le réalisateur fait participer des acteurs confirmés auprès d'autres non professionnels, dans l'idée de permettre à ces derniers d'évoluer dans le monde du cinéma. Khalid Maadour nous indique apprécier entourer ces personnes par des acteurs professionnels, «car l'échange entre eux ajoute une magie particulière au tournage». La phase de montage permet justement au réalisateur de revisualiser cette magie qui s'opère, où il nous fait remarquer que le travail des acteurs non professionnels y est «sublime». Parmi ces graines d'artistes, Khalid Maadour nous confie que son film «Viva Los Novios» a permis de révéler les talents de Fouad Dkhissi, Mohamed Benhamou ou encore Soufiane Bouras. Par ailleurs, il indique à Yabiladi que parmi les artistes plus connus dont il a fait l'égérie dans ses films, il considère Silya Ziani comme «une étoile montante : une bonne chanteuse et une très grande actrice». La chanteuse et actrice Silya Ziani / Ph. DR. L'artiste, une des figures de proue du Hirak du Rif, incarne le rôle principale dans le film intitulé «La lettre et le tambourin». Entièrement tourné en rifain, celui-ci raconte l'histoire d'«un couple marié grâce à des chants poétiques», révélant par ailleurs des acteurs comme Mimoun Zanoun ou encore Mounia Meziani. Quant à Silya Ziani, elle y interprète le rôle d'une chanteuse et d'une poétesse, qu'un professionnel du bendir accompagne musicalement. «Cette osmose faisait que tous les gens alentours venaient les écouter, nous explique le réalisateur. Ce mariage artistique a fini par les unir, mais la vie les séparera avant de les réunir à nouveau». Silya Ziani incarne également le rôle principal dans le court-métrage «Captive», auprès de Rachid Amaghtoug et Amine Elmadrassi, tourné cette fois-ci en darija. Son personnage s'y confronte à un Alzheimer précoce, dans l'incompréhension générale de son entourage. «Je n'aime pas les communautarismes, car l'art n'est pas censé avoir une identité propre, tient à souligner Khalid Maadour. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'aime faire du cinéma en français, en anglais, en rifain et en darija». Plaider pour un cinéma social universel A travers ses travaux artistiques, Khalid Maadour dit défendre un cinéma universel, tourné vers les maux des sociétés. «Quelle que soit la hogra et où qu'elle soit, il faut la dénoncer : c'est une question de civisme, de valeurs du respect envers l'autre et c'est un état d'esprit», précise-t-il. Ses films et ses projets deviennent ainsi un véritable plaidoyer pour ne plus fermer les yeux contre les dysfonctionnements sociétaux qui animent des sentiments d'injustice chez nombre de citoyens du monde. Pour lui, il s'agit d'«un appel à l'espoir, à croire en la force de l'amour et de la vie».