Débattu depuis des décennies, le projet d'un tunnel reliant le Maroc à l'Espagne à travers le détroit de Gibraltar est toujours un casse-tête pour les professionnels en charge du projet. Une conférence de presse a réuni la semaine dernière à Gibraltar, le président de la Société espagnole pour les études de la liaison fixe à travers Gibraltar (Secegsa), Rafael García-Monge Fernández et l'association territoriale d'ingénieurs industriels. Cette conférence a mis en lumière les nouveau projets et propositions concernant le projet de construction d'un tunnel qui relierait le Maroc à l'Espagne, rapporte le média espagnol El Diario de Cadiz. Pour rappel, l'idée de base d'un tunnel a germé dans l'esprit de l'ingénieur Laurent De Villedemil en 1869. Le projet d'un tunnel Tarifa-Tanger de 41 km a ensuite été proposé par Jean-Baptiste Berlier en 1895. D'autres projets ont suivi avant d'être finalement écartés, faute de financement. Ce n'est que cette année, et grâce à une proposition élaborée par l'Université de Zurich et Herrenknecht, le plus grand fabricant de tunneliers au monde, que le débat semble se déplacer. L'entreprise affirme dans cette étude que le projet serait envisageable grâce à la fabrication d'un tunnelier capable de traverser cette zone très dense. Ainsi, la société espagnole Secegsa affirme que le projet le plus raisonnable consisterait en la construction d' un tunnel de 38,67 kilomètres de long reliant les deux rives. La trame sous-marine ferait un total de 27,75 kilomètres sur une profondeur de plus de 475 mètres et une pente de 3%. La vraie complexité du projet est sans doute la technologie nécessaire. L'entreprise suisse Herrenknecht pourrait palier ce problème en créant un tunnelier assez puissant. De son côté, Rafael García-Monge Fernández a précisé durant la conférence qu'idéalement 8 engins de ceux que pourrait produire l'entreprise suisse seraient nécessaires. Cependant, cette initiative serait bloquée par un autre obstacle, celui du financement, car chaque tunnelier devrait coûter approximativement 32 millions d'euros. Investissements privés et transport de l'énergie vers l'Europe Si ce projet n'est pas tellement à l'ordre du jour, c'est à cause du coût qu'il engendrerait. Lors de la conférence, on retiendra un seul chiffre : plus de 8 milliards d'euros sont nécessaires pour que le tunnel voit le jour. Des charges qui ne manqueraient pas d'être revues à la hausse et qui seront partagées par les deux pays concernés. Rafael García-Monge Fernández affirme que «les parties prenantes ne montrent pas assez de considération et d'enthousiasme pour le projet». Et d'ajouter que «le financement ne devrait pas uniquement retomber sur le Maroc et l'Espagne, l'Union européenne devrait également participer». Outre une participation européenne, la société espagnole estime qu'une injection de capitaux privés est nécessaire. Dans ce sens, Rafael García-Monge Fernández explique que les entreprises «commenceraient à avoir un revenu dans un court laps de temps», car le tunnel pourrait être une plateforme d'investissements colossaux et dans plusieurs domaines. Concrètement, le débat s'est tourné vers le transport de l'énergie dite propre. A l'horizon 2050, l'Europe envisage de n'avoir recours qu'à de l'énergie propre ou renouvelable. La construction de ce tunnel serait donc une aubaine pour l'Europe, estime le président de Secegsa, car il pourrait «ramener de grande quantité d'énergie solaire ou autre venue d'Afrique». Malgré les multitudes d'études, aucune action n'a été prise ni du côté espagnol, ni marocain. Une réserve de la part des deux gouvernements, à moins qu'ils soient épaulés demain par des investisseurs privés.