«Le Comité rifain» ou le rêve de Mohamed Ben Abdelkrim El Khattabi de lancer, depuis Le Caire, une nouvelle révolution armée. Il voulait marquer ainsi son opposition aux accords de La Celle-Saint-Cloud. Le 6 novembre 1955, le sultan Mohammed V et le ministre français des Affaires étrangeres, Antoine Pinay, signèrent les accords de La Celle-Saint-Cloud. Le document prévoyait d'accorder au Maroc un «statut d'Etat indépendant, uni à la France par les liens permanents d'une interdépendance librement consentie et définie». «Les pouvoirs de gestion, jusqu'ici réservés, feront l'objet d'un transfert, dont les modalités seront arrêtées d'un commun accord». Si ce «dénouement» de l' «Affaire marocaine» a satisfait les cadres du Parti de l'Istiqlal, d'autres forces politiques y étaient foncièrement opposées. Mohamed Ben Abdelkrim El Khattabi n'a pas caché son amertume et a pris, depuis son exil égyptien, la tête d'une fronde armée. A cet effet, le héros de la bataille d'Anoual lança «le Comité du Rif». Colère de Nasser L'instance politico-militaire s'appuya sur le soutien de l'Egypte de Nasser. Le meneur du coup d'Etat du 23 juillet 1953 ayant mis un terme à la monarchie, était également un opposant à l'indépendance du Maroc alors que l'Algérie restait sous colonisation française. Le président égyptien croyait que les accord de La Celle-Saint-Cloud étaient une forme de «trahison», écrit Mohamed Bensaid Aït Idder dans l'introduction du livre «le Comité rifain». Il convoqua ainsi les chefs des Armées de libération du Maroc, l'Algérie et la Tunisie et parvint à les convaincre de signer un document dénonçant l'accord signé le 6 novembre 1955 entre Mohammed V et Pinay. El Khattabi rêvait de lancer une révolution contre la France, l'Espagne et l'Istiqlal Ce concours de circonstance allait accélérer la création du «Comité rifain». El Khattabi s'était déjà préparé au lancement d'une opération armée depuis sa région natale. A cet effet, il a formé des jeunes officiers dans des académies en Egypte, Irak et Syrie et les a ensuite envoyé au nord du Maroc. Le Parti Achoura et Istiqlal, de Mohamed Hassan El Ouazzani, allait mettre à la disposition d'El Khattabi son réseau de militants dans les différents coins du Maroc. Le choix de cette formation ne s'est pas fait au hasard. Son leader et l'émir rifain partageaient la même hostilité envers le Parti de l'Istiqlal d'Allal El Fassi et Mehdi Ben Barka. Officiellement le «Comité rifain» était sous le commandement du Parti Achoura et Istiqlal mais en réalité c'est l'émir rifain qui tirait les ficelles depuis le Caire. En témoigne les lettres échangées entre lui et ses fidèles publiées par le «Centre Mohamed Bensaid Aït Idder des recherches et études». Dans l'une d'elle (page 26) datant du 17 mai 1956, il planifia des pièges, avec des dessins à l'appui, effectués par 25 hommes de sa «petite armée» contre «l'ennemi» : Les Français et les Espagnols et les partisans de l'Istiqlal dans les rangs de l'Armée de libération. L'échec Cependant, le «Comité rifain» n'a pas réussi à changer la donne sur le terrain. L'Istiqlal d'Allal El Fassi a imposé sa «suprématie». Le Parti Achoura et Istiqlal, la vitrine du projet d'El Khattabi a fait les frais d'une campagne répressive menée par les fidèles d'Allal El Fassi à Souk Larbaâ, Ghafsai et dans les centres de détention de Briech et à la «Satième» à Casablanca. Les armes promises qui ne sont jamais arrivées ou dans les meilleurs des cas parvenues aux hommes en petites quantités a contribué à l'échec de l'opération. A cela s'ajoute le peu d'emballement des «riches rifains» à financer une nouvelle guerre d'El Khattabi (page 66). Pourtant dans ses lettres, il n'a eu cesse de conseiller à ses fidèles de contacter les «riches rifains» en vue de les convaincre d'adhérer au projet. Mais le Rif que l'Emir avait été contraint de quitter en 1927 avait sans doute changé. Finalement les hommes du «Comité du Rif» sont tombés entre les mains de la police marocaine dirigée par un certain Laghzaoui, un istiqlalien. Le livre du Centre Mohamed Bensaid Aït Idder publie les aveux de 23 membres du «Comité rifain». Moins de deux années après l'échec du «Comité rifain», un soulèvement éclata au Rif et fut brutalement réprimé par l'armée marocaine.