Manifestant contre leur condition de vie, la population de Jerada a porté 43 cercueils dimanche. Le temps d'un rassemblement, elle rappelle ses revendications sociales, ainsi que le nombre de victimes mortes dans l'exploitation clandestine des mines de charbon. Les habitants de Jerada ont répondu par centaines à un nouvel appel à rassemblement, ce dimanche, en protestation contre la misère dans laquelle ils ont été plongés depuis la liquidation judiciaire de la compagnie Charbonnages du Maroc (CdM), à la fin des années 1990. Les manifestants ont afflué de plusieurs quartiers, mais aussi des villes alentours comme Tendrara, Twist, Aïn Beni Mathar, Bouarfa ou encore Oujda. Tous ont porté 43 cercueils, en hommage au nombre de victimes mortes pendant l'exercice de leur travail dans les puits de charbon, lesquels sont restés clandestinement en activité après la fermeture officielle. Les participants ont ainsi lancé des slogans appelant à la consécration d'une justice sociale, tout en exigeant que leurs revendications trouvent un répondant au niveau des décideurs, par le biais de la création d'emplois viables, la reddition des comptes et la définition des responsabilités quant à la dégradation de la situation sociale et économique de la ville. Absence de dialogue Dans une déclaration à Yabiladi, Mustapha Selouani, de la section locale de l'Union marocaine du travail (UMT), affirme qu'«il n'existe toujours pas de dialogue», malgré la continuité des protestations dans la ville. Le syndicaliste rappelle que la dernière rencontre entre gouvernement et société civile a été «celle avec Aziz Akhannouch, ministre de l'Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, il y a dix jours». Par ailleurs, le militant ajoute que «la mobilisation du mouvement n'a pas faibli. C'est un processus continu qui prend désormais une dimension régionale». Concernant les réactions des autorités face aux protestations, Mustapha Selouani indique que celles-ci «se comportent actuellement de manière ordinaire». Il précise également que «mise à part la réaction du Wali, selon qui les marches ne seraient plus pacifiques, les militants ne font pas l'objet de menaces ou de harcèlements». Dans un autre registre, le militant tient à rappeler que le mouvement du Hirak à Jerada n'est pas soutenu par un parti politique : «A l'exception de l'alliance constituée de plusieurs centrales syndicales de la région, la présence de partis politiques au sein de cette configuration n'est pas formelle. Les appartenances partisanes au sein des syndicats restent une affaire individuelle, qui n'influe ni sur l'exercice de mobilisation, ni sur l'unification des actions, ni sur la prise de décisions communes.» Le gouvernement aurait besoin de temps Paradoxalement, à l'absence de dialogue efficient tel que soulevé par Mustapha Selouani, l'exécutif tient un autre discours. «Le gouvernement interagit positivement aux revendications de la population de Jerada. Il continuera à appuyer le développement social de la région», a déclaré samedi Aziz Rabah, ministre de l'Energie, des mines et du développement durable, invité à l'émission Une heure pour convaincre sur Medi1 TV. Le ministre dit avoir un programme de développement, notant que certaines réalisations ont déjà été initiées, au moment où l'aboutissement d'autres demande plus de temps : «Ce qui est arrivé à Jerada doit être compris par tous. La création et l'existence de cette région s'est faite autour de l'activité minière. Mais la production de charbon a cessé, parce qu'elle n'est plus rentable.» Aziz Rebbah considère, en outre, que «les régions exclues des grands projets de développement doivent désormais en bénéficier». Mais en attendant que ce discours soit traduit en actes, Mustapha Selouani, lui, est convaincu que les manifestations doivent se poursuivre : «Ce lundi, les activistes vont se réunir pour évaluer la dernière semaine de mobilisation, afin de mieux réfléchir à un autre programme ou une feuille de route plus adéquate, sur laquelle se baseront les actions des manifestants les deux semaines à venir».