A la mémoire de Mehdi Ben Barka, enlevé le 29 octobre 1965 à Paris puis torturé jusqu'à la mort, une plaque a été dévoilée jeudi à Gennevilliers. La mairie s'est empressée de réparer les dommages causés à une première plaque, vandalisée en novembre dernier. Le correspondant de Yabiladi à Paris, Marouane Benabid, nous livre un reportage vidéo de cette cérémonie. Dans la commune française de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), s'est tenue jeudi soir l'inauguration d'une nouvelle plaque commémorative en hommage à Mehdi Ben Barka. La cérémonie a été marquée par les discours de Bachir Ben Barka, fils du disparu, de Saïd Fawzi, président de l'Association de défense des droits de l'Homme au Maroc (ASDHOM) et de Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers. Des membres de la famille Ben Barka y ont pris part, de même qu'Elsa Faucillon, députée de la première circonscription des Hauts-de-Seine, et des représentants de l'Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF). Ces derniers ont déposé une gerbe de fleurs aux pieds de la nouvelle plaque, désormais renforcée par une structure en béton. En effet, c'est pour la deuxième fois qu'une plaque en hommage à Mehdi Ben Barka est posée à Gennevilliers. Le 11 novembre dernier, les habitants et la mairie ont été choqués de découvrir la première plaque brisée. Celle-ci a été dévoilée en 2014, pour donner le nom d'une grande figure de la gauche marocaine à un espace public de cette commune et ainsi perpétuer sa mémoire. Le droit à la vérité La réhabilitation de cette plaque à la symbolique considérable a été une occasion pour la famille Ben Barka de rappeler son droit à la vérité, tout en mettant en avant l'engagement du disparu, souvent dénigré même après son assassinat. Son fils, Bachir Ben Barka, le rappelle : «Durant sa vie militante, Mehdi Ben Barka était constamment la cible privilégiée de toutes les forces dont les intérêts étaient menacés par son combat: pouvoir colonial, pouvoir féodal, néocolonialisme et sionisme (…) Elles ne se sont pas satisfait de sa liquidation physique, mais se sont acharnées à tenter d'effacer son nom et son image de l'histoire officielle. Son action et ses projets ont été spoliés, ses idées dénaturées ou vidées de leur esprit révolutionnaire.» Bachir Ben Barka a tenu par ailleurs à saluer «le rôle des militants associatifs, syndicalistes et politiques pour leur combat contre l'oubli». Il a rappelé également que son père avait été «emprisonné, exilé dans son propre pays et ailleurs, condamné à mort, poursuivi par ses tueurs des services marocains, jusqu'à ce que le piège parisien se referme sur lui, le 29 octobre 1965». Levée du secret-défense Le président de l'ASDHOM, Saïd Fawzi, a affirmé pour sa part qu'une grande partie des responsabilités dans l'affaire Ben Barka n'était pas définie. Pour cette raison, il appelle les Etats français et marocain à mettent un terme aux entraves faites à la justice. Autrement dit, il est temps d'accomplir «la levée du secret-défense et de la raison d'Etat sur l'ensemble de l'affaire»: «Lorsque le juge français envoi une commission rogatoire au Maroc pour interroger les témoins, on lui répond que les autorités ne connaissent ni leurs adresses, ni celle du chef de la gendarmerie royale marocaine. Lorsque le juge demande à ce que des fouilles soient entreprises, les autorités marocaines avancent qu'elles ne connaissent pas les endroits concernés, alors que tout le monde sait aujourd'hui l'existence du lieu de détention secrète PF3, où des opposants ont été séquestrés et d'autres même assassinés.» De son côté, Bachir Ben Barka appelle à la levée de l'obstruction dont les éléments de l'enquête font l'objet : «Depuis 52 ans, la raison d'Etat – ou plutôt la déraison d'Etat – s'érige en obstacle à notre droit à la vérité. Le secret-défense tient en échec la justice sur la vérité de l'enlèvement et de la disparition de mon père». Dans ce sens, le fils du disparu annonce que le Collectif secret-défense : enjeu démocratique va saisir les élus et les parlementaires français. Ces derniers seront interpellés sur l'affaire Ben Barka, l'assassinat de l'ex-président burkinabé Thomas Sankara, la disparition de l'universitaire Maurice Audin en Algérie, le meurtre du magistrat Bernard Borrel à Djibouti, ainsi que d'autres affaires dont la vérité reste pratiquement méconnue ou occutée.