La Direction générale de la sûreté nationale a appelé récemment les services de la police de circulation à mettre en pratique les lois pénalisant les piétons en cas de non-usage des passages adéquats. Les contraventions sont passées au peigne fin, mais cette mise en application crée la polémique. Eclairages. Depuis quelques jours, les dispositions du Code de la route punissant les piétons en cas de non-usage des passages appropriés font l'objet d'une polémique. Elles sont remises en avant aujourd'hui avec une circulaire de la DGSN, demandant aux agents de la circulation de mettre en application ces lois. Au cœur de la controverse, les détracteurs des articles 94, 187 et 219 relatifs à l'utilisation des routes par les piétons évoquent une infrastructure où les passages appropriés manquent considérablement, parallèlement à une indulgence vis-à-vis des usagers à deux ou à quatre roues. En outre, les opposants à l'application de cette loi depuis quelques jours estiment que peu d'automobilistes sont rappelés à l'ordre, lorsqu'ils ne respectent pas la priorité aux piétons. Ce que dit la loi L'article 94 prévoit que «tout piéton doit, lors de l'usage de la voie publique, prendre les précautions nécessaires à éviter tout danger, soit pour lui, soit pour autrui, respecter les règles spéciales de circulation le concernant fixées par la loi et s'interdire tout acte pouvant porter préjudice à l'environnement de la route». L'infraction à ces dispositions est punie d'une amende allant de 20 à 50 DH, conformément à l'article 187. Quant à l'article 219, il fixe cette dernière à 25 DH si l'usager reconnaît son erreur de ne pas avoir traversé comme il devrait. Dans un entretien accordé à Yabiladi, Abdessadek Maafa, directeur de la division de communication et de la prévention du Comité national de prévention contre les accidents de la circulation (CNPAC), rappelle en effet que «ces lois ne sont pas récentes. Elles font partie d'un Code de la route en vigueur depuis 2010». Pour le responsable, l'intérêt dont font aujourd'hui l'objet les articles 94, 187 et 219 part d'un constat alarmant : «Plus 1 000 morts enregistrées annuellement sur nos routes concernent les usagers dits 'sans défense', à savoir les piétons.» Il nuance la polémique en considérant que cette mesure n'est pas valable uniquement pour les piétons : «les conducteurs sont punis d'une amende de 500 DH, s'ils ne respectent pas les droits des piétons, notamment en leur donnant la priorité, en s'arrêtant devant les passages cloutés et en ralentissant en voyant des passants traverser». Où sont les passages pour piétons ? Le constat dans les milieux urbains comme ruraux est général : peu de passages pour piétons sont marqués, prévus dans les grandes avenues ou identifiables sur les routes. Pour cette raison, Abdessadek Maafa précise que les termes des articles 94, 187 et 219 ne sont effectifs que «si les piétons n'utilisent pas les passages prévus sur un périmètre de 50 mètres». Cependant, les concernés restent verbalisés même en l'absence de ces passages-là, s'ils ne «traversent pas correctement» selon le responsable. «On se met en danger lorsqu'on traverse en diagonale, qu'on longe le milieu de la route ou qu'on passe au cœur d'un rond-point», précise-t-il en rappelant que l'on s'expose à des versements d'amendes dans ces cas-là également. Les députés s'en saisissent Dans une question écrite, le député FGD Omar Balafrej a saisi les ministères de l'Equipement, du transport et de la logistique, ainsi que l'Intérieur sur cette polémique. Il interpelle ainsi le gouvernement sur l'absence des passages pour piétons, menant à une application aléatoire des dispositions du Code de la route. Contacté par Yabiladi, le parlementaire estime que la meilleure façon de freiner la violence sur les routes est de restaurer les passages pour piétons. «Il s'agit d'éléments logiques impliquant que l'on ne pénalise pas des piétons en l'absence criante de passages qui doivent leur être réservés. Donc, avant d'affirmer que les piétons ne traversent pas correctement les routes, pensons d'abord à leur créer ces passages-là.» Le député de la Fédération de la gauche démocratique (FGD) indique qu' «une campagne aurait dû être menée en premier lieu, pour sensibiliser le public au Code de la route, aider les gens à le lire, à le comprendre et à être au courant de ses termes». Puisque les piétons sont pénalisés, Omar Balafrej considère que «les conducteurs doivent eux aussi être punis par des amendes lorsqu'ils ne s'arrêtent pas aux passages cloutés». Soulignant qu'il n'est pas contre le fait de condamner les piétons à des amendes, le député se dit «totalement opposé à la façon dont on veut mettre application ce texte». A son avis, «la logique dit que d'abord et pour la plupart des villes, nous avons besoin de plus de passages pour piétons. Il y a des endroits dans le milieu urbain où le passage pour piétons est inexistant. C'est complètement insensé». Un plan global Omar Balafrej rappelle que les représentants de la FGD pour l'arrondissement Rabat – Agdal avaient, auparavant, saisi les représentants locaux à ce sujet. Il proposait de commencer par la sensibilisation à l'utilisation de la route dans les écoles, tout en mettant à niveau les passages pour piétons dans la capitale. «On nous a répondu qu'il n'y avait pas de peinture pour restaurer les passages déjà existants», lance-t-il. Pour Abdessadek Maafa, le CNPAC travaille depuis plus de sept ans sur la mise en œuvre des campagnes de sensibilisation : «Nous avons démarré progressivement, bien avant même la mise en place et la planification du Code de la route, en lançant des campagnes audio-visuelles. Nous avons produit plus de dix vidéos et capsules audio au sujet de la sécurité des piétons.» L'objectif pour Maafa est de «faire en sorte que les piétons se rendent compte qu'ils sont autant concernés par le Code de la route que les conducteurs». C'est pour cette raison que Omar Balafrej appelle à mettre en œuvre «un plan global», qui inclurait tous les aspects de l'usage de la route. Selon le député, cela ne doit pas seulement engager le travail de sensibilisation, mais aussi la mise à niveau des routes et l'application des dispositions légales sans différenciation entre piétons et conducteurs. Contacté par nos soins à plusieurs reprises, le ministre des Transport, Najib Boulif est resté injoignable.