Le 12 novembre 1984, le Maroc a siégé pour la dernière fois au Sommet de l'Organisation de l'unité africaine, organisé dans la capitale éthiopienne Addis Ababa. Une absence qui se prolongera jusqu'en 2017. Entre-temps, l'organisation sera rebaptisée l'Union africaine. Retour sur cet épisode de tensions diplomatiques sur le continent africain. Entre la fin XIXème et le milieu du XXème siècle, l'Afrique a été une scène de compétition territoriale entre puissances européennes. Au début des années soixante, de nombreux pays ayant réussi à obtenir leur indépendance ont tenté de former une organisation continentale capable de défendre les intérêts de ses pays membres. En 1961, feu Hassan II a appelé plusieurs chefs et dirigeants de pays africains ayant acquis leur indépendance, à tenir une réunion de haut niveau à Casablanca, afin de discuter des moyens pratiques à mettre en œuvre pour prévenir des dangers du colonialisme et promouvoir l'unité africaine, et accroître les liens de solidarité au sein du continent africain. L'Egypte, le Ghana, la Guinée, le Mali, la Libye et le gouvernement intérimaire algérien ont répondu à l'appel du roi Hassan II. Le 4 janvier, la réunion fut ouverte. «L'Afrique a effectuée un long chemin réalisant ainsi de grands progrès en matière de libération et d'émancipation. Les victoires se sont succédées d'année en année, jusqu'en 1960, date qui a marqué le regain du continent africain. Mais le colonialisme resurgit sous une forme nouvelle conduisant à une liberté tronquée. En conséquence, le peuple africain doit rester prudent, et accroître son attention face au nouveau colonialisme, pour éradiquer ses dangers.» Feu Hassan II de poursuivre devant les dirigeants africains : «Cette rencontre constitue un moment déterminant et crucial dans l'histoire de l'Afrique. Le continent a vécu pendant de nombreuses années divisé, l'Afrique dispose aujourd'hui d'une série d'Etats indépendants à l'est, à l'ouest et au centre, se réunissant pour édicter la nouvelle Charte de l'Afrique et servir l'émancipation et le bonheur de ses générations présentes et futures.» Une série de recommandation a résulté à l'issue de cette conférence, tenue du 4 au 7 janvier 1961. Parmi elles, on trouve l'appel à la mise en place «d'une coopération efficace entre les pays africains dans le domaine économique et social» et la formation du comité «conseil consultatif africain constitué des représentants de tous les pays africains», ainsi que la création de quatre comités : Commission économique africaine, la Commission culturelle africaine, le Haut commandement africain commun et enfin la mise en place d'un bureau de liaison. Création de l'Organisation de l'unité africaine Deux ans après la conférence de Casablanca, le 26 mai 1963 la charte pour la création de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) a été signée en présence de 30 pays africains indépendants dans la capitale éthiopienne Addis Ababa. Il a été convenu que la composition de cette organisation serait ouverte aux Etats africains indépendants et souverains, y compris les îles africaines, à condition qu'ils adhèrent aux principes de «non alignement», de la «non-discrimination». L'adhésion au sein de l'OUA est «décidée à la majorité absolus des Etats membres», et l'organisation «permet à chaque membre de se retirer en effectuant une demande de retrait par écrit, qui prend effet après un an». Depuis lors, l'organisation tenait une réunion annuelle dans l'une des capitales africaines, en présence des chefs d'Etat et de gouvernement de ses Etats membres. Chaque année, un dirigeant de pays africain présidait la réunion. Ainsi, entre le 12 et le 15 juin 1972, Rabat accueillait le neuvième sommet de l'OUA. Le roi Hassan II avait reçu la présidence de l'Union des mains du président mauritanien Moktar Ould Daddah. Adhésion du Front Polisario La pression algérienne et libyenne a commencé à porter ses fruits en 1976. En janvier de la même année, le comité de l'Organisation de l'unité africaine, basé à l'époque à Maputo, capitale du Mozambique, a reconnu le Front Polisario en tant que «mouvement de libération en Afrique». Le Front séparatiste avait auto-proclamé la «République arabe sahraouie démocratique». Lors de la conférence de l'OUA tenue le 17 juillet 1978 à Khartoum (Soudan), les dirigeants des pays participants ont appelé à la cessation des opérations militaires dans le Sahara occidental et recommandé qu'une solution politique au conflit soit recherchée à la lumière des résolutions de l'Organisation et de la charte des Nations unies. Le Sommet s'est achevé par l'établissement d'un comité des sages de cinq dirigeants africains, comprenant les présidents soudanais, guinéen, malien, nigérian et tanzanien, chargé d'étudier les détails du conflit du Sahara occidental pour présenter des propositions concrètes lors du prochain Sommet africain. Lors du sommet tenu en 1979 à Monrovia, capitale du Liberia, l'OUA recommanda «l'exercice du droit du peuple du Sahara occidental à l'autodétermination par un référendum libre et public». Le sommet tenu en Sierra Leone en 1980 recommanda un référendum libre pour déterminer le sort de la région. En 1981, Feu Hassan II s'était rendu à Nairobi, capitale du Kenya dans le but de participer au sommet de l'OUA. Lors de son discours, il avait annoncé l'acceptation du Maroc d'un référendum sur le Sahara. En février 1982, lors de la trente-huitième session du Conseil des ministres africains des affaires étrangères à Addis-Ababa (Ethiopie), la «RASD» a été déclarée membre à part entière au sein de l'OUA avec l'approbation de 26 Etats membres. Le sommet de l'OUA devait se tenir à Tripoli, capitale Libyenne, Sommet auquel le Polisario devait participer pour la première fois, mais l'hostilité entre l'administration américaine dirigée par Ronald Reagan et la Libye de Kadhafi a conduit Washington à faire pression sur un certain nombre de pays africains afin de boycotter le Sommet. En conséquence, le Sommet a été annulé en raison du non respect du quorum fixé à 34 Etats membres. Retrait du Maroc Le Sommet tenu le 12 novembre 1984 dans la capitale éthiopienne Addis-Ababa, en présence pour la première fois, d'une délégation représentant la «RASD», dirigée par Mohamed Abdelaziz, a conduit au retrait du Maroc de l'OUA. Une décision motivée par le non respect d'une condition nécessaire à l'adhésion : «être un Etat indépendant et souverain». Au cours de la séance d'ouverture, le chef de la délégation marocaine, le conseiller royal Ahmed Reda Guedira a lu le discours royal adressé au Sommet : «L'Organisation de l'unité africaine est en violation du quatrième chapitre de sa charte, constituant une faute grave et ses conséquences resteront imprévisibles pendant longtemps. Nous, chefs d'Etats, politiciens, avons reçu de nos peuples un mandat fondamental, et notre mission est l'exercice d'une politique interne ou externe. Cette politique devrait être fondée sur une base ferme et inviolable, un respect permanent de la légalité.» Et le roi Hassan II d'ajouter: «Maintenant, nous ne pouvons que vous souhaiter bonne chance avec votre nouveau partenaire, qui devra essentiellement combler le vide que le Maroc laissera, au niveau de l'originalité, de la crédibilité et du respect de l'Afrique et du monde.» Le roi a exprimé sa conviction qu'il «viendra un jour où l'histoire rétablira les choses à la normale. Dans l'intervalle, certains d'entre nous - et c'est une réalité douloureuse - peuvent assumer des responsabilités loin de toute rationalité.» Le retour du Maroc au sein de l'Union africaine Le 9 juillet 2002, l'Union Africaine (UA) a été créée sur les ruines de l'Organisation de l'unité africaine (OUA). Les nouveaux membres de l'organisation sont les membres de l'OUA, y compris le mouvement séparatiste. Plus de trois décennies après le retrait du Maroc de l'Organisation de l'unité africaine, la situation en Afrique a nettement changé. L'influence algérienne et libyenne sur le continent a connu une phase de déclin. En conséquence, de nombreux pays africains ont cessé de reconnaître la «RASD» en tant qu'Etat. Le 18 juillet 2016, le roi Mohammed VI a envoyé une lettre au 27ème Sommet de l'Union, tenu à Kigali, capitale du Rwanda : «L'Union africaine continuera-t-elle d'insister sur la violation des positions nationales des Etats membres, puisqu'au moins 34 pays ne reconnaissent pas ou plus cette entité, et parmi les 26 pays qui ont soutenu le mouvement séparatiste en 1984, seule une dizaine subsiste». Lors du sommet de l'Union africaine tenu à Addis-Ababa fin janvier 2017, la demande du Maroc d'adhérer officiellement à l'Union africaine a été acceptée, malgré l'opposition de la délégation de la «RASD», de l'Algérie ainsi que l'Afrique du Sud.