L'agence onusienne s'inquiète des taux de concentration de particules fines en suspension dans plusieurs villes du royaume. Une situation qui impacte à la fois la santé des citoyens comme les caisses de l'Etat. Aux côtés de la tonitruante Casablanca, Mohammedia fait figure d'autre poumon industriel marocain. C'est que la ville balnéaire, forte de ses 200 000 habitants, abrite la principale raffinerie du pays, la Samir, dont les activités sont toutefois aujourd'hui suspendue, une centrale électrique thermique d'une puissance de 600 MW - l'unité de production nationale la plus puissante après celle de Jorf Lasfar - et un port pétrolier. Autant d'activités industrielles qui ne sont pas sans générer d'importantes émissions de particules polluantes. Le 18 mai dernier, ces poussières grisâtres sont venues se déposer sur le littoral atlantique. Les autorités y ont en effet remarqué la présence de boues noires non-identifiées, indique le média Econostrum, spécialisé dans l'actualité économique en Méditerranée. Ces boues noires, étalées sur 4 000 mètres carrés entre Casablanca et Rabat, proviendraient de la centrale thermique de Mohammedia. Le gouvernement a lancé deux enquêtes, l'une portant sur «la nature et la composition de la matière noire mélangée au sable» et l'autre sur l'état de la centrale thermique soupçonnée d'avoir rejetée ces boues. «La centrale n'a jamais rejeté de poussières noires ou de cendres depuis 2009», a toutefois assuré l'Office national de l'eau et de l'électricité (ONEE), exploitant de la centrale thermique. Des particules polluantes sur le littoral atlantique à Mohammedia. / Ph. Facebook (Econostrum) Un taux de particules fines plus élevé que la moyenne conseillée par l'OMS A quelques encablures, la situation est peu reluisante. Dans la capitale économique, le taux de concentration de particules fines en suspension (PM10) explose : il plafonnait à 60,5 µg/m3 en 2013, d'après une carte interactive élaborée par France Culture en décembre 2016 sur la pollution de l'air dans le monde, sur la base des données de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) publiées en septembre. Soit deux fois plus que les valeurs recommandées par l'agence onusienne : celle-ci estime à 20 μg/m3 la moyenne annuelle de PM10 à ne pas dépasser. La définition française désigne le seuil d'alerte (en l'occurrence exprimé en µg/m3) comme étant «le niveau de concentration de substances polluantes dans l'atmosphère, fixé sur la base de connaissances scientifiques, au-delà duquel une exposition de courte durée présente un risque pour la santé humaine ou de dégradation de l'environnement, à partir duquel des mesures d'urgences doivent être prises». Marrakech ne fait guère mieux, avec un taux de PM10 à 57,5 µg/m3 en 2012. Au nord, Meknès et Fès enregistrent des concentrations plus faibles ; respectivement 46,87 µg/m3 en 2008 et 40 µg/m3 en 2013. Pour voir la courbe s'inverser, il faut descendre au sud, à Safi. En 2011, la capitale de la province éponyme recensait un taux de particules fines en suspension à 21 µg/m3. Les finances et la santé trinquent Des chiffres inquiétants dont les répercussions se font sentir sur les finances de l'Etat et la santé du citoyen. «Le coût de la dégradation infligée à l'environnement avoisine les 20 milliards de dirhams, soit 8,5% du PNB (produit national brut, ndlr)», avertissait en 2010 le chercheur Mohammed Bedhri, professeur à la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Oujda, auteur de plusieurs ouvrages sur la pollution et le réchauffement climatique. Quant à la santé des citoyens, une étude éco-épidémiologique conduite dans la ville blanche (casanegra ?) entre 1997 et 2000 indiquait que 40% des maladies respiratoires constatées à Casablanca sont dues à la pollution atmosphérique. Parmi les deux sources principales de pollution atmosphérique à Casablanca, il y a lieu de citer l'industrie et le trafic routier. Les véhicules sont responsables de la détérioration de la qualité de l'air dans la ville de Casablanca. Le trafic routier totalise 24% des émissions de dioxyde de soufre, 51% de celles de protoxyde d'azote, 48% du monoxyde de carbone et 13% des particules en suspension (poussières). Dans son étude réalisée en septembre dernier, l'OMS observait que 92% de la population mondiale vit dans une zone où la pollution de l'air est supérieure à ses recommandations. Le Maroc n'échappe manifestement pas à ce triste constat.