Plus de 300 000 Marocain(e)s seront menacé(e)s chaque année par les effets du réchauffement climatique d'ici 2030 si aucun effort réel n'est fait, d'après les données publiées hier par l'OMS dans son rapport «Les changements climatiques et la santé». Au Maroc, chaque année, plus de 300 000 personnes – enfants, personnes âgées, personnes vivant dans des zones inondables ou subissant la pollution de l'air – pourront être touchées directement par les effets du réchauffement climatique, selon le scénario du pire. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et du Secrétariat de la Convention cadre des Nations Unies a publié hier, lundi 16 novembre 2015, un rapport sur «Les changements climatiques et la santé». Il tente d'évaluer la mortalité induite par le réchauffement climatique au Maroc d'ici 2030. «Les changements climatiques auront pour effet l'augmentation des vagues de chaleur, de la sécheresse, des inondations et de l'élévation du niveau de la mer à travers le monde, avec pour conséquence la réapparition ou l'augmentation de l'incidence de maladies telles que la dengue, la malaria ou la schistosomiase», rappelle l'OMS dans son rapport. Le réchauffement climatique menace ainsi les avancées du Maroc dans plusieurs domaines de santé publique. En 2010, l'OMS a certifié l'élimination du paludisme au Maroc, mais la maladie pourrait revenir, comme d'autres maladies vectorielles, avec la prolifération de certains moustiques. «Dans l'hypothèse d'émissions de gaz à effet de serre élevées dans le monde, la capacité vectorielle moyenne relative de transmission de la dengue [comprendre la capacité des moustiques à transmettre la maladie, ndlr] devrait augmenter jusqu'à 0,33 d'ici 2070 par comparaison avec une moyenne de 0,22 entre 1961 et 1990, détaille l'OMS dans son rapport. Si les émissions de gaz à effet de serre diminuent rapidement, cette capacité pourrait être limitée à 0,29 environ d'ici là. » Crues meurtrières Les crues dévastatrices des oueds font partie intégrante de l'histoire du Maroc et les gouvernements successifs ont tenté d'en limiter les effets par la construction d'infrastructures, notamment des barrages. «Les sécheresses sont désormais plus longues, plus fréquentes et elles se succèdent. Elle sont entrecoupées d'épisodes pluvieux parfois abondants à l'origine de crues d'une rare violence », analyse le ministère de la Santé sur son site internet. Les dernières en date remontent à novembre dernier dans le sud du pays. Elles avaient fait plus de 28 morts. «Il est prévu que d'ici 2030, 133 500 personnes supplémentaires soient menacées par des crues chaque année en raison du changement climatique en plus des 155 700 personnes concernées par ce risque en 2010», indique le rapport de l'OMS. La montée des eaux sur la côte menacerait également chaque année 187 400 personnes (hypothèse haute), entre 2070 et 2100, si aucun effort d'adaptation n'est fait, selon l'OMS. «Si les émissions diminuent rapidement et que des mesures de protection sont prises à grande échelle, la population touchée pourrait être réduite à une centaine de personnes», rassure l'OMS. Enfants et personnes âgées Les personnes les plus fragiles seront également les premières touchées par le changement climatique. Il menacerait ainsi les succès du Maroc en termes de réduction de la mortalité infantile. Entre 1990 et 2013, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans a été divisé par 2,7, selon les données de l'UNICEF, issues du rapport «Levels & Trends of Child Mortality», or «certaines des infections les plus virulentes de la planète sont aussi très sensibles au climat : la température, les précipitations et l'humidité ont une forte influence sur les cycles de vie des vecteurs et des agents infectieux qui véhiculent et influencent la transmission de maladies liées à l'eau et aux aliments », rappelle aujourd'hui l'OMS. Selon l'Oganisation, le nombre d'enfants de moins de 15 ans morts à cause d'infections diarrhéiques va continuer à baisser fortement, mais moins vite qu'il ne le ferait sans les effets du réchauffement climatique. «Selon le scénario d'émissions de gaz à effet de serre élevées, les décès liés à des infections diarrhéiques attribuables au changement climatique parmi les enfants de moins de 15 ans, devraient représenter 10,5% des 1600 décès en 2030», précise l'Organisation, contre 4200 décès liés à ces infections, au total en 2008. 1755 décès liés à la pollution en 2012 Alors que le Maroc assiste à un vieillissement de sa population – les plus de 65 ans représentaient 8,1% de la population en 2004, contre 9,6% en 2014 -, les plus âgés seront directement affectés par les vagues de chaleurs qui devraient se faire plus nombreuses que par le passé. «Selon l'hypothèse haute, les décès de personnes de plus de 65 ans liés à la chaleur devraient atteindre 50 pour 100 000 personnes âgées [soit 1622 décès si l'on applique ce taux à la population de plus de 65 ans de 2014, ndr], contre un peu moins de 5 décès pour 100 000 par an entre 1961 et 1990, indique l'OMS, mais «la réduction rapide des émissions pourrait limiter les décès liés à la chaleur à un peu plus de 14 décès pour 100 000 en 2080. » Enfin, la pollution de l'air – indépendamment de ses effets sur la température du globe – est une cause directe de décès. En 2012, l'OMS estime à 1755 le nombre de personnes décédées au Maroc à cause de la pollution de maladie cardiaque ischémique, d'accident vasculaire cérébral, de cancer du poumon, de maladie pulmonaire obstructive chronique chez les plus de 18 ans et d'infections respiratoires aiguës chez les moins de 5 ans.