En sillonnant la banlieue d'Oujda, la chaine de montagnes Bin Lajraf ne te laisse pas indifférent, elle attire ton attention par son ampleur et sa majesté. Hier, maquis de résistance contre l'occupation française et aujourd'hui, fief d'un vaste mouvement de contrebande, faute d'un véritable développement de la région. Elle n'est pas une extension naturelle de la ville, mais elle est bel et bien une partie du territoire algérien. Elle longe la frontière, qui la dissocie cependant du Maroc. Notre voiture s'arrêta un moment pour contempler le passage de véhicules immatriculés en jaune et le drapeau algérien avec son croissant et son étoile flottant du haut d'un pilon au port Ben Mehidi. Un jeune couple avec leur fillette a aussi pris position en face de nous. D'un geste machinal et involontaire, on s'est tous mis à faire des signes de la main en guise de salut. Expression émouvante et attendrissante qui s'est frayée son bonhomme de chemin pour aller droit au cœur. Cette rencontre fortuite et inopinée entre les deux bords, se fie catégoriquement des intérêts politiques et économiques. L'attitude est pleine d'enseignements, l'échange humain entre les peuples ne peut aucunement être sujet à controverses. Ni la discorde, ni la polémique ne peuvent l'entraver. Sa logique est diamétralement opposée à tout dessein politique. Le carburant algérien qui coule à flot sur les marchés d'Oujda et des villes limitrophes, les produits de consommation et les médicaments qui jonchent à même le sol, en sont une parfaite illustration. Même s'ils s'inscrivent dans une optique commerciale, ils renferment une profonde connotation sociale. Ce que les fins connaisseurs qualifient de dictature de la géographie, prend dans notre contexte l'acception d'expression humaine par excellence. Le lien entre les deux rives est indéfectible et le flux existe en dépit de toute volonté contraire. Si le jeune couple est une représentation parfaite de l'état d'esprit de tout un peuple, la fillette est le symbole d'un avenir radieux de toute une région. Avenir qui ne doit pas rester seulement entre les mains des politiques, mais les sensibilités sociales doivent bouger pour secouer le cocon. Pour l'honneur de la petite fille, vivement qu'un fort collectif algéro-marocain voie le jour et fasse de la réouverture des frontières sa revendication première. Pour la petite histoire 1994. Des attentats sont commis à l'hôtel Atlas Asni à Marrakech. Il y a des Franco-Algériens dans le commando terroriste. Le Maroc impose le visa d'entrée pour les Algériens qui décidèrent illico presto de fermer les frontières avec le Maroc, et depuis, c'est le statut quo. Officiellement, voyager entre le Maroc et l'Algérie n'est possible que par voie aérienne. Et les signes politiques ne sont pas tellement à la détente, même si le Maroc est plus conciliant que son voisin. Le Royaume a lancé plusieurs appels à l'Algérie pour normaliser les relations bilatérales et ouvrir les frontières terrestres, rejoint en cela notamment par les Etats-Unis. Du côté algérien, il y a eu, récemment, une importante déclaration de la part de la Confédération algérienne des cadres de la finance et de la comptabilité (CCFC). Son président, Karim Mahmoudi, a estimé à plus de 2 milliards de dollars les pertes encourues pas l'Algérie en raison de la fermeture des frontières avec le Maroc. Autre chiffre à noter, le ministre marocain de l'Economie, M. Mezouar, a estimé dans les pages du Monde (15.6.2010) que la région toute entière du Maghreb perdait chaque année environ 2 points de croissance à cause de cette fermeture.