En temps normal, je suis un chirurgien gynécologue. D'ailleurs, j'avais prévu d'animer au profit du corps médical palestinien une formation en laprascopie et en chirurgie pelvienne à l'hôpital de Rafah en août prochain. Cependant, l'attaque de l'armée sioniste ne m'a pas laissé le temps de passer un Ramadan paisible ni d'assurer l'assistance liée à mon domaine d'expertise et ma spécialité au profit des médecins palestiniens. A cause de l'agression israélienne sur Gaza, je suis devenu par la force des choses un apprenti urgentiste qui porte les blessés, nettoie les blessures, défait les habits ou plutôt les déchire pour pouvoir accéder et soigner le corps martyrisé. A l'hôpital international européen Shifa, au quotidien je cherche les morceaux de bombes qui se sont logés dans les intestins des enfants. Quand aux médecins palestiniens, au fil des agressions, ils ont acquis une bonne et malheureuse expertise dans la chirurgie de guerre où un patient peut subir l'intervention de plusieurs chirurgiens simultanément en présence d'anesthésistes sans parler des infirmiers et des médicaments et du sang qu'il faudra lui administrer. Les blessures sont souvent graves et multiples. Dès que le blessé arrive, nous essayons de le sauver mais sans acharnement. La mort bien que douloureuse est acceptée comme un destin, une élévation, un sentiment très difficile à faire comprendre ou accepter par les non croyants. Les déchirures des familles sont perceptibles mais elles finissent par accepter cette mort causée par une armée et non pas une colère de la nature. Nous vivons l'histoire à Gaza Je suis arrivé à Gaza le dimanche 13 juillet, soit quelques jours après le début de la sinistre agression. Je suis arrivé en compagnie du docteur norvégien désormais célèbre Mads Guilber et deux médecins palestiniens d'Europe : Abou Arab de Norvège lui aussi et Abdine d'Angleterre. Après des difficultés de passage dans le Sinaï, devenue zone militaire, nous avons eu de la chanche d'entrer dans la bande de Gaza après seulement deux jours d'attente. Jusqu'à présent et à ma connaissance, nous sommes les seuls médecins venus de l'extérieur après le début de l'agression israélienne qui ont pu entrer à Gaza. Les autres collègues qui sont venus en renfort ont été bloqués. Nous avons le sentiment de vivre un tournant de l'histoire. Nous sommes dans l'histoire. Ce n'est pas évident d'expliquer ce constat. Ce combat de David contre Gholiath est surprenant. Quelque soit notre point de vue sur le Hamas et sa politique, nous sommes devant un peuple qui réagit sobrement à une guerre injuste et une agression disproportionnée. Cette acception du destin est sidérante. Israel bombarde même les hôpitaux ! Depuis deux jours, l'hôpital Shifa est considéré à tort ou à raison comme sécurisé (safe), par conséquent, il est assailli par les habitants du quartier de Cha'jia. Les femmes, les enfants et les jeunes dorment dans le petit jardin de l'hôpital et cherchent des endroits à l'hôpital pour s'abriter des agressions quotidiennes. Les familles qui ont quitté leurs domiciles sous les bombes juste avec leurs affaires sur le dos bénéficient du soutien des bienfaiteurs qui distribuent de la nourriture pour la rupture du jeûne et du souhour. J'ai du mal à imaginer ce qui va advenir de ses familles sans abri dans quelques jours après la fin de l'agression. Cet après midi de lundi 21 juillet, alors que je discute avec le chef de service maternité dans son bureau, nous avons reçu l'information sur les bombes larguées sur l'hôpital Al Aqsa au centre de Gaza. 4 morts et plusieurs blessés. La panique au sein des équipes médicales de l'hôpital Shifa est devenue palpable. Ils sont inquiets du sort de leurs collègues mais aussi de leurs sorts parce qu'il n'y aucun lieu épargné par les attaques israéliennes. Autrement dit, à cause de cette agression aucun havre de paix n'est disponible à Gaza, pas même les hôpitaux.