Depuis quelques jours, deux syndicats d'agriculteurs espagnols sillonnent les couloirs et bureaux de l'Union Européenne (UE) à Bruxelles. Leur objectif: empêcher un nouvel accord commercial bilatéral entre l'UE et le Maroc, accord qui, selon eux, menacerait les agriculteurs espagnols. Mais pas tous. Des experts estiment par exemple que 50% des fraises sont exportées du Maroc – par des Espagnols.. En décembre 2009, un important accord bilatéral entre l'UE et le Maroc a été conclu, portant sur la libéralisation des échanges agricoles, agro-industriels et de la pêche. Les quotas limitant les principales exportations marocaines avaient été revus à la hausse, avec l'objectif de continuer le pas quatre ans de cela. Très rapidement, des voix se sont élevées en Espagne pour protester contre ces accords, menaçant les agriculteurs espagnols. Ces protestations ont été poursuivies et se sont par la suite organisées, pour atteindre aujourd'hui les couloirs des institutions européennes. Principale voix des opposants: deux syndicats d'agriculteurs, l'UAGA (Unión de Agricultores y Ganaderos de Alava) et la COAG (Coordinadora de Organizaciones de Agricultores y Ganaderos), qui tentent de se placer au niveau européen. Comme le rapporte Europa Press, repris par que.es, le responsable fruits et légumes de COAG, Andrés Góngora, a ainsi terminé, vendredi dernier, une ronde de contacts avec différents groupements politiques présents au parlement européen ayant pour objectif de créer un véritable lobby contre une libéralisation continue des échanges agraires entre le Maroc et l'UE. Il exposait notamment une argumentations basée sur des aspects sociaux et moraux. Selon lui, «des études ont été réalisées qui déclarent qu'au Maroc, environ 600 000 enfants entre 7 et 14 ans travaillent, et beaucoup d'entre eux dans les serres.» Sous-entendu: les accords entre l'UE et le Maroc soutiennent le travail des enfants. Autre champ argumentaire: les fraudes. L'office européen de lutte anti-fraude (OLAF) aurait reconnu, selon Góngoro, qu'il y avait des irrégularités en 2008 et 2009 quant aux contingents importés du Maroc, et la Commission européenne a demandé des informations à l'Espagne et la France sur ce sujet. Ce dont Góngoro ne parle cependant pas, est une évolution que rappelle aujourd'hui même le quotidien espagnol ABC: les grandes exploitations agricoles au Maroc sont de plus en plus dans les mains d'entrepreneurs espagnols. Ainsi, un expert de la fondation de l'institut euro-arabe de Grenade, Abdellatif Taraf, estime à 50% la part des fraises marocaines exportées par des entreprises espagnoles au Maroc. Cela concerne environ 25% des exportations de tomates et haricots. Taraf signale que les critiques envers les accords UE-Maroc sont basées sur des «demi-vérités», elles n'ont pas lieu d'être. En effet, au vu de cela, la mise en place de ce lobby ressemble presque à un début de confrontations hispano-espagnoles. Une lutte pour le pouvoir entre syndicats et grands producteurs espagnols? Pourtant, Taraf explique que les deux pays auraient à gagner l'un de l'autre. L'Espagne est en même temps «client et pourvoyeur du Maroc» et, selon lui, les deux pays peuvent «collaborer dans la commercialisation et en matière de logistique» pour un rendement supérieur du secteur agraire des deux cotés de la méditerranée.