Le 3 février 2004, le roi Mohammed VI annonçait, dans un discours, l'entrée en vigueur du nouveau texte du Code de la Famille. Un cadre juridique qui était censé freiner la progression des mariages des mineurs. Mais au final, il n'en fut rien. Dix ans après l'entrée en vigueur du Code de la famille, le mariage des mineurs se porte très bien. Ce constat émane, non pas d'une association féministe ou de défense des droits de l'homme, mais du ministre de la Justice et des Libertés lui même. Hier à Rabat, Mustapha Ramid a affirmé, qu'au fil des années, le phénomène n'avait cessé de prendre de l'ampleur. Preuve à l'appui, il a révélé qu'en 2013, ses services avaient enregistré 35 152 cas contre seulement 18 341 en 2004, soit une augmentation de 11,47%. Même si la nouvelle Moudawana avait pour but de freiner ce type d'union, son article 20 accorde aux juges le droit de marier des mineurs garçons et filles avant qu'ils aient atteint l'âge de la capacité matrimoniale de 18 ans prévu par l'article 19. Une décision qui n'est, d'ailleurs, susceptible d'aucun recours. Et les chiffres le montrent, cette disposition qui devait être une exception est devenue presqu'une règle. Des divergences politiques bloquent l'interdiction définitive de ces mariages A cause d'une loi trop permissive, ce type de mariage continue donc sa progression. Et le phénomène qui ne touchait presque exclusivement que le monde rural il y a quelques années, gagne de plus en plus de terrain dans les périphéries des grandes villes. Une situation appelée à durer tant que des divergences politiques, entre le PJD et le PPS, pourtant deux composantes de la majorité, sont bloquantes pour l'abrogation de l'article 20 du Code de la Famille. Les deux groupes parlementaires ont présenté séparément des propositions de loi diamétralement opposées. Les anciens communistes préconisent le respect total de l'article 19 du texte de la Moudawana alors que les députés islamistes souhaitent limiter les autorisations accordées aux juges seulement pour les mariages des mineurs âgés de 16 et 17 ans. Jusqu'à présent, chaque partie campe sur ses positions et aucun compromis n'est envisageable. Pire encore, les demandes des avis du conseil national des droits de l'homme et du conseil supérieur des oulémas, déposées respectivement par les camarades de Nabil Benabdellah et les frères de Abdelilah Benkirane, risquent de retarder l'examen des deux projets par la commission de la justice à la Chambre basse du parlement marocain. En attendant que les deux institutions officielles rendent leur avis, le nombre de mariages des mineurs poursuivra sa tendance haussière.