Le gouvernement Benkirane est dans une situation très délicate. Deux semaines après la publication d'un rapport d'Amnesty sur la pratique de la torture au Maroc, il devra faire face aux conséquences du décès d'un membre de l'USFP dans un commissariat de police à Al Hoceima. La société civile est montée au créneau et demande une enquête. La police de son côté rejette catégoriquement les allégations de torture. Une affaire pleine de zones d'ombre. En plein visite au Maroc du Haut-commissaire des Nations-Unies aux droits de l'Homme, Mme Navi Pillay, un jeune homme a trouvé la mort, hier, dans un commissariat de police d'Al Hoceima. Les conditions exactes du décès n'ont pas encore été élucidées. En attendant les conclusions de l'autopsie qui devrait être effectuée à Casablanca, certaines ONG attribuent la mort de Karim Lachkar, un membre de l'USFP, aux actes de torture que lui auraient fait subir les policiers. Une version que réfute, bien entendu, la Direction générale de la sûreté nationale. L'AMDH demande l'ouverture d'une enquête Immédiatement après l'annonce de la nouvelle, la section locale de l'AMDH a demandé «l'ouverture d'une enquête crédible et transparente» en vue de déterminer les causes exactes à l'origine du décès de Karim Lachkar, âgé de 38 ans, et pouvoir « en juger les auteurs présumés». L'association s'appuie sur les traces de «blessures» que portait le corps du défunt et qui seraient selon elle les conséquences d'actes de «torture». Des sources locales avancent même, qu'hier matin, une ambulance aurait transporté le corps «sans vie» de la victime aux urgences de l'hôpital Mohammed V. Et ces mêmes personnes affirment que des pressions auraient été exercées sur l'équipe médicale pour que celle-ci déclare que le défunt avait trouvé la mort dans le centre hospitalier. La police d'Al Hoceima réfute les allégations de torture De son côté, la police d'Al Hoceima n'a pas trop attendu pour riposter aux accusations de l'AMDH et du tissu associatif local. Bien entendu, la version des faits des policiers est à l'opposé de ce qui a été avancé plus haut. Selon eux la mort serait accidentelle. Tout aurait commencé par un simple contrôle de routine effectuée mardi 27 mai, vers trois heures du matin. A bord d'une voiture arrêtée par une patrouille de police se trouvaient trois passagers qui auraient été «en état d'ébriété». L'un d'eux serait sorti du véhicule pour tenter d'échapper à la police. Celui-ci serait alors tombé et se serait blessé. Le communiqué de la police d'Al Hoceima ajoute que le défunt «n'avait pas en sa possession de carte d'identité ou de documents prouvant son identité, il a été transféré au commissariat. Une ambulance l'aurait ensuite transporté à l'hôpital Mohammed V où il serait décédé, selon les forces de l'ordre. Qu'en est-il des deux autres occupants de la voiture contrôlée ? Le texte de la police d'Al Hoceima a omis de donner la moindre information sur les deux autres occupants de la voiture arrêtée par les policiers. Est-ce qu'ils ont été eux aussi conduits au commissariat ? Et surtout où sont-ils maintenant ? Leurs témoignages pourraient être déterminants dans cette affaire. Pour le moment, ils sont à l'abri des regards. «Ils sont injoignables», nous confient une source locale. Mais pour combien de temps ? En tout cas cette affaire pourrait faire grand bruit. D'autant que l'USFP de Driss Lachgar ne compte pas rater l'occasion pour instrumentaliser cette affaire politiquement. Sur les traces de Benkirane, qui avait assisté à l'enterrement de l'étudiant assassiné à Fès, le premier secrétaire du parti de la Rose compte se rendre, par avion en compagnie de ses fidèles, à Al Hoceima pour assister aux funérailles de Karim Lachkar.