Une enquête réalisée tout dernièrement par Solis et rendue publique par le quotidien français Le Parisien, semble sonner le glas pour les paraboles. En effet, « en l'espace de 5 ans, le nombre de paraboles en banlieue a été divisé par deux, voire par trois », précise-t-on dans les pages du Parisien. « 47,5% (42,6% en 2007) de la communauté maghrébine vivant en Ile-de-France reçoivent les chaînes satellitaires grâce à l'ADSL, contre 37,4% (44,6% en 2007) avec une parabole individuelle ». L'ADSL sera-t-il, à terme, le fossoyeur de la parabole ? Pour en savoir un peu plus nous avons mené une enquête interactive auprès des internautes marocains à l'étranger. Décryptage. Pour la petite histoire, les paraboles sont apparues sur les toits et balcons des marocains résidant en Europe (MRE) à partir du début des années 90. Un règne partagé avec le câble, qui né un peu plus tôt mais qui a mis du temps à intégrer les chaînes marocaines. L'explosion des paraboles auraient continué sans souci si ce n'était l'arrivée d'un troisième mode de réception TV, dans les années 2000 : la télévision par ADSL. Ce dernier étend de plus en plus ses câbles, et séduit un nombre de plus en plus important de familles marocaines en France notamment. Pour en savoir plus sur les modes de réception préférés de nos jours par les Marocains de l'étranger pour regarder les chaînes du royaume (2M, Al Aoula, Al Maghribya, ...), une enquête interactive a été lancée pendant 3 semaines sur notre portail Yabiladi.com. 1144 Marocains - de France pour la majeure partie - ont répondu à nos questions. Sur ces 1 219, il faut d'abord savoir que 388 individus (soit 32% du nombre total de répondants) disent ne pas du tout regarder les chaînes marocaines. Ces derniers sont donc du coup exclus de l'objet de l'enquête. On se retrouve donc avec environ 464 MRE (soit 56%) déclarant regarder les TV marocaines via une parabole, 81 (Soit 10%) affirmant le faire via le câble et 286 (soit 34%) via l'ADSL. Le câble à la traîne On remarque donc ici que le câble n'a pas fait de grande percée. En comparaison avec la parabole, qui a toujours été le principal moyen de réception des chaînes de télé marocaines, et l'ADSL qui connaît de plus en plus d'adeptes chez les MRE. Les résultats obtenus sur yabiladi.com ont permis de comprendre cette évolution vers une disparition à petit feu des paraboles, au profit de l'ADSL. Plusieurs hypothèses semblent plausibles. En effet, d'après les avis recueillis sur le forum de ce même site, les raisons techniques (surtout avec la formule Triple play), culturelles avec le désir de regarder « Maroc », ou le simple suivisme d'une nouvelle génération pour rester « in », ont été les plus évoquées. Concernant les facteurs techniques, la plupart des internautes pensent que les installations en télévision ADSL sont moins encombrantes. En lieu et place de la grande « assiette » livré aux caprices du vent et reliée au poste téléviseur par une multitude de câbles qui s'emmêlent et faussent le décor intérieur, pour la télévision ADSL, il suffit de disposer d'une ligne téléphonique et de la connexion Internet...pour zapper à souhait. Trois en un (Tv + Téléphonie + Internet), c'est un peu la formule qui est proposée là. Chaque membre de la famille y trouve son compte : les jeunes pour Internet, les plus âgés pour le téléphone et la télé pour tous. Le Triple play répond aux besoins de toute la famille Toutefois, il faut aussi reconnaitre que l'ADSL est beaucoup plus présent en milieu urbain, voire très urbanisé, à l'image des grandes villes de France comme Paris. En campagne, les paraboles y connaissent encore de beaux jours. D'ailleurs beaucoup se plaignent de ne pouvoir bénéficier de la TV par ADSL étant donné leur éloignement. Parmi les facteurs techniques, figurent aussi la différence en qualité d'images reçues en parabole et celles reçues par le câble. « Nous avons essayé les deux, et je trouve l'ADSL bien meilleur, la qualité de l'image est au rendez-vous, et lorsqu'il nous ne sommes pas gâtés par le temps, les chaînes ne sont pas interrompues car le vent ne secoue pas la parabole !, lance « Zinafessiya », une membre du forum Yabiladi. D'autres n'hésitent même pas à ironiser sur l'aspect esthétique : « Pour moi, c'est ADSL. La parabole, ça fait moche dans la rue (rires) ». L'autre facteur qui n'est également pas à exclure est celui qui pourrait être qualifié de « culturel », si l'on se réfère à l'avis de Jean Christophe Despres, PDG d'une agence française de marketing ethnique, Sopi Communication. Contacté par nos soins pour une interview, ce dernier déclare : « La demande première était de capter les chaînes de son pays d'origine, comme les Français avec TV5 ». Quand on est loin du bercail, tout ce qui rappelle le pays est le bienvenu et très prisé. « Puis le paysage médiatique arabe s'est considérablement enrichi avec pour emblème Al Jazeera », poursuit Jean Christophe. Il ajoutera plus loin : « Les chaînes du Maghreb se sont modernisées, 2M d'abord puis aujourd'hui Nessma TV qui semble s'inscrire dans une logique de conquête en Europe ». "La parabole, ça fait moche" Ce subit changement de situation en faveur de l'ADSL, peut également s'expliquer par une simple volonté d'être « in », numériquement. D'être dans le temps et au diapason des évolutions en matière de réception de chaîne, ce que les Américains appelleraient « following the new wave » (Suivre la nouvelle tendance). Et Jean Christophe nous conforte dans cette hypothèse : « Ce sont surtout les jeunes générations qui sont les moteurs de cette évolution ; l'usage d'Internet étant très fort sur ces cibles, les chiffres d'audience de Yabiladi en témoignent ». Cela semble être aussi l'avis de l'internaute cité un peu plus haut qui parle du côté inesthétique des paraboles sur le toit. Cette hypothèse met en avant le fait que cette frange de la population en France, la communauté maghrébine, est très sensible aux courants de l'évolution numérique. « Dans 10 ans, on risque de ne plus voir de paraboles », déclara le dirigeant de Sopi Communication. Le déclin programmé des « couscoussières » de l'image a encore du mal à traverser la Méditerranée. Les paraboles foisonnent de partout, comme des « calebasses » tournées vers le ciel, dans l'espoir de capter des chaînes étrangères, arabophones et francophones principalement. Avoir une parabole sur son toit fait parti de l'équipement de base pour les foyers marocains. Mais avec l'introduction – très timide - il y a quelques mois, d'une offre Triple play (internet, téléphone et TV) par Maroc Telecom, la situation pourrait peut être prendre un jour ou l'autre les mêmes tournures qu'en France. Marrakech vue du ciel, serait un beaucoup plus jolie. Trois questions à Jean-Christophe Despres, PDG de SOPI Communication - La parabole est-elle appelée à mourir au profit du câble et de l'ADSL ? - Pas à court terme. Il existe certaines inerties générationnelles. De plus, l'offre, notamment pour les chaînes arabes, demeure plus large et moins onéreuse. Néanmoins, l'accès à internet, les appels moins chers vers l'étranger constituent un avantage décisif pour le câble et l'ADSL. Dans 10 ans, on risque de ne plus voir de paraboles. - Comment analysez-vous le formidable essor de la parabole dans les années 90 puis le basculement vers l'ADSL Triple play pour regarder les chaines satellitaires ? - La demande première était de capter les chaînes de son pays d'origine, comme les français avec TV5. Puis le paysage médiatique arabe s'est considérablement enrichi avec pour emblème Al Jazeera qui est un phénomène massif en France. Il y a 2 ans, nous avions réalisé une étude montrant qu'elle était regardée par plus d'un million de téléspectateurs en France. Puis les chaînes du Maghreb se sont modernisées, 2M d'abord puis aujourd'hui Nessma TV qui semble s'inscrire dans une logique de conquête en Europe. En ce qui concerne les moyens de réception, ce sont surtout les jeunes générations qui sont les moteurs de cette évolution ; l'usage d'internet étant très fort sur ces cibles, les chiffres d'audience de Yabiladi en témoignent. - N'y a-t-il pas là des opportunités au niveau publicitaire avec les opérateurs ADSL offrant le Triple play pour cibler directement les français d'origine maghrébine. - Certainement. Cela fait 5 ans que nous essayons de les convaincre. Malgré certaines études, très concluantes, réalisées pour les principaux opérateurs, le pas n'a pas été franchi. C'est cependant inéluctable.