Né à Bruxelles de parents marocains, Taoufik Amzile a gravi les échelons de l'entrepreneuriat dans son pays de naissance, jusqu'à devenir une figure de la diversité dans le cercle de moins en moins fermé des entrepreneurs. Consultant et coach auprès de divers acteurs professionnels belges et marocains, sa contribution à construire un environnement inclusif dans le monde des affaires a pris une nouvelle dimension, à travers l'organisation Lead Belgium qu'il a co-fondée en 2007. Porté sur l'entrepreneuriat, le développement durable, le financement alternatif, la diversité, l'éducation et le mentoring, Taoufik Amzile est consultant et membre de plusieurs Conseils d'administration. Sa volonté constante de construire des ponts dans le monde des affaires le conduit désormais à apporter sa contribution à ses deux pays : le Maroc et la Belgique. Dans le cadre du projet Digital Moroccan Belgian entrepreneurship lab (Dimobel60), porté avec des universités des deux côtés, l'entrepreneur est d'ailleurs un «futur partenaire et ami des organisateurs». «C'est une initiative que je soutiens depuis déjà un certain temps. J'ai participé à des activités au niveau bruxellois et pour la clôture, cette semaine à l'ESCA de Casablanca», nous a-t-il déclaré. Pour Taoufik Amzile, c'est d'ailleurs «une initiative très importante, qui marque un momentum dans les relations belgo-marocaines sur le plan économique et entrepreneurial». «On a parlé de Dimobel 1 et on est vraiment impatients de pouvoir démarrer Dimobel 2, avec la possibilité de développer des projets qui vont rapprocher les entrepreneurs belgo-marocains du pays, grâce à une série de projets et d'initiatives, qui pourront justement les aider soit à se déployer eux-mêmes, soit à accompagner d'autres projets au Maroc», a déclaré le consultant avec enthousiasme. Avec un engouement particulier pour la transmission, Taoufik Amzile contribue d'ailleurs au partage des expériences et des bonnes pratiques, depuis plusieurs années. «J'ai la chance de pouvoir bénéficier, en Belgique et plus particulièrement à Bruxelles, d'un écosystème riche et diversifié d'entrepreneurs belgo-marocains. Je veux leur rendre hommage parce que si aujourd'hui je suis là, c'est parce qu'il y a tout un travail en amont, avec des entrepreneurs hommes et femmes, pour le développement économique, la représentativité et l'exemplarité inspirante», nous explique-t-il. «Ce sont des valeurs qui m'animent depuis des années. Quitte à être un entrepreneur, autant être un entrepreneur pour qui cela a du sens. Dans notre structure Lead Belgium, qui regroupe des entrepreneurs issus de la diversité, notre objectif n'est pas simplement de créer de la valeur, de vendre des produits et des services. Il s'agit également de pouvoir se rendre utile à la société.» Taoufik Amzile Dans le cadre de cette dynamique, l'entrepreneur met «les liens très forts de cœur, de spiritualité et de famille» qu'il a avec ses deux pays. «De ce fait, même notre démarche en tant qu'entrepreneur doit servir le Maroc. On met un point d'honneur à se dire quand on est entrepreneur en Belgique, quelle pourrait être la dimension avec laquelle on pourrait participer dans le développement du Maroc et dans sa feuille de route ?», nous explique-t-il. Ouvrir l'entrepreneuriat belge à toutes les diversités Autant dire que Taoufik Amzile est animé par des valeurs entrepreneuriales à portée sociale, forgées d'abord au fur et à mesure de son parcours professionnel et personnel. Diplômé en Sciences politiques et en Relations internationales de l'Université libre de Bruxelles (1995), il a évolué dans le secteur bancaire, notamment la gestion des risques opérationnels, les activités d'investissement et la gestion de projets. Il y a une dizaine d'années, Taoufik Amzile décide de quitter «une situation confortable de cadre supérieur dans une grande entreprise» et lance Ascentis Consulting, «pour le conseil, l'analyse et le change management pour entreprises, secteur public et institutions issues de la société civile». Il accompagne aussi les organisations sur les dimensions du digital, de l'agilité et de la durabilité (ESG). Ce nouveau pas lui permet d'être en cohérence avec les idées qu'il porte à travers l'association professionnelle LEAD Belgium, créée avec quelques amis, pour favoriser l'entrepreneuriat au sein des publics de la diversité. «En développant le réseau tout autour de nous, notre cercle s'est agrandi avec des entrepreneurs issus de la diversité, mais pas que, pour ne pas faire de l'entre-soi», se souvient-il. «Nous avons commencé à ouvrir des portes qui étaient souvent très difficiles à ouvrir, voire fermées à double tour. Notre réseau a accueilli les autres communautés d'entrepreneurs qui existent en Belgique, en développant des activités avec des acteurs issus des milieux catholiques, juifs, d'Afrique sub-saharienne ou d'Europe de l'Est…», explique-t-il. Au-delà de la création de valeur marchande et financière, l'idée est de se questionner sur le travail collaboratif entre professionnels, avec une dimension de responsabilité sociétale, notamment «pour accompagner des jeunes qui veulent se lancer dans le domaine, en développant des logiques de mentoring». Pour Taoufik Amzile, «la réussite entrepreneuriale doit être transformée en une réussite sociétale pour le bien de tous». «C'est le profil d'entrepreneur qu'on accueille avec beaucoup de bonne volonté et de bienveillance au sein de Lead Belgium», souligne-t-il. Aujourd'hui, Taoufik Amzile est aussi administrateur au patronat bruxellois, à la Chambre de commerce et l'Union des entreprises bruxelloises. Il porte la voix des entrepreneurs issues de la diversité. Son rôle est de «mettre en lumière les enjeux que connaissent les communautés musulmanes ou les communautés marocaines plus particulièrement, que ce soit en matière d'entrepreneuriat, d'accès au financement, mais parfois en matière d'emploi». «Il existe des discriminations systémiques et destructurantes quant à l'accès au marché du travail. On doit travailler pour faire bouger les lignes et mener un combat, dans le sens le plus noble du terme, pour ceux qui veulent être entrepreneur», affirme-t-il à Yabiladi. Capitaliser sur le travail entre générations d'entrepreneurs En filigrane, ces démarches dans le monde professionnel convergent vers un récit qui contrecarre «les stéréotypes de genre, certainement, mais aussi d'ethnie, de religion, avec tout ce qu'ils entraînent comme entretien d'une perception négative sur la diversité ou l'immigration». Dans ce sens, Taoufik Amzile nous rappelle qu'invité à prendre la parole, il commence en lançant que sa présence «est une anomalie». «Si je devais suivre le schéma déterministe pour un jeune issu d'un parcours migratoire donné, je ne m'inscrirais pas dans l'entreprenariat en Belgique. Notre présence, en tant qu'entrepreneurs issus de la diversité, et le fait qu'on soit numériquement important, est la meilleure réponse qu'on puisse apporter à tous ces stéréotypes qui considèrent qu'on serait là pour profiter d'un système puis le casser. On est tout à fait contributif du système et il faut de temps en temps le rappeler par notre exemplarité, par notre travail, quitte à devoir faire parfois deux fois plus d'efforts pour le même résultat.» Taoufik Amzile «On sait pourquoi on le fait. Parce que si nos parents ont ouvert une petite porte et mis le pied de l'autre côté, nous devons foncer de notre côté, pour les générations suivantes qui arrivent», insiste Taoufik Amzile, décrivant l'esprit de transmission qui règne dans son approche en tant qu'entrepreneur binational. «On ne veut pas que les futurs entrepreneurs issus du même parcours rencontrent les mêmes difficultés que nos parents ou que nous-mêmes. On veut qu'ils puissent bénéficier de notre expérience, de nos réseaux. Toute la société belge en profite parce que lorsqu'on crée de la valeur, on crée de la valeur pour la société belge. Lorsqu'on est dans des missions économiques à l'étranger, on parle du produit belge. Et quand on vient au Maroc, on fait la promotion des ponts entre la Belgique et le Maroc, selon ses besoins spécifiques», nous dit-il. L'objectif, selon l'entrepreneur, est que les chefs d'entreprises binationaux soient «des connecteurs pour s'assurer que les deux rives du continent, l'Europe et l'Afrique, et plus particulièrement la Belgique et le Maroc, puissent travailler main dans la main sur leurs enjeux communs qui sont les deux faces de la même pièce». Article modifié le 19/10/2024 à 22h17