Alerte météo Maroc : chutes de neige et pluies intenses attendues jusqu'à lundi    Italie: Accès payant à la fontaine de Trevi à Rome pour lutter contre le surtourisme    Le 1er Rajab 1447 de l'Hégire correspondra au lundi 22 décembre    Algérie : Benkirane condamne la proclamation de l'indépendance de la Kabylie    Maroc Vs Comores : à quelle heure et sur quelle chaîne voir le match en direct ?    Achraf Hakimi reçoit le Trophée FIFA « The Best Starting 11 »    CAN 2025: La Direction Générale de la Météorologie lance le service digital « Météo du Match »    CAN : Les Lions face à l'Histoire ce soir    Ce soir Maroc vs Comores : l'heure de vérité pour des Lions sous pression et probablement sous la pluie !    CAN Maroc 25: La liste des arbitres    Autonomie du Sahara : «Une opportunité historique pour consolider le processus démocratique», selon Benabdallah    Les FAR déploient trois hôpitaux militaires de campagne dans les provinces d'Azilal, d'Al Haouz et de Midelt    Le temps qu'il fera ce dimanche 21 décembre 2025    Les températures attendues ce dimanche 21 décembre 2025    À rebours de l'UE, la Russie exclut le Polisario d'une réunion avec l'UA    L'OMPIC tient la 40ème session de son Conseil d'administration    Le dirham s'apprécie de 0,9% face au dollar américain    Mbappé égale le record de Cristiano Ronaldo au Real en 2013    Alerta meteorológica: Hasta 40 cm de nieve y -8°C en Marruecos    Akhannouch : « Les Directives Royales sont notre feuille de route »    CAN 2025. Les aéroports marocains enregistrent des records d'arrivée    CAN 2025. Le réseau tramway–busway de Casablanca adapté aux flux liés à la compétition    Tentative de fraude par usurpation de l'identité d'Afriquia    Casablanca-Settat : les pluies redonnent espoir aux agriculteurs pour la campagne agricole 2025-2026    Fès : l'ABH Sebou active ses dispositifs d'urgence face aux intempéries    Lutte contre la corruption : le Maroc renforce ses alliances internationales    CAN 2025: Inauguration à Rabat de la Fan Zone AMCI dédiée aux étudiants internationaux    Inondations au Maroc : la gouvernance locale au cœur du débat    CAN 2025: mise en place de bureaux judiciaires dans les stades    Erasmus : le Royaume-Uni opère un retour stratégique vers l'Europe    Le 1er Rajab 1447 de l'Hégire prévu lundi 22 décembre    Le Pentagone annonce des frappes en Syrie contre l'Etat islamique    CAN 2025. Un dispositif météo digital pour accompagner le déroulement des matchs    Chirurgie robotique : l'Hôpital Militaire Mohammed V réalise avec succès quatre interventions de pointe    «Moultaqa Al Walaâ» : Casablanca célèbre la passion andalouse    Patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO : le Maroc renforce sa position    L'Humeur : Debbouze, CDM, CAN, MDR, OUF    Sur Hautes Instructions Royales, les Forces Armées Royales déploient trois hôpitaux militaires de campagne dans les zones montagneuses    SM le Roi félicite l'Emir de l'Etat du Koweït à l'occasion du deuxième anniversaire de son accession au pouvoir    « Rabat Patrimoine » : La nouvelle application qui réinvente la découverte du patrimoine de la capitale    RNI : Aziz Akhannouch préside une réunion du bureau politique    ITW Aujjar – Bonus 1 : « Le génie de Sa Majesté permet au Royaume de rayonner »    La Fondation BMCI met la lumière sur la poterie de Safi    Musique, ferveur et cohésion : Timitar clôture son édition anniversaire    Maroc : Rabat Patrimoine, l'application de visite audioguidée dans la capitale    CAN 2025 : French Montana et Davido en concert d'ouverture à la fan zone de Rabat    Le pianiste de renommée internationale Mahmoud El Moussaoui en récital exceptionnel à Rabat    Trump annonce une prime de 1776 dollars pour les militaires US pour marquer les 250 ans d'indépendance de l'Amérique    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Interview avec Dr Fatima Zibouh : « Il faut renforcer l'interaction culturelle entre le Maroc et la Belgique »
Publié dans L'opinion le 06 - 04 - 2023

La politologue et entrepreneure sociale Fatima Zibouh est la nouvelle co-porteuse du projet de candidature de Bruxelles en tant que capitale européenne de la culture en 2030. Alors que certains saluent la nouvelle recrue, d'autres crient à l'indignation. En cause, le port du voile. Mais ce n'est pas pour cela qu'elle se laisse démonter.
- De nombreux hauts responsables en Belgique ont salué votre nomination co-chargée de mission Brussels2030, tandis que d'autres crient à l'indignation. Pouvez-vous nous raconter ce qui se passe ? Est-ce que vous comptez saisir la justice à l'encontre des auteurs des propos racistes ?
- Tout d'abord, permettez-moi de dire combien je suis fière de porter la candidature de Bruxelles comme capitale européenne de la culture, avec mon binôme Jan Goossens. En tant que fille issue de la troisième génération de l'immigration marocaine en Belgique, c'est une formidable opportunité pour contribuer au développement culturel de cette ville fantastique et multiculturelle qu'est Bruxelles.
Pour cette désignation, j'ai fait l'objet d'une longue procédure de recrutement où je suis sortie lauréate de la sélection par le jury. Mes expertises académique, managériale et associative ont été des atouts pour remplir cette fonction. Cette nomination a été saluée par la majorité des décideurs et a été validée et portée par le Gouvernement bruxellois. Cependant, il y a aussi eu de la résistance d'une minorité de personnes qui avaient du mal à concevoir que l'un des visages de Bruxelles avait une apparence comme la mienne. Un député a d'ailleurs demandé que je retire mon foulard pour exercer cette mission. Ma question est de savoir depuis quand un homme se permet de dire à une femme la façon dont elle doit s'habiller ? Ce n'est pas acceptable, une femme doit être libre de porter ce qu'elle veut, une mini-jupe ou un foulard, le plus important est qu'elle soit libre de choisir. A côté de cela, il y a eu une campagne de cyberharcèlement avec des tweets à caractère raciste, sexiste et islamophobe, de la part de groupuscules et d'individus proches de la droite extrême.
Tous ces tweets et messages de haine sont capturés et consignés par mes avocats pour éventuellement aller en justice au moment opportun. La liberté d'expression est permise, sauf lorsqu'elle incite à la haine, à la violence ou à la discrimination.
- En quelques mots, quelle est votre priorité en ce qui concerne le projet de candidature de Bruxelles en tant que capitale européenne de la culture en 2030 ?
- Cette candidature est une belle opportunité pour réfléchir sur le projet de ville et surtout pour travailler sur le « nous » bruxellois, en créant du commun par un imaginaire partagé, un narratif participatif et une vision d'avenir qui tiennent compte de la complexité bruxelloise. Cette ville est la plus multiculturelle d'Europe, elle est multilingue, elle rencontre également une grande fragmentation socio-économique.
Tout l'enjeu sera de renforcer l'interaction entre les différents groupes sociaux et culturels de la capitale pour casser les silos, les replis identitaires, les entre-soi que ce soit dans les quartiers populaires ou les milieux plus privilégiés. Avec mon collègue Jan Goossens, nous rencontrons les différents secteurs culturels mais aussi l'ensemble des parties prenantes (milieux économique, associatif, politique, institutionnel, etc.) qui font la richesse de Bruxelles. Tout l'enjeu est de réfléchir ensemble à la façon dont on rêve, on construit, on fait Bruxelles. La culture est un formidable liant pour créer du commun.
- Vous avez accumulé une vaste expérience de recherche dans le domaine des études de l'ethnicité et des migrations. Quel état des lieux dressez-vous en Belgique en la matière ?
- Effectivement, j'ai travaillé plus de dix ans dans la recherche académique au Centre d'Etude de l'Ethnicité et des Migrations et j'ai aussi effectué une thèse de doctorat sur les expressions culturelles et artistiques des Belgo-Marocains à Bruxelles. Avant cela, j'avais travaillé sur la participation politique des élus d'origine marocaine et plus tard j'ai également mis le focus sur l'insertion socio-économique des personnes touchées par la discrimination sur le marché du travail. Ces différents champs m'ont permis d'avoir un regard transversal (politique, économique et culturel) sur les enjeux qui touchent les personnes issues de l'immigration. J'ai par ailleurs rédigé un chapitre dédié aux dynamiques belgo-marocaines avec les dernières données dans l'ouvrage consacré aux Marocains du Monde, publié par la Fondation Hassan II. On assiste à un phénomène assez paradoxal dans la mesure où il y a une véritable ascension sociale, politique, culturelle et économique d'une partie de cette génération belgo-marocaine, mais parfois on a le sentiment que l'ascenseur social est en panne quelque part car il y a encore une large frange qui reste exclue du marché de l'emploi. Il faut savoir que, selon les données de Eurostat, la Belgique a le taux d'emploi des personnes d'origine étrangère le plus faible de toute l'Europe et les études montrent bien qu'à compétences égales, l'origine détermine encore l'accès à certaines professions.
- Comment expliquez-vous les multiples vagues racistes et sexistes, notamment en Europe, à l'encontre des Arabes, des Musulmans et des Africains ?
- Je pense qu'il faut tout d'abord relativiser l'ampleur du phénomène en Belgique où la majorité des interactions sociales se déroulent de façon paisible et conviviale. Il ne faut pas qu'on soit trompé par l'effet loupe provoqué par les réseaux sociaux qui pourraient altérer notre perception de la réalité. Dans le même temps, la discrimination reste une réalité systémique, structurelle et massive. On ne peut le nier. Au Nord du pays, côté flamand, le parti de l'extrême droite caracole en tête des sondages, ce qui est vraiment inquiétant pour les prochaines élections en 2024. Côté francophone, il n'y a pas vraiment de partis d'extrême droite mais certains discours de partis démocratiques frôlent la droite extrême. L'un des facteurs explicatifs est la peur et l'ignorance. On manque cruellement d'espaces où les individus avec leurs différences peuvent s'entre-connaître. Il y aussi cette rhétorique de l'extrême droite avec cette notion de « grand remplacement » qui relève du fantasme et dont les craintes sont liées au changement sociologique et démographique des populations. Il faut essayer de comprendre ces peurs et les déconstruire pour faire en sorte qu'on réfléchisse ensemble à créer un avenir meilleur pour les générations futures, et ce, quelles que soient les différences.
- Qu'en dit la loi sur ce phénomène devenu monnaie courante dans les sphères publiques politiques ?
- En Belgique, nous avons trois cadres législatifs (loi anti-discrimination, loi antiraciste et loi genre) qui permettent de protéger les citoyens des discriminations, sur la base des 19 critères protégés. Cependant, le constat est que les individus touchés par les discriminations font rarement des signalements et mobilisent assez peu l'arsenal juridique, soit parce qu'ils ne sont pas au courant, soit parce qu'ils pensent que cela ne sert à rien ou encore parce que c'est un processus long et coûteux. Dans tous les cas, il est important de sensibiliser les citoyens à signaler la discrimination, cela ne veut pas dire porter plainte, mais cela permet au moins d'objectiver par des chiffres cette réalité.
- Etant une entrepreneuse sociale engagée à Bruxelles depuis plus de vingt ans, pouvez-vous nous expliquer à quel point la diaspora marocaine participe au développement économique et social de la Belgique ?
- Effectivement, cela fait 20 ans que je suis engagée au sein de la société civile, ce qui me permet de rencontrer au quotidien des formidables acteurs et actrices du changement, et notamment issus de l'immigration marocaine. En 2024, nous allons commémorer les 60 ans de l'accord bilatéral entre la Belgique et le Maroc (1964). En quelques décennies, on assiste à une véritable contribution des Belgo-Marocains. Au niveau politique, deux ministres du gouvernement fédéral étaient d'origine marocaine, le président du parlement bruxellois, trois maires sont également porteurs de cette double culture belge et marocaine.
Sur le plan entrepreneurial, on ne compte plus les investisseurs, les CEO et compagnies lancées et gérées par des Belgo-Marocains dont une contribution significative de femmes en particulier. Je pense notamment à l'une de mes mentors, Ilham Kadri (Solvay) qui est aussi d'origine marocaine et qui dirige l'une des plus grandes entreprises belges cotées en bourse. Et tout ceci sans parler de la contribution sportive, sociale, médicale, culturelle et artistique. On peut vraiment être fier de la contribution et du rayonnement de cette communauté issue de l'immigration marocaine, en Belgique.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.