Tariq El Kahodi est un exemple vivant de détermination face aux défis. Né avec une déficience visuelle, il n'a pas battu en retraite pour réaliser ses rêves. Sa motivation le mène à devenir ingénieur et fondateur de l'organisation LIFE, qui soutient les nécessiteux dans plus de 25 pays. Pleinement dévoué, Tariq s'engage dans le domaine caritatif, surtout après le dernier séisme d'Al Haouz au Maroc. La vue a ses limites, reconnaît ses faiblesses et défauts que la vision ne connaît pas. Ce qu'incarne le parcours de vie de Tariq El Kahodi, né avec une déficience visuelle qui ne lui d'utiliser ses yeux qu'à 10%. Pourtant, le jeune franco-marocain est animé par une détermination plus forte que tout, ce qui a pu éclairer son chemin vers de nobles valeurs. Né à Nanterre, Tariq El Kahodi s'est confié à Yabiladi sur son parcours de vie avec gratitude et satisfaction. «Depuis mon enfance, je souffrais d'une grave déficience visuelle. Les médecins avaient informé mes parents qu'il me serait difficile de faire des études comme tout le monde, vu que je ne pourrais pas choisir librement entre toutes les filières, notamment l'informatique. Ils avaient également envisagé l'hypothèse que je perde complètement la vue», nous dit-il. Ce défi a motivé Tariq à choisir le domaine de l'ingénierie informatique. «C'est un domaine lucratif, certes, mais je l'ai aussi choisi pour prouver aux autres que je suis capable d'atteindre mes objectifs», nous affirme-t-il. En 1998, Tariq décroche son baccalauréat, puis un BTS développement logiciel, en 2002. Il débute sa carrière professionnelle comme développeur en entreprise. En trois ans, il devient ingénieur informatique, «grâce à l'auto-apprentissage et à l'expérience pratique». Grâce à sa détermination aussi, le jeune homme gravit les échelons, travaillant pour des firmes de taille, comme Orange, ainsi que pour les ministères français de la Défense et de l'Intérieur. «Avant, je travaillais sur un ordinateur classique, mais je le modifiais pour l'adapter à mes besoins, notamment la taille de police ou le réglage de l'éclairage», explique-t-il. Malgré ses succès, Tariq a perdu le goût de la réussite. Désireux de se mettre au service des causes humanitaires, il rencontre le fondateur de l'association LIFE, début 2009. C'est ainsi qu'il devient bénévolement de l'organisation caritative, alors une initiative locale, parallèlement à son travail. A ce moment-là, l'association est portée principalement sur le soutien des communautés défavorisées, en distribuant de la nourriture, des couvertures et d'autres denrées de première nécessité. Plus tard, les activités se sont étendues à plus de 25 pays, allant jusqu'au forage de puits dans plusieurs pays africains, pour acheminer de l'eau potable aux personnes dans le besoin. «En 13 ans, cette modeste association dirigée par des bénévoles est devenue une organisation non gouvernementale mondiale», nous raconte fièrement Tariq, originaire de la ville de Berkane. L'ONG compte aujourd'hui une équipe de 40 collaborateurs à travers le monde, notamment en France, au Maroc, au Sénégal, au Mali, au Liban, dans la bande de Gaza, au Bangladesh et dans d'autres régions. Soutenue par plus de 180 000 donateurs, elle a pu élargir son champ d'action à des projets aussi divers que l'approvisionnement en eau potable, l'amélioration de l'assainissement, l'éducation, la sécurité alimentaire ou la protection de l'environnement. A ce jour, elle totalise 4 000 projets mis en œuvre. «Jusqu'à présent, nous avons foré 348 puits équipés de pompes manuelles, construit 50 petits réservoirs d'eau et complété 7 puits avec des réservoirs d'eau, alimentés à l'énergie solaire. Dans le domaine éducatif, nous avons distribué 200 vélos, contribué à la scolarisation de 7 880 personnes, adultes et enfants, en plus d'avoir fourni 1 730 cartables.» Tariq El Kahodi En 2016, Tariq, aujourd'hui âgé de 47 ans, a décidé de quitter son emploi d'ingénieur pour se lancer dans l'entrepreneuriat. En quête d'une plus grande flexibilité pour se consacrer davantage à LIFE, il fonde un restaurant avec ses frères et sœurs. En 2021, il s'est pleinement engagé dans l'organisation caritative, devenant un employé à temps plein. En septembre 2022, il en devient le président. Des actions caritatives au Maroc Soucieux de contribuer aussi à la dynamique de développement de son pays d'origine, Tariq collabore avec l'association Zagora. En 2017, il participe à la construction d'une école dans les montagnes, près de Taroudant, ce qui devient leur premier projet au Maroc. En 2019, il décide de s'installer dans la ville de Tanger, où commence le travail avec l'association Darna, spécialisée dans la distribution de nourriture aux élèves de certaines écoles publiques. Parallèlement aux différentes formes d'aides apportées par l'organisation dans diverses régions du Maroc, les aides et projets phares ont été ceux ayant suivi le séisme d'Al Haouz, survenu au Maroc septembre 2023. «Nous nous sommes rendus dans la zone sinistrée quelques heures après la catastrophe et avons lancé une campagne de collecte de fonds. Nous avons réussi à récolter un million d'euros, que nous avons alloué à la distribution alimentaire, aux couvertures et aux produits de première nécessité. En coordination avec les autorités locales, nous avons ensuite commencé à construire des écoles en bois pour assurer un retour rapide des élèves à leurs cours. Nous avons choisi le bois pour préserver la nature de la zone. En un mois après le tremblement de terre, nous avons réussi à mettre en place 12 écoles.» Tariq El Kahodi Par la suite, une autre idée de projet a émergé, à savoir la construction de maisons devant chaque école, pour les enseignants venus de différentes régions pour assurent la reprise des cours. Tariq raconte : «Nous avons commencé par ériger des maisons préfabriquées en panneaux sandwich, tout en continuant à construire d'autres écoles. Ensuite, nous sommes passés à la construction d'habitations. Nous avons mis en place 1 800 maisons préfabriquées, équipées d'eau et d'électricité. Tout cela s'est fait en collaboration avec l'association Ouled El Kheir de Marrakech, qui nous a également aidés dans ce processus.» L'organisation ne s'est pas arrêtée là ; bien que le processus de construction ait été terminé, elle est revenue dans la région au cours du dernier mois du Ramadan, pour distribuer de la nourriture aux habitants sinistrés, dont certains vivaient encore dans des tentes. «Je ne regrette pas d'avoir quitté le domaine de l'ingénierie. Ma vie a changé depuis que je suis entrée dans l'action caritative. Nous aidons les gens et en retours, leurs sourires et leurs prières nous donnent une force indescriptible. Ils nous enseignent une grande leçon : malgré leur situation sociale, leur sourire ne les quitte jamais, contrairement à nous, qui avons tout ce dont nous avons toujours rêvé.» Tariq El Kahodi Les succès de Tariq et son travail caritatif sont devenus une source de fierté pour sa famille. Il raconte avec émotion un souvenir avec sa mère : «Elle se souvient encore des paroles d'un vieil homme, quand j'avais deux ans. Nous étions en vacances à Imintanout, d'où elle est originaire. Je portais de grosses lunettes et elle m'a regardé avec tristesse. Son regard a attiré l'attention d'un vieil homme, qui lui a dit littéralement : 'ne sois pas triste et ne t'inquiète pas pour lui. Il deviendra une personne importante et réussira.' Aujourd'hui encore, chaque fois que je réussis, ma mère se souvient des paroles de ce vieil homme et en pleure.» Tariq a conclu sa conversation avec nous en soulignant que «quand dieu nous prend quelque chose, il nous récompense avec quelque chose de mieux» . Aujourd'hui, c'est une philosophie de vie à laquelle il croit, confiant en sa vision qui émane du cœur, où les valeurs d'humanité et de générosité brillent de mille feux.