Le Conseil de la concurrence a indiqué, dans son avis sur la hausse des prix des carburants, que la concurrence sur les prix de vente était quasi-absente. Il a préconisé notamment d'imposer une taxe exceptionnelle sur les profits excessifs des opérateurs pétroliers, entre autres recommandations. Le Conseil de la concurrence a recommandé, dans un avis publié lundi, de revoir d'urgence, en priorité et en profondeur, le cadre et le mode de régulation des marchés de gasoil et de l'essence. Dans cet avis n°A/3/22 sur la flambée des prix des intrants et matières premières au niveau mondial et ses conséquences sur le fonctionnement concurrentiel des marchés nationaux pour le cas des carburants (gasoil et essence), le Conseil a recommandé de reprendre et de revoir d'urgence ce cadre, en vue de l'assouplir et de le rendre compatible avec les contraintes et les réalités des marchés, tout en conservant et en renforçant les fonctions régaliennes de contrôle et de sécurité du pays. Une concurrence par les prix quasi-inexistante Les marchés du gasoil et de l'essence sont fortement concentrés en amont et en aval, malgré l'arrivée de nouveaux opérateurs dont la taille, les moyens et l'origine n'ont pas permis d'insuffler une nouvelle dynamique concurrentielle au sein de ces marchés, estime le Conseil de la concurrence. La structure et le fonctionnement concurrentiel de ces marchés sont restés pratiquement identiques à ceux hérités de l'époque où les prix étaient fixés par les pouvoirs publics. L'analyse menée dans ce cadre a permis de constater qu'à l'exception de la libéralisation des prix de vente, ces marchés continuent de fonctionner selon le même schéma administratif de régulation, avec le même cadre légal et réglementaire, les mêmes intervenants et presque, le même mode de détermination des prix de vente et les mêmes procédures. Ce statu quo pourrait s'expliquer par le niveau de rentabilité financière très élevé que cette activité permet de générer et qui n'incite pas les opérateurs à une rivalité concurrentielle, du moment qu'ils sont assurés, ou presque, de la réalisation de résultats positifs quelle que soit la conjoncture ou le nombre d'opérateurs. Ceci explique, en grande partie, l'absence de toute sortie d'opérateurs de ces marchés sur les dix dernières années, relève le conseil. Ces constats sont confirmés par la stagnation des parts de marché avec de légères variations durant les périodes observées et les comportements passifs des opérateurs, qui ont neutralisé toute concurrence par les prix de vente. Au moment de la baisse des cours internationaux en 2020 et premier semestre de 2021, il a été constaté que ces opérateurs ont préféré augmenter leurs marges plutôt que d'accroître leurs parts de marché en opérant des baisses significatives de leurs prix de vente. Le Conseil en a conclu que la concurrence par les prix sur ces marchés est quasi-inexistante. Des textes de loi obsolètes L'étude a montré que les activités économiques liées aux marchés du gasoil et de l'essence sont régies par des textes désuets, voire obsolètes, qui datent des années 1970, malgré les bouleversements qui ont marqué les marchés de ces produits. «Il y a lieu de signaler qu'une tentative a été menée, en 2015, pour revoir ce cadre et ce, par la promulgation d'une nouvelle loi portant le n°67.15 qui est restée inappliquée en l'absence de ses textes d'application. Or, c'est ce cadre légal et réglementaire qui définit les mécanismes de régulation de ces marchés en déterminant non seulement les conditions d'accès, mais aussi les modes de fonctionnements opérationnels depuis l'importation jusqu'au stockage et la livraison à la station-service.» Conseil de la concurrence Dans cet avis, le Conseil de la Concurrence a recommandé de revoir le cadre légal et réglementaire régissant les relations contractuelles entre les sociétés de distribution et les stations-service, d'encourager les opérateurs des marchés du gasoil et de l'essence à utiliser les instruments de couverture des risques et d'étudier l'opportunité de maintenir et de développer une activité du raffinage au Maroc. Parallèlement, l'institution a préconisé d'assouplir les conditions d'accès aux marchés du gasoil et de l'essence en amont et en aval, en accélérant la mise en œuvre des recommandations émises par le Conseil en 2019. Il s'agit de réduire le nombre des intervenants, notamment le ministère en charge de l'énergie et les communes, dans le processus d'octroi des agréments et des autorisations nécessaires et ce, en mettant en place un guichet unique et éviter un double processus d'autorisation. Privilégier les schémas directeurs aux dérogations Le Conseil préconise aussi de prévoir, au niveau des schémas directeurs d'aménagement urbain, les zones qui pourraient être réservées aux activités de stockage des produits pétroliers afin de donner une meilleure visibilité aux investisseurs intéressés et de leur éviter de recourir à chaque fois à la procédure de dérogation auprès des autorités locales compétentes. Le conseil a insisté sur le remplacement du régime des agréments en vigueur aux stations-service par un système déclaratif et substituer, ainsi, le contrôle ex ante de l'activité des stations-service par un contrôle ex post de ces derniers, outre l'encouragement des investissements dans les capacités de stockage par des tiers indépendants, dont le métier principal est le stockage des produits pétroliers en imposant à ces derniers de mettre leurs infrastructures au profit des distributeurs en gros ou des importateurs des produits raffinés contre rémunération de leurs services. Il s'agit aussi d'étendre le régime fiscal, appliqué actuellement aux secteurs protégés, au marché de la distribution des produits pétroliers tout en instaurant une taxe exceptionnelle sur les surprofits des sociétés d'importation, de stockage et de distribution du gasoil et de l'essence. Le conseil a préconisé d'écarter tout retour éventuel à la subvention directe de ces produits et instaurer en lieu et place des aides directes aux populations les plus vulnérables et des allégements fiscaux adéquats au profit des classes moyennes, et d'accélérer la mise en œuvre de la stratégie pour une transition énergétique. Des prix de vente moins corrélés aux cours du baril brut Le Conseil indique que les cotations mondiales du pétrole brut et des produits raffinés (gasoil et essence) sont en forte hausse depuis le début du deuxième semestre de 2021 et qu'il existe une forte corrélation entre les cours du baril de pétrole brut, les cotations des produits raffinés et les prix de vente sur le marché national durant les années 2018 et 2019. Cependant, un affaiblissement de la corrélation a été observé entre durant les années 2020 et 2021 ainsi que les quatre premiers mois de 2022, avec une répercussion immédiate des hausses des cotations à l'international décalée dans le temps en cas de baisses. Le conseil de la concurrence évoque, également, l'existence d'une structure de prix de vente composée principalement des prix d'achat du gasoil et de l'essence à l'international et des taxes prélevées par l'Etat, ainsi que d'une composante fiscale du prix du gasoil et de l'essence qui diminue proportionnellement à la hausse de leurs prix à l'international. Cette série de recommandations intervient dans un contexte où les prix de vente des carburants à la pompe sur le marché national ont atteint des niveaux records au cours des premiers mois de l'année de 2022. Ces recommandations visent ainsi à rendre les marchés du gasoil et de l'essence plus concurrentiels, en tenant compte de la réalité économique structurelle de ces marchés et de celle de l'économie du pays. L'idée est aussi de rendre ces marchés plus transparents et contestables, mieux ouverts à une concurrence réelle par les prix entre les opérateurs.