En 2010, une loi censée mieux prendre en considération la souffrance des femmes victimes de violences conjugales devait voir le jour mais ça n'a jamais été le cas. En attendant l'apparition d'une nouvelle loi, plus de la moitié des violences que subissent les femmes sont des violences conjugales. On ne l'avait plus entendu depuis plusieurs semaines mais elle est intervenue hier mercredi 5 septembre, lors d'un congrès international à Casablanca sur la violence des femmes. Elle, c'est Bassima Hakkaoui, la ministre des Femmes et de la Famille. 6 millions de femmes souffrent en silence Ce congrès a été l'occasion pour la seule ministre femme au sein du gouvernement Benkirane de délivrer des chiffres officiels sur le nombre de Marocaines qui subissent au quotidien des violences, rapporte le Nouvel Observateur. Près de 6 millions de femmes souffrent de violences sous toutes leurs formes y compris dans leur foyer mais aussi des agressions physiques et verbales dans la rue. Cela signifie qu'une femme sur trois est victime de violence au royaume. Dans 55% des cas, ce sont des violences conjugales. Soit plus de la moitié. «55% des femmes qui souffrent de violence conjugale c'est déjà pas mal !» lance Fatiha Daoudi, juriste et militante des droits de la femme. «Mais les chiffres seraient plus importants si les femmes violentées allaient porter plainte. Encore faut-il qu'elles le fassent ! Certaines d'entre elles ne le font pas car elles vivent sous la pression de la société et qu'elles craignent de se faire mal voir. Elles ne portent pas plainte également pour des raisons économiques car elles craignent de se retrouver dehors avec leurs enfants sans un sou en poche. Elles sont donc obligées de subir cette violence en silence» poursuit-elle. Fatiha Daoudi insiste sur le fait que les violences conjugales se produisent dans tous les niveaux sociaux, y compris les plus aisés. Si les femmes de ces milieux ne portent pas plainte, c'est également pour des raisons économiques. Machisme quand tu nous tiens ! Subir des violences en silence, voilà ce que des millions de Marocaines doivent donc vivre dans leur quotidien. Une partie de leur calvaire aurait pu prendre fin si seulement une loi pour mieux faire face à ces violences conjugales datant de 2010 avait été votée au Parlement. Soutenue par Nezha Sqalli, l'ancienne ministre de la Famille et du Développement social, cette loi prévoyait que les violences conjugales ne soient plus traitées juridiquement de la même manière que les autres formes de violence et de mieux prendre en considération la parole de la femme violentée. Hélas, cette loi n'a jamais passé le cap du conseil de gouvernement. Impossible donc d'être soumise au Parlement, nous explique Nezha Sqalli, contactée aujourd'hui par Yabiladi. L'un des points importants qu'aurait pu apporter cette loi est la suppression de témoins lorsque la femme va porter plainte au commissariat pour des violences infligées par son mari. Nezha Sqalli explique qu'après le dépôt d'une plainte, les enquêteurs cherchent à tout prix des témoins pour témoigner de ces violences en allant demander aux voisins s'ils avaient vu ou entendu quelque chose. Absurde, dit-elle car les violences conjugales peuvent se produire dans une chambre à coucher sans que personne ne puissent en témoigner. D'après elle, si cette loi n'a jamais vu le jour, cela est à cause d'un machisme ambiant fortement ancré dans le système judiciaire marocain. «Cette loi a fait l'objet d'un blocage idéologique et d'un manque de volonté politique parce que lorsque certaines composantes de ce système regardait ce texte de loi qui allait dénoncer la violence faite aux femmes, ils résonnaient avant tout en hommes», lâche-t-elle. Elle insiste sur le fait, néanmoins que certains juges, remplis de bonne volonté ont souhaité eux agir afin de mieux protéger les femmes violentées mais qu'ils avaient les points liés à cause notamment de l'absence de loi. Voyant sa loi tombée à l'eau, Nezha Sqalli espère aujourd'hui que la ministre Bassima Hakkoui fera voter rapidement une nouvelle loi, s'inspirant de la sienne, pour mieux protéger les femmes victimes de violence.