Le vieillissement de la population n'est pas qu'une réalité européenne. Selon la dernière étude de l'Institut National des Etudes Démographiques (INED) en France, la population des plus de 60 ans devrait quadrupler d'ici 2050 sur le continent africain, Maroc compris. Dans le royaume, ce vieillissement inéluctable pose d'ores et déjà la problématique du financement des systèmes de retraites. Qui va payer ? A l'heure où les discours royaux font la part belle à la jeunesse marocaine, quoi de plus logique que de s'interroger sur la place de la population vieillissante à travers le royaume ? L'INED, l'Institut National des Etudes Démographiques en France, publie, dans le numéro 491 juillet-août de Population et société, une étude prospective des évolutions démographiques du continent africain d'ici à l'horizon 2050. Le rapport prévoit que «l'Arique n'échappera pas au vieillissement de sa population en raison de l'allongement de la durée de vie et de la baisse de la fécondité [...] et ce vieillissement démographique se produira à une vitesse beaucoup plus rapide que cela n'a été le cas dans les pays développés.» Le Maroc n'y échappera pas. A l'instar d'un continent africain qui devrait voir le nombre absolu de personnes âgées quadruplé entre 2010 et 2050, «passant de 56 millions à 215 millions de personnes», selon l'étude, le Maroc devrait lui aussi connaitre une croissance fulgurante de sa population senior au cours des quatre prochaines décennies. Une carte par anamorphose de la population âgée a été élaboréd par l'INED. Elle compare les taux de cette population dans les pays africains à deux dates distinctes : 2010 et 2050. On y observe le fort gonflement de toute la région du Maghreb. La part des personnes âgées vivant dans le Royaume, s'élevant aujourd'hui à 8,1% exactement de la population totale, devrait s'élever à plus de 24,5% en 2050. Ces prévisions corroborent donc les projections de l'étude conduite conjointement par le Haut Commissariat au Plan et le CEPII en France qui avait été publiée fin juillet. Intitulée «la soutenabilité du système de retraite à la lumière de la transition démographique au Maroc», elle révélait en effet que le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus au Maroc devrait passer de 2,7 millions en 2010 à près de 10,1 millions en 2050. 21% des Marocains assurés pour leur retraite Le système de retraite marocain est basé, en grande majorité, sur le principe de la répartition ; or, «ce type de système ne peut fonctionner que si la réalité démographique respecte cet ordre de réciprocité, c'est-à-dire tant que le nombre des cotisants ne diminue pas par rapport au nombre de bénéficiaires», souligne la chercheuse en Sciences économiques, Mounia Cherkaoui, dans sa thèse, «Vieillissement, transition démographique et crise des systèmes de retraite: cas du Maroc» publiée en 2009. De plus, le système de retraite marocain est marqué par son «extrême fragmentation» et «un faible taux de couverture», précise la démographe. Seule 21% de la population en bénéficie actuellement. Deux caractéristiques qui procèdent, selon elle, de l'absence d'une politique sociale définie correspondant «aux besoins propres» de la population marocaine. «Il n y a jamais eu une conception globale de la prévoyance sociale en général, ni de la retraite en particulier. [...] Aucune loi portant organisation de ce secteur n'existe» déplore Mme Cherkaoui. La CNSS en faillite en 2016 Cette absence de cadre juridique, combinée à la «dérive démographique inéluctable» que va connaitre le Maroc et qui se traduira par une maturation concommittante des pensions de retraites, aura «comme conséquence, l'aggravation du déficit consolidé des régimes de retraite (CNSS, CMR, CIMR, RCAR) […] qui ne seront plus en mesure de couvrir la totalité de leurs engagements dès l'épuisement de leurs réserves», prévoit la spécialiste. La doctorante ajoute que «selon des études actuarielles», la CNSS devrait être en faillite à partir de 2016 et la CMR «deux ans plus tard».