Le premier pas dans la lutte contre la fuite des capitaux vient d'être franchi par l'Office des changes. Une initiative louable mais ferait-elle stopper ou réduire l'hémorragie fiscale ? Sachant que des estimations avancent que chaque année entre 1 et 2 milliards de dollars quittent frauduleusement le territoire national. La fuite des capitaux marocains à l'étranger inquiète l'Office des changes. L'organisme public compte s'attaquer à un phénomène qui tend à prendre des proportions alarmantes. Selon le quotidien Al Massae, la Direction de l'inspection relevant de l'Office vient de mettre en place une commission technique chargée de suivre et de détecter les différentes opérations de fuite de devises. Son travail se fait en concertation avec les services de sécurité des aéroports. A l'origine de cette enquête une plainte d'un propriétaire d'une agence de voyage alertant les autorités sur l'existence éventuelle, dans les bazars de Casablanca, d'un réseau très actif dans la fuite des capitaux. Ses membres auraient réussi, dans les derniers mois, à transférer illégalement vers l'étranger des millions d'euros notamment à partir des aéroports de Casablanca et Marrakech. Al Massae croit savoir que les prochains jours verront une intensification des mesures sécuritaires sur les frontières afin de mettre la main sur certains éléments de ce réseau, souvent des jeunes porteurs de valises, en flagrant délit de fuite de capitaux. Banque Al Maghrib entre en lice Parallèlement à l'enquête menée par les services de l'Office des Changes, Banque Al Maghrib vient de publier une circulaire appelant les banques à s'assurer de l'authenticité des dossiers présentés par des sociétés demandant un transfert de devises pour des achats de matériels de l'étranger. Cette méthode est la plus utilisée par certaines personnes pour que leur argent atterrisse en Europe sans grande difficulté. La manœuvre consiste à profiter du régime de change de devises offert aux entreprises ayant des échanges commerciaux avec l'étranger pour demander plus des sommes en devises qu'elles n'en ont réellement besoin. C'est ce surplus qui repose confortablement dans les banques européennes. Par ailleurs, une récente étude du Boston Consulting Group, un cabinet de conseil américain créé en 1963, révélait que 30% de l'argent détenu par les riches marocains est déposé dans des banques étrangères, notamment en Suisse et en Grande-Bretagne. 21.000 milliards de dollars dans des paradis fiscaux Comme au Maroc, dans le monde, la fuite des capitaux, favorisée par ce contexte de crise économique, a le vent en poupe. Un rapport publié, le 22 juillet, par l'ONG britannique Tax Justice Network, estime que "21.000 milliards de dollars seraient placés dans des paradis fiscaux, l'équivalent du PIB des Etats-Unis et du Japon cumulés". En France, elle ferait perdre à l'Etat 8 milliards d'euros. En Espagne, le phénomène est très inquiétant. La faillite du système bancaire local (le cas de Bankia est d'ailleurs éloquent) a incité les Espagnols à placer leurs économies dans des endroits plus sûrs. En mars, ils ont transféré plus de 62 milliards d'euros vers des banques étrangères.