Aujourd'hui vice-président de l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), Mustapha Fahmi s'est installé au Canada en 1989, guidé par son amour pour la littérature de Shakespeare. Plus tard, il deviendra le premier arabe et l'un des rares canadiens à intervenir au sein du Shakespeare Institute à Stratford-upon-Avon (Angleterre), parallèlement à son parcours d'écrivain et de chercheur. Né à Casablanca, l'écrivain Mustapha Fahmi a imaginé, dès son adolescence, une évolution dans la littérature shakespearienne en Occident. Aujourd'hui, il est vice-président de l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), après y avoir été vice-président à l'enseignement, recherche et création pendant cinq ans, ou encore enseignant à l'Université de Montréal pendant trois ans. Il continue de donner des cours en anglais pour des étudiants spécialisés, en plus de séminaires de recherche pour les étudiants doctorants ou en maîtrise. Depuis plusieurs années, s'est impliqué aussi dans la vie culturelle en tant que président du conseil d'administration de la troupe de théâtre Les têtes heureuses, membre de la Shakespeare Association of America et de la British Shakespeare Association, ou encore de l'Association canadienne des études de la Renaissance. C'est avec fierté qu'il se rappelle avoir donné des conférences partout dans le monde sur Shakespeare, y compris au Shakespeare Institute de Stratford-upon-Avon en Angleterre. Dans cet institut de référence en études sur le dramaturge et poète anglais, Mustapha Fahmi est devenu le premier arabe et l'un des rares canadiens à donner une conférence. C'est sa fascination pour la littérature qui l'a amené à s'installer au Canada, dès 1989, pour y suivre ses études. Depuis, il s'est spécialisé dans l'œuvre de William Shakespeare, pour lequel il a dédié plusieurs ouvrages en anglais. Mais son engouement shakespearien remonte à bien plus tôt. Sa thèse de doctorat a consisté en une lecture philosophique des personnages de Shakespeare et la question identitaire. «A l'âge de 15-16 ans à peu près, je rêvais déjà d'une carrière académique et où je pourrais enseigner Shakespeare en Occident. J'ai découvert son œuvre à travers une traduction en arabe de Macbeth et je commençais à chercher plus de livres. J'étais inscrit au centre américain de langue à Casablanca et j'avais un bon niveau en anglais.» Mustapha Fahmi / Ph. Guylain Doyle Une vision remontant à l'adolescence Enfant du quartier Derb El Kabir, Mustapha Fahmi a fréquenté le lycée Moulay Abdellah. Dans le salon de coiffure de son père, il s'initie au monde des revues littéraires. «Mes parents n'ont jamais été à l'école, mais mon père achetait des revues littéraires pour ses clients. Quand je sortais de l'école, je passais au salon et je lisais ces publications. Cela m'a véritablement permis de m'ouvrir au monde de la littérature occidentale», se rappelle-t-il. Dans les cafés littéraires casablancais, il côtoie des écrivains, des journalistes et des poètes. «J'avais l'habitude de m'y rendre fréquemment pour échanger avec des intellectuels autour de la poésie ou de la littérature, dans le quartier des Habous ou dans le centre-ville… J'ai eu la chance de côtoyer ainsi Hassane Najmi ou encore Ayachi Abou Chita et Lahcen Laassibi, qui m'ont beaucoup aidé et avec qui je suis toujours en contact», nous raconte l'écrivain. Par ailleurs, Mustapha Fahmi a commencé à écrire des poèmes arabes très tôt, avant de commencer à se faire publier dans les suppléments littéraires des journaux marocains. Il fait éditer son premier recueil de poésie en 1987, sous le titre «Le Dernier des rossignols». Après sa licence en études anglaises à l'Université Hassan II de Casablanca, il migre au Canada avec son épouse pour poursuivre leurs études, elle en littérature française et lui en littérature anglaise, à l'Université de Montréal puis à celle de McGill. Mais arrivé dans l'autre rive de l'Atlantique, l'écrivain a ressenti un dépaysement total. «Je suis arrivé en janvier, avec une idée romantique de la neige et de l'hiver comme on en voyait dans les films, mais il faisait très froid à Montréal. Ce qui m'a le plus manqué, c'est la vie sociale de Casablanca et surtout ses cafés littéraires. C'est une tradition plutôt arabe et européenne, mais qui n'était pas ancrée au Canada. En m'impliquant dans la vie académique et en formant mon cercle d'amis anglophones, mon intégration n'a pas été difficile.» Lors de la réception du Prix Distinction littéraire en 2019 / Ph. Rocket Lavoie «Dans mes études en littérature anglaise, je me suis spécialisé dans la littérature de la Renaissance et plus particulièrement celle de Shakespeare», se souvient l'écrivain, qui a réalisé son ambition de s'établir comme un shakespearien sur la scène internationale. Pendant 20 ans, il n'écrit qu'en anglais, publiant trois livres sur Shakespeare en plus d'articles savants, dans des revues spécialisées en Angleterre ou aux Etats-Unis. Ecrire «pour appartenir à une communauté» Après la publication de son premier livre en français, «La leçon de Rosalinde» (2018), Mustapha Fahmi trouve des réponses à la raison pour laquelle il écrit. «Je crois tout simplement que j'écris pour appartenir à une communauté et pour entrer en dialogue avec elle. Quand j'étais au Maroc, je voulais appartenir à la communauté littéraire marocaine. J'ai commencé à écrire de la poésie en arabe à ma façon, en parlant d'amour ou de la nature. Un de ces textes (Elisa) a été chanté par Mohamed El Hayani», nous explique-t-il. «Plus tard, j'ai écri en anglais car je voulais appartenir à la communauté shakespearienne internationale. Après, j'ai été vice-président d'université et je devais représenter tout le Québec. J'ai développé un sentiment d'appartenance à la culture francophone et à la francophonie. A la fin de mon mandat, j'ai commencé à écrire «La leçon de Rosalinde» pour remercier tout les gens que j'ai côtoyés», ajoute encore l'écrivain. Le livre connaît un franc succès et figure dans le choix du mois du magazine Philosophie en France. Il reçoit le Prix du meilleur livre de sa catégorie au Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean en 2018 et le Prix distinction littéraire en 2019. Le 28 septembre marque la sortie de son deuxième livre en français, intitulé «La promesse de Juliette». Comme «La leçon de Rosalie», il «regroupe des réflexions philosophiques qui partent d'une scène de théâtre de Shakespeare, parfois d'un passage dans un roman de Dostoïevski ou une nouvelle de Tchekhov, pour développer plusieurs sujets comme l'amour, la reconnaissance, le respect, l'amitié, la liberté…». Grand amateur de Nietzsche, de Spinoza et de Heidegger, Mustapha Fahmi met des philosophes en référence à travers des paraphrases dans ses livres, pour traiter ces questions mais de manière à se faire lire par un large public. «Je me sers de la littérature pour faire de la philosophie. C'est pourquoi, «La leçon de Rosalinde» est écrit dans une langue facile, explique-t-il. Dans ses ouvrages, il apprécie «souligner l'intelligence féminine», considérant que l'«on voit la grandeur d'un auteur lorsqu'il crée des personnages du sexe opposé». Après ses deux livres en français qui portent les noms de personnages féminins de Shakespeare, il ambitionne de clôturer la trilogie avec le personnage de Cléopâtre. Article modifié le 2021/09/20 à 00h29