Dans son dernier rapport sur l'économie du Maroc, la Banque Mondiale signe un tableau du Royaume peu flatteur concernant le monde du travail et les inégalités relatives en période de Covid-19, sans manquer de souligner le potentiel du pays et ses axes de progression. La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), Région Moyen-Orient et Afrique du Nord a publié hier son «Rapport économique sur le Maroc» printemps 2021 qu'il a sous-titré «Créer un élan pour la réforme». Dans ce rapport, faisant l'état des lieux de l'économie marocaine, l'organe de la Banque Mondiale a également fait un focus sur la situation de l'emploi et des inégalités dans le Royaume en contexte de pandémie de Covid-19. Il confirme les risques accentués auxquels sont exposés les personnes vulnérables et pauvres, notamment liés aux types d'emplois exercés par les personnes en situation précaire. Ces emplois sont principalement des emplois de service en contact avec le client, mal protégés, ou des emplois ou les distanciations sociales sont difficiles à mettre en place, sans parler du recours au télétravail parfois impossible. Autre sujet d'étude, le confinement 2020 qui a provoqué pour 66% des travailleurs salariés une interruption de leur activité, principalement pour cause de licenciements temporaires ou de la suspension des activités commerciales. L'interruption atteint même jusqu'à 84% des salariés dans le bâtiment. Pour les interruptions d'activité, les inégalités sont flagrantes entre les 40% les plus pauvres qui ont dû cesser leur activité à hauteur de 72%, tandis qu'un peu moins de 50% des 20% les plus riches ont dû le faire. Les suspensions d'activités ont d'ailleurs plus tendance à durer post-confinement pour les populations les plus pauvres. Dans la même logique, les plus pauvres ont été plus nombreux à subir une baisse de revenus et la baisse était proportionnellement plus importante que pour les plus riches. La BIRD n'a cependant pas manqué de souligner que les programmes mis en place par le Maroc ont permis de limiter, en partie, les impacts de la crise sur la pauvreté. Inactivité au Maroc : les femmes en première ligne Le rapport traite aussi les perspectives du marché du travail, soulignant qu'entre 2001 et 2019 le Maroc n'a pas réussi à créer suffisamment d'emplois pour soutenir sa croissance démographique, laissant annuellement en moyenne 262 milles personnes en âge de travailler sans activités. Ce déficit s'est d'ailleurs accentué ces 10 dernières années pour atteindre 300 milles personnes par an en moyenne. Le taux de chômage connait donc une évolution comprise entre 8 et 12% par an pour la période étudiée, pour atteindre en 2019 un total de 54% de la population en âge de travailler déclaré inactif. Le rapport continue sur ce déficit des emplois en avançant que le Maroc subit «la lenteur de l'amélioration de l'efficacité de l'utilisation des facteurs de production et la lenteur du changement structurel de l'économie». Le Royaume n'a pas été en mesure de créer des emplois à hauteur que sa croissance économique se faisait, seulement 0,12 % d'augmentation de l'emploi pour un pour cent d'augmentation supplémentaire de la production depuis 2010, contre 0,37% avant 2010. Enfin, ce déficit de création d'emploi ralenti la croissance du Maroc qui absorbe mal les jeunes entrant en âge de travailler. Source : HCP – Banque mondiale, 2021. Les femmes sont également les plus touchées par l'inactivité, malgré leur meilleur accès à l'éducation supérieure. En effet, sur l'ensemble du territoire, les femmes sont plus représentées chez les inactifs que les hommes, pour atteindre jusqu'à 76% des inactifs dans la situation la plus extrême. Ce sont particulièrement dans les régions urbaines que les femmes sont en situation d'inactivité, à hauteur de 55% de tous les inactifs du Maroc. Les femmes sont aussi plus susceptibles de terminer leurs études prématurément, malgré les récentes améliorations soulignées. L'emploi au Maroc : le fond et la forme Le secteur informel continue de s'expandre au Maroc pour atteindre 54,6% du total des salariés qui ne paient pas d'impôt sur le revenu, n'ont pas de contrats stables, ne cotisent pas pour une retraite et ne disposent pas d'une assurance maladie autre que le Régime d'Assistance Médicale. Ici ce sont les hommes avec un faible niveau d'éducation qui sont les plus mal logés. Enfin, le rapport se penche sur l'évolution des types d'emplois au Maroc en constatant la lenteur de la transformation structurelle de l'économie. Si les services et la construction ont connu une certaine croissance, le secteur de l'agriculture stagne et l'industrie connait une diminution relative de sa masse salariale. Pour conclure, le rapport avance deux enjeux fondamentaux sur lesquels le Maroc devra œuvrer pour connaitre une croissance à son plein potentiel, à savoir l'augmentation de la participation des femmes à la population active et la facilitation de leur accès à de meilleurs emplois, ainsi que l'intégration des jeunes dans le monde du travail.