Evitant de pointer directement du doigt les violations des droits de l'Homme au Maroc, dans son rapport 2020, le Département d'Etat américain s'est caché derrière les ONG nationales et internationales. Le Département d'Etat a publié son rapport 2020 sur les droits de l'Homme. Sur le cas du Maroc, les rédacteurs du document ont puisé assez de données pour alimenter les nombreuses pages consacrées au royaume dans les communiqués de l'Association marocaine des droits humains, Amnesty international, Human Rights Watch (HRW) et le Centre Robert Kennedy portant sur des allégations de violations des droits de l'Homme, ainsi que les réponses d'institutions publiques, tels que la Délégation Générale à l'Administration Pénitentiaire et à la Réinsertion (AGAPR), le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) ou le gouvernement. Une passe d'arme que les services d'Antony Blinken ont repris fidèlement en donnant la parole à chacune des parties. Sur la torture, les américains notent une «diminution des informations au cours des dernières années» sur ce sujet «bien que les institutions gouvernementales marocaines et les ONG continuent de recevoir des données faisant état de mauvais traitements infligés à des personnes en détention officielle (…) le plus souvent en détention provisoire», relève le rapport. «Des accusations selon lesquelles des responsables de la sécurité auraient soumis les manifestants en faveur de l'indépendance du Sahara occidental à un traitement dégradant pendant ou à la suite de manifestations ou de manifestations appelant à la libération de prisonniers politiques présumés.» «Pas de détenus politiques» dit le gouvernement «En mars, la CNDH a publié un rapport sur 20 allégations de manifestants du Hirak (du Rif) selon lesquelles ils auraient été torturés pendant leur détention. Le rapport a déterminé que ces allégations, mises en évidence dans un rapport d'Amnesty International daté du 19 février, n'étaient pas fondées», souligne la même source. Néanmoins le CNDH, indique le Département d'Etat, affirme avoir ouvert des enquêtes sur 28 plaintes pour torture ou traitements dégradants entre le 1er janvier et le 31 août. Le rapport du Département d'Etat fait état également de sanctions prises par les membres des forces publiques qui auraient violenté des citoyens. Le document cite la suspension, le 6 mai 2020 à Marrakech, de deux éléments des Forces auxiliaires filmés lors de l'arrestation d'un suspect. Pour sa part, la Direction générale de la sureté nationale (DGSN) a imposé des sanctions administratives à deux fonctionnaires et a transféré deux affaires impliquant les quatre autres agents au Bureau du Procureur général qui a engagé des poursuites judiciaires dans au moins une des affaires. Le rapport précise que le gouvernement rejette l'existence de détenus politiques au Maroc et préfère parler de prisonniers de droit commun, notamment dans les affaires Souleiman Raissouni, Omar Radi, Taoufik Bouachrine, Maati Monjib ou les militants du Hirak du Rif. Pour mémoire, en mars 2019, la présidente du CNDH, Amina Bouayach avait affirmé dans des déclarations à l'agence EFE qu'il «n'y a pas de prisonniers politiques au Maroc. Il y a des prisonniers qui ont été arrêtés pour leur participation à des manifestations ou à la violence produite lors de ces manifestations». Des propos condamnés par les familles des activistes du mouvement populaire de contestation du Rif derrière les barreaux. Le rapport note également, dans la partie réservée à la liberté d'expression, que la «loi pénalise la critique de l'islam, de la légitimité de la monarchie, des institutions de l'Etat, des fonctionnaires (comme ceux de l'armée) et des positions du gouvernement concernant l'intégrité territoriale et le Sahara occidental». Le document, citant des conclusions de HRW, note que «le gouvernement a fait preuve au cours de l'année d'une intolérance croissante à l'égard de la dissidence publique, en particulier des personnes qui critiquaient la monarchie, les autorités de l'Etat ou l'islam. Selon les chiffres du gouvernement, 22 personnes ont été spécifiquement inculpées de propos criminels, y compris de diffamation, calomnie et insulte». Le texte mentionne notamment le cas de l'avocat des militants du Hirak Abdessadek El Bouchtaoui, exilé en France, condamné en appel à 24 mois de prison ferme «pour avoir insulté des fonctionnaires et des représentants de l'autorité dans l'exercice de leur fonction et atteinte à l'autorité de la justice». Dans l'ensemble le rapport reste équilibré. Ces observations ont déjà été relevées par des ONG nationales et internationales ainsi que par la presse marocaine. Le document s'écarte du rapport de John Kerry d'octobre 2013 qui avait suscité l'ire du gouvernement Benkirane.