Un discours de chef d'Etat est toujours important, où qu'il se trouve dans le monde, et encore plus au Maroc. Quand le roi dit quelque chose, il en connaît les raisons et en mesure les conséquences. C'est pour cela qu'un discours doit être lu en s'arrêtant à tous les mots, et parfois même à la ponctuation… Dans ce discours prononcé devant un peu plus de 500 élus parlementaires tous de blanc vêtus, et en dehors des messages clairs et explicites sur l'eau et sur l'investissement, des petites phrases ont été soigneusement distillées, et mériteraient qu'on s'y arrête autant que les responsables et leurs véritables destinataires devraient y songer… 1/ Quand le roi appelle à un traitement diligent de la problématique de l'eau « dans toutes ses dimensions, et notamment à une rupture avec toutes les formes de gaspillage ou d'exploitation anarchique et irresponsable de cette ressource vitale », il brasse large. L'emploi deux fois dans la même phrase du déterminant « toutes » et le choix de termes aussi forts que « gaspillage », « anarchique » et « irresponsable » doit en toute logique interpeller les… responsables. Il serait intéressant de voir dans quelle mesure les politiques agricoles seront infléchies, pour renoncer aux cultures hydrophages et, par là-même, rationaliser notre agriculture et économiser cette denrée de plus en plus rare qu'est l'eau. Si tel n'est pas le cas, et il faut craindre que ça ne le soit pas, alors il faudra que les « gaspilleurs irresponsables et anarchiques » rendent, un jour, des comptes. Les producteurs, leurs soutiens, les financements, tout devra être revu et corrigé. En toute « diligence ». 2/ Le roi Mohammed VI revient également sur les règles de bonne gouvernance, sans lesquelles il serait inutile de penser à toute politique d'investissement efficiente, équitable et inclusive. Ainsi, la phrase sur « les règles de la concurrence loyale, (…) la mise en œuvre effective des mécanismes de médiation et d'arbitrage pour le règlement des litiges » intervient quelques semaines après la publication de l'avis du Conseil de la concurrence, et tout le monde aura noté cette « petite phrase », allusive certes mais à la portée claire. Et lorsque, dans la même phrase, le chef de l'Etat invoque la nécessité de la « confiance », alors cela doit avoir comme prolongement une pratique d'auto saisine du parquet dès lors qu'un rapport d'un organisme chargé du contrôle de l'équité, de la probité ou de la bonne gouvernance est émis et qu'il dénonce des pratiques possiblement frauduleuses… 3/ Pour la communauté des Marocains du monde, le roi préconise « à nouveau », de prêter une attention particulière aux membres de la communauté marocaine résidant à l'étranger. Cela a été dit dans le discours du 20 août dernier, cela a fait l'objet d'une grande réunion rassemblant à peu près tout le monde, et cela en est resté là ! D'où, sans le doute, le « à nouveau » royalement asséné… 4/ Enfin, quand le souverain s'adresse directement aux 500 personnes devant lui, et les exhorte, leur enjoint d'être « à la hauteur de la grande responsabilité qui [leur] incombe », cela pourrait conduire à penser qu'ils ne l'ont pas été, comme en témoignent les différentes tergiversations sur tant de thèmes et de problématiques, du Code pénal au domaine maritime, de la diaspora aux libertés individuelles, en passant par le nécessaire travail de contrôle de l'exécutif qui devrait être le leur et qu'ils ne semblent pas conduire au mieux, se contentant souvent d'être une chambre d'enregistrement, et encore plus souvent d'applaudissements.
Oui, un discours de chef d'Etat n'est pas rédigé à la hâte ou dans l'approximation, et s'il se trouve des hommes ou des femmes d'Etat pour le comprendre et le mettre en pratique, en plus de l'applaudir, le pays s'en porterait mieux, bien mieux. Le roi trace les grandes lignes de la politique de l'Etat, les institutions, chacune dans sa position, les mettent en œuvre, la population scrute et la justice doit se tenir prête.