La session d'octobre va ouvrir prochainement et le débat sur le projet de la loi de finances 2023 démarrera dans la foulée. Il s'agira de la première loi de finances entièrement pensée et conçue par le gouvernement Akhannouch, qui aura eu un an pour s'installer (même si le RNI est là depuis à peu près 20 ans, dans des départements importants). Mais peut-on honnêtement et sérieusement prévoir ce qui va se produire dans les mois à venir ? Et, donc, peut-on croire en la pertinence du PLF, et de la LF qui en sortira après débats ? Au-delà des chiffres savants et complexes et des projections tout aussi savantes et encore plus compliquées, qui se concrétisent rarement, ou alors par pur hasard, le gouvernement devra cette année faire montre d'audace et d'anticipation. Difficile quand on sait que les hypothèses sont comme toujours aléatoires et indépendantes de toute action gouvernementale. Sans entrer dans les considérations techniques, revoyons ces hypothèses pour 2023 : un taux de croissance à 4,5%, une récolte céréalière de 75 millions de quintaux et un baril de pétrole à 98 dollars. Des hypothèses, il faut le reconnaître, plutôt optimistes, voire riantes, dans un monde en panique avancée... des hypothèses aujourd'hui clairement dépassées. En face, en termes de dépenses, de promesses et d'engagements, l'Etat social, dans toutes ses déclinaisons, santé, éducation, protection sociale… Globalement, les hypothèses ne dépendent pas d'une quelconque politique gouvernementale, mais de facteurs exogènes, de l'humeur (mauvaise) de quelques dirigeants dans le monde et de la bonté divine, c'est-à-dire du ciel et de la pluie. Et les promesses contenues sous forme de vœux dans la note de cadrage sont à même de créer, bien plus que l'attente, de l'espoir ; or, on sait qu'il est dangereux de décevoir l'espoir, surtout après trois ans de morosité désespérante. Et donc, à la veille de l'ouverture de la session parlementaire, le temps s'assombrit, et pas pour apporter de la pluie, mais des perspectives peu réjouissantes. La pluviométrie est toujours plus capricieuse que jamais, et malgré quelques pluies enregistrées ici et là, rien, absolument rien ne permet de dire que le Maroc ne connaîtra pas une autre année de sécheresse, même moins terrible que celle de 2022, mais sécheresse quand même. Pour la croissance à 4,5%, il est permis également de douter car l'économie marocaine est lourdement accolée à celle d'un ensemble économique lui-même menacé de récession imminente, en l'occurrence l'Europe. Comment donc envisager une croissance alors que l'incertitude règne sur nos principaux partenaires et aussi sur notre monnaie, avec un taux directeur qui vient d'être relevé et qui pourrait être amené à continuer de l'être, et un taux de change qui se détériore de jour en jour ? Enfin, pour les prix de l'énergie, il serait hasardeux de se montrer optimiste car non seulement les facteurs générateurs du renchérissement des prix à l'international ne se résorbent pas, mais s'aggravent. En effet, la guerre en Europe ne semble pas prête de finir et l'OPEP+ vient de prendre une décision dont les conséquences seront une envolée des cours du pétrole. Comment, dans de telles conditions, continuer d'œuvrer pour affermir et affirmer l'Etat social, à supposer qu'il soit déjà mis en place ou installé ? Comment envisager d'augmenter les recettes fiscales de l'Etat sans mettre en danger un outil de production déjà malmené depuis trois ans par la crise sanitaire et ses conséquences, puis la crise géopolitique et ses répercussions ? En 2022, malgré les suites économiques de la pandémie, la sécheresse et la guerre, le gouvernement Akhannouch avait refusé de passer par une loi de finances rectificative. Cette année, avant même l'adoption de la loi de finances, les incertitudes pèsent lourdement, sans perspective d'éclaircie. Le gouvernement n'est absolument pas responsable de cela, puisque rien ne dépend de lui. Il ne sera responsable que du fait de continuer de promettre monts et autres merveilles sociales, alors que, clairement, manifestement, il n'en aura pas les moyens. Le danger économique est déjà assez préoccupant pour ne pas l'alourdir par un péril social.