Les médecins dans leurs cabinets rencontrent de plus en plus de personnes atteintes de façon plus ou moins significative du coronavirus qui manifestent une persistance ou une récidive de symptômes de cette infection (et alors que leurs tests PCR sont négatifs) bien au-delà des 2 à 3 semaines de convalescence estimées. On craint même maintenant l'apparition de nouveaux types de maladies chez ces anciens malades. D'où la nécessité de faire le point sur ces manifestations, de la fatigue persistante aux atteintes cardiaques en passant par des problèmes psychiques. Une fatigue persistante et des sensations de douleurs multiples en général Certains témoignent d'une fatigue persistante, de tachycardie, troubles respiratoires, d'une récidive de perte de l'odorat et du goût, de douleurs articulaires ou musculaires, diarrhées ou de capacités physiques diminuées. Surtout ils ont un point commun : une fatigue persistante que l'on appelle asthénie et que l'on retrouve assez classiquement chez des personnes qui ont souffert d'autres maladies virales comme la mononucléose. Mais il est difficile de savoir si certains symptômes sont liés directement au virus ou si ce sont des conséquences du confinement et du stress qu'il leur a apporté. Ces signes persistants se retrouvent assez fréquemment d'ailleurs chez des patients qui pourtant n'ont pas eu de formes graves ayant nécessité une hospitalisation. Des séquelles plus lourdes Certains des patients qui ont eu des formes graves de la maladie gardent actuellement des séquelles plus sévères aux poumons, cœur (lésions cardiaques), reins, système nerveux, conséquence des attaques plus destructrices du virus sur ces organes… Kamal Marhoum El Filali, chef du service des maladies infectieuses au CHU Ibn Rochd de Casablanca a d'ailleurs évoqué, fin juin dans une interview, ces effets en indiquant que les atteintes du système pulmonaire sont les plus évidentes car les phénomènes inflammatoires provoqués par le virus se sont accompagnés de destructions de tissus au niveau du poumon. Il soulignait aussi que des séquelles cardio-vasculaires pouvaient s'y ajouter, notant en particulier que la covid-19 perturbait le bon fonctionnement des petites artères coronaires qui assurent la vascularisation du cœur. Une évolution vers une maladie chronique de longue durée On ne connait cette maladie que depuis six mois, il est donc trop tôt pour avoir des appréciations définitives sur le devenir des patients souffrant de troubles récurrents Les épidémies passées d'autres types de coronavirus que le Covid-19, comme le SRAS (ou syndrome respiratoire aigu sévère) , en 2003, et le MERS (Coronavirus du Syndrome Respiratoire du Moyen-Orient), en 2012 (au Moyen Orient), nous donne déjà cependant quelques enseignements utiles par comparaison. On sait déjà par exemple que des patients atteints de ces deux virus ont encore des problèmes pulmonaires 15 ans après ainsi que des troubles musculo-squelettiques. On a observé des phénomènes de fatigue chronique jusqu'à quatre ans après l'hospitalisation. On a constaté également des séquelles psychiques durables (dépression, stress post-traumatique, anxiété…) 6 mois après la guérison On risque donc malheureusement d'avoir aussi plus tard chez certains malades du covid-19 tous ces types de conséquences. L'important maintenant est de procéder à des études à long terme pour en connaître la réalité et l'ampleur La Covid-19 responsable du déclenchement de maladies auto-immunes ? Les atteintes du Covid-19 dans les formes sévères (avec hospitalisation) donnent lieu à des manifestations auto-immunes (observées dans l'orage « cytokinique » quand le malade tombe dans une détresse respiratoire). Rappelons qu'une maladie auto-immune est une pathologie provoquée par un dysfonctionnement du système immunitaire : des cellules spécialisées et des substances, les anticorps, sont censées normalement protéger nos organes, tissus et cellules des agressions extérieures provenant de différents virus, bactéries, champignons... Pour des raisons encore non élucidés, ces éléments se trompent d'ennemi et se mettent à attaquer nos propres organes et cellules. Ces anticorps devenus nos ennemis s'appellent alors « auto-anticorps ». Le problème est de savoir si ces attaques auto-immunes violentes lors de la maladie peuvent ensuite évoluer vers une maladie auto-immune chronique. On sait déjà que les virus notamment le virus Epstein-Barr (VEB) de la mononucléose sont des facteurs déclencheurs de certaines maladies auto-immunes, comme le lupus, la sclérose en plaques, la polyarthrite rhumatoïde, la maladie cœliaque et le diabète de type 1. Dans le cadre du Covid 19, on a observé également en pédiatrie un syndrome inflammatoire pédiatrique avec des manifestations auto-immunes ressemblant à la maladie de Kawasaki. Répondre maintenant que le coronavirus serait un nouveau facteur déclencheur de maladies auto-immunes pour certains malades est encore prématuré, mais c'est vrai, qu'il ya de quoi s'interroger. Les autorités de santé comme les médecins des hôpitaux et de ville doivent donc rester attentifs à l'évolution de ce virus qui n'arrête pas malheureusement de nous surprendre. Dr Moussayer Khadija Spécialiste en médecine interne et en Gériatrie en libéral Ex chef de service à l'Hôpital de Kenitra, Ancienne interne aux hôpitaux de Paris - Pitié Salpêtrière - Hôpital gériatrique Charles Foix, Présidente de l'association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS)