Un collectif d'intellectuels et militants, connus pour la plupart pour leurs idées de gauche et leur activité pour les droits, ont signé un mémo demandant l'arrêt du boycott contre Centrale Danone. Ils estiment que le message est arrivé à destination, et qu'il est donc temps de cesser ce mouvement. Provisoirement, après la réaction du top management de l'entreprise. « Le boycott, auquel nous avons adhéré, n'a jamais eu comme objectif de détruire les efforts d'investissements mais de conduire le capital à respecter les lois, à tenir compte des contraintes de la concurrence et à ne pas spolier les gens à travers les monopoles, les augmentations de prix et les contrôles a priori sur les prix, contrairement à la logique du marché et au détriment du pouvoir d'achat des citoyens », dit la pétition. Les signataires ajoutent que « du fait que nous tenons au principe du boycott comme arme à mettre en œuvre au besoin, nous devons en préserver l'efficience et renforcer la foi des citoyens dans ce levier de contestation. Aussi, et en réaction aux annonces faites par l'entreprise Centrale Danone, et afin que le boycott conserve sa puissance entre les mains des Marocains qui pourraient encore l'utiliser pour exprimer des revendications de même nature, nous appelons les citoyens à suspendre leur mouvement de boycott contre cette société, pour une période de 10 semaines, du samedi 7 juillet au vendredi 14 septembre 2018 ». Ainsi, « et en fonction de ce qui produira au cours de cette période, la décision finale restera entre les mains des citoyens qui, tout au long de deux mois et demi, ont administré une véritable leçon de contestation civique ». Et de fait, Emmanuel Faber, patron de Danone monde qui était au Maroc la semaine dernière, a indiqué dans une vidéo d'une minute avoir désigné une spécialiste de l'économie sociale pour mettre en place la nouvelle politique tarifaire de Centrale Danone ; il s'agit de Mme Corinne Bazina, chargée de la plateforme sociale de Danone. M. Faber a ajouté qu'il sera lui-même de retour dans le royaume "dès que possible", pour apporter la touche finale à la nouvelle politique de l'entrepreise laitière. Les signataires de l'appel de suspension du boycott exhortent en outre les pouvoirs publics (gouvernement et institutions) et les entreprises, boycottées ou non, des secteurs concernés ou pas, à tenir compte de ce qui s'est passé et à procéder aux révisions nécessaires pour répondre aux demandes des gens. Parmi les signataires de cet appel, on trouve Fouad Abdelmoumni, DG de Transparency Maroc, Mohamed Hafid, ancien dirigeant de l'USFP et universitaire, Karim Tazi, capitaine d'industrie et militant associatif et politique, Mehdi Alioua, sociologue, et bien d'autres encore. Si cet appel est entendu, le boycott aura véritablement réussi, en ce sens qu'il aura conduit les entreprises à réagir, et surtout interagir avec les consommateurs ; en effet, Centrale Danone a réagi et Eaux minérales d'Oulmès a communiqué dans le bon sens. Ainsi, le Marocain aura glissé du citoyen électeur, abstentionniste, au citoyen consommateur, actif. Le Maroc avance… Il est évident que le but ultime du boycott ne doit pas être « de détruire les efforts d'investissement » car c'est de cet investissement privé que dépend l'emploi dans le pays, donc la consommation, et au final la création de richesses. Mais il ne s'agit pas non plus que les entreprises deviennent richissimes au prix de la paupérisation générale. Et comme le disent les signataires de l'appel, l'arme du boycott ne doit pas être galvaudée, mais utilisée à bon escient et surtout préservée d'une banalisation qui lui serait fatale.