A l'occasion de la journée mondiale du lupus cette maladie mortelle, très complexe et presque méconnue du grand public, l'association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS) dirigée par Khadija Moussayer a sorti un communiqué pour sensibiliser et alerter les populations sur cette maladie secrète et pourtant très mortelle. La Journée mondiale du lupus est l'occasion de faire le point sur cette pathologie qui concerne environ 20 000 marocaines, souvent jeunes. Elles en souffrent souvent d'autant plus durement que le diagnostic est tardif ou même jamais établi du fait que les symptômes sont vastes et différents d'une personne à l'autre. La maladie est en effet susceptible de s'attaquer à pratiquement tous les organes. A ce jour, il n'existe pas de traitement curatif. Le lupus est une maladie auto-immune, chronique, dans laquelle le système immunitaire (chargé normalement de nous protéger) s'attaque à l'organisme. Selon les pays, Il s'agit d'une maladie rare ou peu fréquente, touchant quelque 5 millions de personnes dans le monde. Dans neuf cas sur dix, elle touche des femmes en âge de procréer, en particulier d'origine africaine ou asiatique, plus sensibles à la maladie que les Européens. Elle peut aussi atteindre les enfants et les personnes âgées. En fait, il existe plusieurs types de lupus. La forme la plus sévère, le lupus « systémique », s'attaque à de très nombreuses parties du corps (peau, articulations, cœur, poumons, reins, cerveau…) alors que la forme « cutanée » reste bénigne en général en se limitant à la peau. La maladie aux multiples facettes Les manifestations peuvent être très variées : poussées de fièvre inexpliquées, perte de poids, fatigue, sentiment de mal-être, douleurs articulaires / musculaires, lésions cutanées, inflammation de ganglions, troubles de la vision, état dépressif, symptômes psychiatriques …. L'un des symptômes les plus importants est la sensibilité au soleil, qui touche 80 % des patients et se traduit plus ou moins distinctement par de larges taches de peau rouge qui prennent la forme d'un papillon recouvrant le visage, les joues et le nez. Cette éruption peut toucher d'autres parties du corps exposées au soleil, telles que le cou, la partie supérieure de la poitrine et les avant bras. Le nom de la maladie se réfère d'ailleurs à la marque rouge qui apparaît sur le visage du patient et ressemble au masque de carnaval. C'est un signe très important parce que, grâce à cela et avec d'autres critères de diagnostic, nous pouvons distinguer entre le lupus érythémateux et d'autres maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde ou le syndrome de Gougerot-Sjogren. Les causes sont elles aussi multiples. Comme les autres maladies auto-immunes, on pense que des facteurs génétiques, hormonaux, environnementaux (une maladie infectieuse comme la mononucléose, des perturbateurs endocriniens, l'exposition aux rayons UV…) se combinent comme dans un puzzle pour la déclencher. En raison de toutes ses multiples facettes, cette pathologie peut faire penser à des centaines d'autres affections. Traître, trompeuse et imprévisible Le lupus est aussi traître qu'imprévisible : Calme, caché ou discret pendant des années, il peut s'activer ou ressurgir brutalement et devenir difficilement maîtrisable. Son diagnostic est souvent posé tardivement, 8, 10, 15 ans ou plus après son début ou même jamais. C'est le cas notamment lorsque les manifestations sont peu claires : un patient traité pour de « simples » douleurs articulaires, pendant des années, peut à un moment donné présenter des symptômes plus graves qui doivent alors orienter vers cette maladie. Sa sévérité est fort variable selon les patients et selon les périodes chez un même individu. Certains vivent normalement, tandis que d'autres doivent renoncer à une activité professionnelle. On peut même mourir de ses poussées et de ses complications, en cas de défaillances d'organes (hémorragie cérébrale ou pulmonaire, insuffisance rénale), en particulier lors ou juste après une grossesse qui est une période à très haut risque. D'où l'intérêt d'un diagnostic précoce, notamment grâce aux examens biologiques, un outil d'aide indispensable, pour la recherche de certains auto-anticorps, des substances produites par le système immunitaire et dirigés contre l'organisme lui-même : ce sont eux qui provoquent des réactions inflammatoires et des lésions de divers tissus. Quand la maladie est diagnostiquée, il faut en plus toujours réaliser un bilan de recherche des éventuelles atteintes sur tous les organes. Une maladie incurable mais qu'on sait maîtriser L'association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS) indique que la prise en charge du lupus a fait d'énormes progrès ces dernières décennies : le taux de survie à 5 ans pour le lupus était en France inférieur à 50 % en 1955 et supérieur à 90 % maintenant. Au Maroc, on n'en est pas encore à ce stade et d'énormes progrès restent à faire du fait de diagnostics tardifs ou jamais faits, notamment à cause du manque de moyens financiers de beaucoup de personnes atteintes, a indiqué l'association du Dr Khadija Moussayer. Les traitements actuels ne permettent pas de guérir définitivement mais assurent des rémissions de durées variables avec un confort lui aussi variable. Le traitement de fond repose sur l'hydroxychloroquine (Plaquenil). Celui-ci est parfois insuffisant et, en cas de poussée et selon leur intensité, il faut ajouter un anti-inflammatoire, la cortisone le plus souvent, et des immunosuppresseurs. L'apparition ces dernières années de nouveaux traitements révolutionnaires, les biothérapies, permet d'envisager des solutions plus décisives dans un avenir relativement proche. La grossesse une période à très haut risque au Maroc Pour l'AMMAIS, la grossesse était contre-indiquée, jusqu'aux années 1980, chez la femme atteinte d'un lupus érythémateux disséminé en raison de la forte mortalité maternelle. Depuis des progrès immenses ont été réalisés dans leurs traitements permettant ainsi actuellement de bien réussir un tel projet dans les pays développés, mais toujours sous réserve d'une prise en charge stricte et adéquate. Cette condition n'est pas encore remplie au Maroc où les grossesses conduisent trop souvent à des catastrophes et même au décès de la future mère. L'association dirigée par Dr Moussayer indique que les deux raisons principales en sont l'ignorance de l'état réel de la femme et le coût élevé de cette prise en charge qui nécessite beaucoup de moyens humains et financiers. Son efficacité nécessite en effet qu'elle se fasse de manière coordonnée au sein d'équipes multidisciplinaires réunissant médecin généraliste de la mère, gynécologue-obstétricien, spécialiste de la maladie auto-immune, pédiatre, cardiologue, biologiste, sage-femme éventuelle …. Dès 2011, l'association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS) avait alerté l'opinion sur les risques sous-évalués de la grossesse dans les maladies auto-immunes, lupus principalement, en organisant sa première manifestation scientifique, la journée de l'auto-immunité, sur le thème central justement de la grossesse. Beaucoup d'efforts paraissent encore actuellement nécessaires à cet égard. Des risques faibles pour l'enfant de contracter la maladie de sa mère La transmission d'un lupus, et plus généralement d'une maladie auto-immune, d'une mère à son enfant est exceptionnelle. Une vigilance s'impose néanmoins à l'égard de l'enfant qui aura toujours par nature une prédisposition, même si elle est faible statistiquement, à contracter plus tard d'autres maladies auto-immunes. On observe parfois un lupus néonatal lié à la transmission passive d'auto-anticorps maternels, se traduisant par des signes divers : éruption cutanée, photosensibilité, hépatite, pneumonie, anémie hémolytique, leucopénie ou thrombopénie… et parfois un ralentissement de la conduction électrique du coeur du fœtus, appelé bloc auriculo ventriculaire (BAV). L'éruption néonatale régresse spontanément, car les anticorps de la mère sont progressivement éliminés. En revanche, le ralentissement de la conduction électrique du cœur persiste le plus souvent et peut justifier d'appareiller par un stimulateur (pacemaker) le cœur de l'enfant dans les 1res semaines après l'accouchement. Hormis ce problème, ces manifestations disparaissent habituellement au bout de 6 mois. Le lupus médicamenteux : une atteinte réversible Certains médicaments (phénytoïne, primidone, carbamazépine, trimétadione, streptomycine, isoniazide phénothiazines, chlorpromazine, lévopromazine, prométhazienelane, bétabloquants, hydralazine, alpha-méthyl-dopa, pénicilline, tétracycline…) sont susceptibles d'induire parfois, chez des sujets surtout âgés, un « lupus médicamenteux », réversible à l'arrêt du traitement. Ces médicaments donnés chez un lupique sont, par contre, en général sans risque. L'éducation thérapeutique, un élément fondamental du bon suivi par le patient Elle porte en particulier sur le respect du calendrier vaccinal (les vaccins « vivants » doivent être évités en raison du risque infectieux qu'ils présentent chez ces patients), la contraception (les pilules oestroprogestatives sont déconseillées au profit des progestatifs), les précautions d'un traitement anticoagulant assez fréquent par antivitamine K concernant les risques d'interaction avec d'autres molécules, la nocivité du tabac, les risques de l'exposition au soleil, la nécessité d'un régime pauvre en sel et limité en glucides en cas de corticothérapie et, enfin, une évaluation régulière, trimestriellement au moins, pour un patient même en phase inactive.