Entre nous soit dit… Il faudrait que quelqu'un de raisonnable au sein de l'Etat intervienne avant que la cata ne survienne, et que ce quelqu'un dise simplement que la bêtise n'est pas une solution… Il aurait fallu que ce quelqu'un attire l'attention de l'Etat sur le fait que l'implication des mêmes personnels politiques dans le dossier du Rif revient à envoyer des pompiers éteindre un feu en faisant le plein d'essence au lieu de l'eau… Il eût, donc, fallu un homme (ou une femme) raisonnable… qui eût dit que la solution ne passait pas par cette brochette de politiques qui vont défiler en petits soldats à la télé pour y déverser ce qu'on leur a dicté… dans des scènes qui nous rappellent ces soldats américains capturés par l'armée irakienne et qui étaient passés sur les écrans télé pour louer la force et la puissance de l'armée de Saddam Hussein, avant que cette armée ne disparaisse quelques heures après la mascarade. Ce qui arrive dans le Rif est dangereux… et c'est d'autant plus grave que les choses viennent de la nuit des temps, viennent surchargées du poids de l'Histoire, de la malédiction de la géographie, de la douleur procurée par toute cette hogra accumulée, cette hogra dont la simple évocation dans le Rif fait remonter à la surface tant et tant de choses… Il y avait tellement de manières de réagir à ce qui se produit dans le Rif… Il y avait tellement de façons de réparer les fautes… Et toutes ces voies choisies pour cicatriser les plaies auraient pu, finalement, être erronées, mais pas forcément stupides. Mais cette réaction du ministre de l'Intérieur, qui a réuni les responsables des partis dits de la majorité, a dépassé ce qui aurait pu sortir de l'intelligence du plus idiot des crétins. Et la stupidité ne consistait pas seulement pour ces dirigeants de partis de l'autoproclamée majorité à accuser les Rifains de haute trahison et de travail pour le compte de puissances étrangères, contre monnaie sonnante et trébuchante… Non. Pour être sincère, ceci n'est pas de l'imbécilité. Définitivement pas. Dire cela et accuser ceux-là de ceci est un crime. Un de ces crimes que le Code pénal réprime car accabler les gens, sans preuve, sans jugement, à la télé publique, de l'accusation la plus grave qui soit, en l'occurrence la trahison contre son pays, est un crime… Et dans le cas où nous supposerions avoir une justice aussi transparente qu'indépendante, les chefs de la majorité devraient comparaître devant un juge, ou plusieurs, pour exposer leurs accusations, soumettre leurs preuves et étayer leurs propos par des faits… ou pour être, eux-mêmes, mis en accusation pour les charges qui seraient retenues contre eux et que le Code pénal sanctionne. Le plus idiot dans cette histoire est que l'Etat chez nous prenne l'allure de quelqu'un qui projette d'effectuer une opération cardiologique à cœur ouvert et qui accepte l'assistance d'un vendeur d'onguents. Le plus stupide dans cette histoire toujours est de voir notre Etat appelé à réagir aux revendications sociales dans le Rif… et qu'il ne trouve pour ce faire que des gens, des gueux, des gars dont la simple vue est suffisante pour étendre les manifestations à tous les coins et recoins du pays, et non plus seulement dans les montagnes du nord. En fait… je me dis qu'aujourd'hui il y a quand même une grande éventualité de voir descendre dans les rues des gens qui, jusque-là, restaient chez eux, voire même qui contestaient les contestataires dans le Rif. … Et donc, pour calmer les esprits à al Hoceima, pour inciter les manifestants à savoir raison garder, à négocier ce qu'ils exigent, à ne plus vouloir imposer leurs propositions et à écouter les contre-propositions, il eût fallu agir autrement… en actionnant bien d'autres manettes… N'importe quelle autre manette que celle, par exemple, de leur envoyer Rachid Talbi Alami qui a lancé que « ces gens sont à la solde de l'étranger, et rien ne sert de leur causer ou d'essayer de les convaincre »… Las. Il existe tout un tas de gens qui ne se sentaient pas concernés par le mouvement social et qui, aujourd'hui seraient susceptibles de se joindre aux contestataires, non pas pour rejeter les idiotes accusations de Talbi Alami, mais contre l'existence même de Talbi Alami ! Tenir le discours de la loi et de l'Etat de droit, n'importe qui aurait été à même de le faire, à l'exception de Talbi Alami, cet homme qui traîne les casseroles, de l'évasion fiscale pour 16 millions de DH à l'atelier « clandestin » de cuir qui employait une centaine de personnes, dans les années 90, que leur patron ne déclarait pas à la CNSS pas plus qu'il ne payait ses impôts à l'Etat… Dans le Rif, les manifestants auraient pu être bien plus réceptifs si on leur avait envoyé quelqu'un d'autre que Driss Lachgar… ce Lachgar qui a affirmé que « nous sommes unanimes à considérer que nous sommes dans un Etat de droit ; les demandes et autres revendications s'opèrent dans un cadre institutionnel défini et délimité par les pouvoirs publics, au moyen d'intermédiaires soumis à la loi ». Lachgar, donc, considère que nous sommes ici dans un marché de bestiaux, un marché où n'existent que les intermédiaires… et les escrocs qui vont avec, aussi, peut-être… Il aurait fallu envoyer quelqu'un d'autre pour s'adresser aux populations rifaines que Driss Lachgar, qui a ajouté que « toute expression qui viole la loi, qui porte atteinte aux biens publics ou aux libertés des autres, n'entre absolument pas dans le cadre de l'Etat de droit qui protège tout et tous, sous couvert de la loi »… Lachgar est-il ainsi tellement préoccupé par les biens publics ? Cet homme qui a bénéficié d'un terrain des mêmes biens publics, obtenu à vil prix, craint-il donc tant pour le domaine public ? Avec ce genre de déclarations, pourriez-vous vous attendre à ce qu'il reste une seule personne dans le Rif, et ailleurs, qui condamne les protestations dans le Rif ? Continuons… Il aurait été possible d'entamer des discussions avec nos compatriotes dans le Rif sans pour autant déléguer un Khalid Naciri qui a assuré la main sur le cœur que « cette fable de revendications sociales ne tient plus une seule seconde car ces demandes et contestations ont franchi la ligne rouge »… Mais les gens du Rif, et l'ensemble des Marocains avec eux, ne connaissent pas d'autre ligne rouge que l'on franchirait allégrement que celle qui avait fait que, jadis, Khalid Naciri ministre de la Communication avait bénéficié de sa position pour tirer d'affaires son rejeton en délicatesse avec la loi et en pugilat avec un citoyen. Naciri l'avait alors « exfiltré » dans son véhicule de fonction… Et donc, la seule chose à retenir des propos de Khalid Naciri sur le Rif est que… Khalid Naciri parle. On aurait pu trouver bien des moyens pour circonscrire la crise dans le Rif autrement qu'en y envoyant Saadeddine El Otmani et ce qu'il signifie aujourd'hui, lui et son parti, dans l'esprit des Marocains. On aurait pu se passer également d'Ameskane, illustre inconnu dans le Rif, mais pas du côté d'Ouarzazate où les populations se rappellsouviennent encore de son histoire avec une compagnie pétrolière. Il n'était pas nécessaire de diligenter Laftit, qui rappelle cruellement qu'au Maroc prospèrent des serviteurs de l'Etat vernis, qui s'accaparent des terres à prix insignifiant. Au final, il n'était pas vraiment obligatoire d'envoyer à nos compatriotes du Rif ce message qui leur dit que seule la bêtise est la solution de ce qui se produit au Nord, et qui leur rappelle que parmi les causes de l'échec de l'Etat, de la démocratie et du droit figurent ceux-là mêmes qui disent vouloir défendre l'Etat, la démocratie et le droit. Il y aurait eu bien de mauvaises façons certes de traiter le problème du Rif, mais était-il vraiment nécessaire de retenir la plus abjecte pour montrer à nos chers compatriotes du Rif que tout est fait pour… durcir encore plus la situation.