Un violeur est un violeur, et il n'a droit à aucune compassion, de même qu'un accusé est présumé innocent jusqu'à sa condamnation définitive. Ce sont là deux principes élémentaires, sur lesquels tout le monde s'accorde, mais que l'on a tendance à oublier concernant la star de la chanson marocaine Saâd Lamjarred, en garde à vue à l'écriture de ces lignes. D'où les questions légitimes que l'on peut se poser. Que sait-on de l'affaire actuelle pour laquelle Saâd Lamjarred est en garde à vue ? Alors qu'il se trouvait à Paris, dans un grand hôtel des Champs-Elysées, pour un concert programmé ce weekend, le chanteur de 31 ans a été interpellé et placé en garde à vue, mercredi 26 octobre. Ce jeudi 27, cette disposition a été prolongée de 24 heures. Il est soupçonné, et non accusé, d' «agression sexuelle avec violences». La jeune femme qui l'accuse, elle, de l'avoir violentée puis violée, est de nationalité française et, selon nos informations, elle a été auscultée dans un hôpital parisien, et les médecins ont effectivement décelé des traces de violence sur son corps. C'est ce qui a justifié le prolongement de la garde à vue du chanteur. Mais violence ne signifie pas nécessairement viol, quoique la violence soit aussi condamnable qu'un viol. Dans l'intervalle, le concert qu'il devait donner au Palais des Congrès est maintenue, jusqu'à nouvel ordre, indique l'administration de la salle. La théorie du complot est-elle crédible ? Selon plusieurs sites d'information, rapportant des confidences de ses proches, le chanteur est victime d'un complot, d'un traquenard ourdi par les gens du monde des spectacles, ou encore par deux pays arabes, dont le nom n'a pas été révélé. « C'est un monde où circule beaucoup d'argent », confie un organisateur de spectacles à Atlasinfo.fr. Certes, mais il existe tellement de stars qui évoluent également dans ce milieu et qui ne se trouvent pas exposées à ce genre d'affaires. Pourquoi est-ce arrivé au seul Saâd Lamjarred ? Et n'est-il pas déjà confronté à une affaire similaire aux Etats-Unis ? Et ne devait-il pas se montrer plus méfiant et prudent ? En revanche, le cas du chanteur rappelle l'affaire Strauss-Kahn, tombé pour les mêmes raisons entre les mains de la police, en 2011. Il a perdu son poste de patron du FMI, mais il a été finalement blanchi et son accusatrice confondue. Elle avait agi à des fins mercantiles. Et puis, autre troublante coïncidence pour Lamjarred, comment se fait-il qu'une personne ait été placée au bon moment, pour prendre en photo le chanteur, mains menottées derrière le dos, et difficilement reconnaissable ? On peut s'interroger, même si on peut également supposer qu'il s'agit d'un fan qui l'aurait attendu à la sortie de son hôtel pour prendre un selfie, ou un autographe. Mais peu de chances. L'individu qui a pris la photo l'attendait manifestement … Une affaire d'argent ? La femme qui l'accompagnait, au sortir d'une boîte de nuit où il se trouvait, l'a apparemment suivi volontairement jusqu'à sa chambre. On voit mal Lamjarred traîner de force une femme dans le hall de l'hôtel. Mais selon les informations disponibles, cette femme porte des traces de violence sur le corps. De quelles traces s'agit-il ? L'enquête le dira mais le prolongement de la garde à vue indique que le juge qui l'a décidée doit avoir été informé de l'état et de la nature des traces de coups. Mais cette femme n'aurait-elle pas « joué » avec Lamjarred pour aller ensuite porter plainte, et éventuellement monnayer le retrait de sa plainte ? Encore une fois, comme Strauss Kahn, qui a été innocenté, le chanteur n'a pas essayé de fuir ou de quitter l'hôtel, une fois la femme sortie de sa chambre. Mais imaginons que tout cela soit faux, le chanteur n'aurait-il pas dû faire montre de prudence, n'emmenant pas dans sa chambre des inconnues, qui pourraient se retourner contre lui à tout moment et le racketter ? Qu'en est-il de l'affaire américaine de viol ? En mai dernier, une affaire similaire de viol avait été médiatisée contre le même Lamjarred, qui aurait essayé de violer une jeune femme à New York, en 2010, alors qu'il était encore inconnu. En conférence de presse avant son concert à Mawazine, toujours en mai 2016, le chanteur a fait une réponse convenue : « Cette histoire revient à mon succès, et cela est arrivé à de très nombreuses stars de par le monde. Je nie et démens formellement tout viol. Je m'apprête à entamer une tournée aux Etats-Unis et au Canada et… je vous prie, ne vous immiscez plus dans ma vie privée ». Troublant… Depuis, il n'y a pas eu de tournée aux Etats-Unis, ni d'explications sur le fait que l'acteur ait quitté précipitamment le sol américain. Et une star qui demande aux médias de ne pas se mêler de sa vie privée n'est pas une stratégie de défense heureuse. Et quid du soutien dont le chanteur bénéficie ? Que les fans ou le public se solidarisent avec Saâd Lamjarred, cela est bien naturel. Mais le ministre de la Culture Amine Sbihi a déclare aux médias, concernant le chanteur, qu'il s'agit d' « une grande figure de la chanson marocaine et nous allons faire tout le nécessaire pour régler le problème (…). Oui, je suis en contact avec qui de droit depuis l'annonce de l'interpellation de la star marocaine ». Une déclaration imprudente de la part d'un membre du gouvernement, sortant peut-être mais gouvernement quand même. L'ambassade du Maroc, pour sa part, s'est contentée d'indiquer qu'elle suit l'affaire, ce qui est louable pour une représentation diplomatique, quoique cela devrait être plutôt le fait de l'administration consulaire, l'affaire étant personnelle et ne concernant en rien l'Etat du Maroc. Conclusion Pour l'instant, et alors qu'il est toujours entre les mains de la police, Saâd Lamjarred est présumé innocent. Il faut donc rester prudent, et ne pas se prononcer, dans l'attente de la décision de la justice française, que l'on peut raisonnablement supposer compétente. Mais – et on lui souhaite – si Lamjarred sort blanchi, il devra bien s'expliquer, et ne plus demander aux médias « de ne plus s'immiscer dans sa vie privée », car il est un modèle pour des millions de jeunes et, à ce titre, doit faire montre d'exemplarité. Mais s'il est convaincu de viol, et même de violence sans viol, le chanteur devra abandonner les scènes et l'art, qui gagneraient à être mieux représentées. On espère que ce ne sera pas le cas et, dans l'intervalle, courage à sa famille et ses proches dans cette épreuve.