Avec le rejet vendredi par le Parlement suédois (Riksdag) de la candidature du leader des Sociaux-démocrates Stefan Löfven au poste de Premier ministre, le pays scandinave semble s'acheminer (sauf coup de théâtre !), vers des élections anticipées, avec la persistance d'une impasse politique qui perdure depuis plus de trois mois. « Je constate que les partis au Parlement poussent la Suède plus près vers des élections anticipées. Je le regrette et je vais faire tout ce que je peux pour l'empêcher, mais si les partis choisissent des élections anticipées au lieu d'œuvrer pour que la Suède dispose d'un nouveau gouvernement, je ne vais les en empêcher. Je pense que je dois prendre des mesures pour me préparer à cela », a affirmé le président du Riksdag Andreas Norlén. Au total, 200 députés ont voté contre la candidature de M. Löfven, 116 pour et 28 se sont abstenus, entérinant ainsi une situation de blocage consécutive aux élections du 9 septembre dernier qui n'ont pas donné de majorité claire à aucun des deux blocs principaux. M. Löfven avait proposé un gouvernement composé de son parti les Sociaux-démocrates et du Parti vert, la même coalition aux commandes depuis 2014. Le Parti de Gauche s'étant abstenu, les cinq partis restants au Parlement monocaméral, en l'occurrence les Démocrates de Suède (extrême droite) et les quatre partis de l'Alliance (les Modérés, les Chrétiens démocrates, le Parti du Centre et les Libéraux) ont tous voté contre. Les pourparlers entre le PM sortant et les principaux partis d'opposition se sont échoués plus tôt cette semaine sur fond de désaccords avec le Parti du Centre sur la réglementation et les taxes sur le travail. M. Löfven, destitué par une motion de censure en septembre dernier, continue depuis de diriger un gouvernement de transition, alors que les négociations pour la formation d'un gouvernement s'enlisent en l'absence d'un compromis entre les partenaires politiques. Déjà en novembre dernier, le Parlement avait rejeté la candidature du chef des Modérés (conservateur) Ulf Kristersson, réduisant ainsi la marge de manœuvre du président du Riksdag, qui dispose désormais de deux autres chances, pour sortir le pays de l'impasse. S'il n'existe pas de délai précis pour former un gouvernement, M. Norlén a néanmoins indiqué qu'il allait poursuivre les négociations avec les différents chefs de partis au cours du week-end, tout en assurant qu'il commencerait également à préparer le terrain pour des élections anticipées si nécessaire. Comme pour donner corps à cette éventualité, il a déjà rencontré des représentants de l'Autorité électorale vendredi, quoique dans le cadre d'une discussion générale dite « informelle », dont les détails n'ont pas été révélés. Si ce devrait être le cas, la Suède serait en passe vers un nouveau scrutin national dans les trois mois, sans passer cette fois-ci par de nouvelles élections régionales ou locales, comme lors de l'échéance du 9 septembre. → Lire aussi : Le premier ministre Suède démis de ses fonctions Néanmoins, l'Autorité électorale sera à l'étroit puisqu'elle devra imprimer les bulletins de vote, réserver les emplacements et recruter des agents pour gérer les bureaux de vote. Le tout, en préparant en même-temps les élections au Parlement européen du 26 mai. Certains conjecturent sur la possibilité de tenir ces élections anticipées le même jour que les élections européennes afin de minimiser les tâches administratives. Dans ce cas, le vote final du Parlement sur la candidature d'un nouveau chef de gouvernement ne devrait pas avoir lieu avant le 26 février. Signe d'un malaise profond dans le paysage politique suédois, pourtant habitué au compromis, le candidat malheureux Stefan Löfven n'était même pas présent à la séance du vote au Riksdag : Il avait choisi de rester à Bruxelles, plutôt que de rentrer à Stockholm, arguant que sa présence était « plus utile aux Suédois » au Conseil européen. Pour sa part, Jimmie Akesson, le dirigeant des Démocrates de Suède, la troisième formation politique d'extrême droite qui se découvre une fibre de « faiseur de rois », a préféré se la couler douce, en mettre le cap ailleurs ; en Thaïlande pour passer des vacances en famille. Comme pour mettre davantage de pression sur les acteurs politiques, un sondage biannuel de Statistics Sweden a révélé récemment que les Suédois livreraient un autre Parlement aussi fragmenté si des élections anticipées étaient organisées. Le bloc de Centre-gauche, composé des Sociaux-démocrates, des Verts et du Parti de Gauche est soutenu par 42,9% des électeurs contre 40,7% lors du scrutin du 9 septembre, selon une enquête menée auprès de 4 721 électeurs entre le 29 octobre et le 27 novembre. L'opposition de l'Alliance, composée de quatre partis et de Centre-droit, a été soutenue à 37,5% contre 40,3%, alors que les Démocrates de Suède ont vu leur côte passer de 17,5% à 18,3%. Dans l'entre-temps, Ulf Kristersson, vraisemblablement l'homme qui sera bientôt appelé à nouveau à la rescousse pour une seconde tentative, a plaidé pour une résolution rapide de l'impasse politique, avertissant que les chances d'élections anticipées sont imminentes. « En fin de compte, nous nous dirigeons à une vitesse assez élevée vers de nouvelles élections », a-t-il déclaré samedi à la presse. « Je pense que nous serions respectueux envers le peuple suédois si nous essayions de résoudre ce problème avant Noël », a-t-il dit. Autant dire qu'alors que le temps presse et les fêtes du Nouvel An approchent à grandes enjambées, la Suède se trouve plus que jamais à la croisée des chemins.