Samira Aït El Maalam expose, pour la première fois, ses œuvres allégoriques « Désir d'humanité » à la Fondation Maison du Maroc à Paris. Le sociologue, poète et artiste peintre Mustapha Saha décrypte sa technique, sa thématique et son esthétique. Chaque oeuvre de Samira Aït El Maalam est une éclaboussure du corps à corps extatique qui la projette dans l'espace azotique entre être et néant, dans le balancement spasmodique entre immanence charnelle et transcendance passionnelle, dans l'ondulatoire oscillation entre Eros et Thanatos. La toile se fait peau sensible où s'impriment les émois océaniques, les sensations volcaniques, les émotions cosmiques. De la peinture en état de transe. Une peinture pensée, conceptualisée, murie dans des escapades oniriques, qui guette, à chaque touche, l'imprévisible, l'impondérable, l'imprédictible. L'artiste traque, dans sa quête de réminiscences salutaires, les traces symboliques de l'indiscernable, les présages graphiques de l'insoupçonnable, les signes libérateurs de l'inimaginable. La poussière pigmentaire se fait matière alchimique pour capter les éléments déchaînés dans leurs secousses sismiques, leurs brisures énergétiques, leurs soubresauts électriques, dans la fêlure existentielle où le corps-phénix, en équilibre instable, en résistance éjectable, en latence transmutable, vacille entre attraction vitale et dissociation fatale. Le bras jailli du tourbillon magnétique, la jambe surgie du magma tellurique, le doigt stellaire pendu sur lave planétaire, incarnent, dans les éclats de chair, le chaos du monde. Dans le chevauchement des plissures, des jaspures, des sablures, se profilent les scarifications rituelles et les stigmates fantasmatiques, les mortifications mémorielles et les pictogrammes ésotériques, les mythologies populaires et les tragédies antiques. Le corps-martyr dissimule ses galbes désirables sous voilures. Le corps-incertitude s'éclipse sous grumelures. Le corps-solitude s'évapore dans les teintes opalines. L'âme inconsolable s'évapore dans les teintes opalines. Le contraste récurrent entre le clair et l'obscur, le visible et l'invisible, le sensible et l'insensible, piste le sens philosophique dans la substance plastique. La quête mystique se voile de transparences, camoufle sous lavis ses occurrences, couvre ses pérégrinations secrètes de blancheurs énigmatiques. Une peinture dépurative où l'époussetage inobservable de l'indicible atomise la violence du dicible. Le corps-sphinx, mu de miraculeuse espérance, renaît sans cesse de ses cendres. Peinture télescopique où le mesurable se surdimensionne dans l'incommensurable. Peinture à tiroirs où ciel et mer, corps et terre, pierre et chair en fusion chromatique, se synchronisent en miroirs. L'anodine griffure évoque la vénéneuse écorchure de la nature-mère. La gerbe explosive symptomatise la pensée convulsive. Le fracas des vagues répercute les nuées chargées d'orages, les perspectives brisées sur robotiques barrages, les consciences meurtries fulminantes de rage. La technique mixte puise ses couleurs dans les rouges dégradées des montagnes galactiques, les bleus tourmentés des rivages atlantiques, les jaunes ocrés des confins désertiques, profile en contre-champ les ombres tremblantes des entités corruptibles, les sombres montures des fantoches irascibles, les mirages tentateurs des paradis inaccessibles. Une peinture organique, elliptique, allégorique, qui tisse, au fil des tableaux, dans l'argile brune et l'écume, la trame étouffée des déchirures insurmontables. Une peinture hantée, dans les abysses insondables, les ténèbres impénétrables, les flammes inexpugnables, par la main de l'inexorable. Le corps supplicié dans les alcôves impénétrables, le corps écrasé sous les bombes escamotables, le corps naufragé dans les eaux indomptables, le corps en survivance animale, pousse, contre vents et marées, son cri primal, défie, dans sa nudité transgressive, les puissances du mal, clame, dans sa détresse subversive, le désir d'humanité. Entre spectres évanescents, se dessinent des lignes suggestives, des empreintes allusives, des courbes érotiques. La volupté fragmentée de l'humaine incarnation la sauve de la désintégration définitive.