Au Salon International de l'Agriculture au Maroc (SIAM), édition 2025, le Sénégal a marqué les esprits par une participation résolument engagée, portée par l'infatigable Serigne Mboup. Entre ambition de souveraineté alimentaire, valorisation des terroirs et appel à une coopération Sud-Sud renforcée, la délégation sénégalaise a esquissé les contours d'un modèle agricole renouvelé, ancré dans l'innovation locale, la décentralisation économique et un partenariat pragmatique avec le Maroc. Sous la houlette du président de l'Union nationale des chambres de commerce, d'industrie et d'agriculture (UNCCIAS) et maire de Kaolack, Serigne Mboup, une délégation de chefs d'entreprise sénégalais s'est illustrée par une dynamique de terrain et un discours empreint de réalisme. Dans les allées animées du SIAM, le pavillon sénégalais, foisonnant de produits agroalimentaires et de couleurs chatoyantes, témoignait non seulement de la richesse agricole du pays, mais surtout de la vitalité de son tissu économique privé. « Le SIAM n'est pas seulement un salon, c'est un laboratoire de solutions », a affirmé Serigne Mboup, saluant la chaleur de l'accueil marocain et la gratuité offerte aux délégations étrangères, geste qu'il a qualifié de « symbole fort d'une diplomatie économique inclusive ». Lire aussi : (Vidéo) SIAM 2025 : Business France confirme le dynamisme du partenariat d'exception France-Maroc Dans une édition dédiée à la souveraineté alimentaire et à la gestion durable de l'eau, les préoccupations sénégalaises faisaient écho aux défis abordés. Le président de l'UNCCIAS n'a pas manqué de soulever une contradiction frappante : « Nous n'arrivons pas à consommer 15 % de notre eau disponible, pourtant nous parlons déjà de désalinisation, alors même que, lors des inondations, des quantités massives d'eau douce sont rejetées à la mer ». Pour lui, la véritable autonomie alimentaire ne saurait être atteinte sans un changement de paradigme : il faut ancrer l'agriculture dans les réalités locales et rompre avec la centralisation excessive. « À Kaolack, malgré la chaleur accablante, nous disposons d'un immense potentiel. Ce n'est pas la température qui handicape l'agriculture, mais bien l'absence de stratégies d'irrigation adaptées, de semences résistantes et de circuits commerciaux performants », a-t-il insisté. Serigne Mboup appelle à s'inspirer du modèle marocain, où la régionalisation économique et la valorisation des terroirs apparaissent comme des leviers décisifs du développement. « Ce que j'ai observé au SIAM m'a profondément inspiré : voir des collectivités locales marocaines exposer leurs produits démontre que la décentralisation n'est pas un simple slogan, mais une réalité vécue ». La place du secteur privé dans l'impulsion du développement économique est également au cœur de son message. Il rappelle avec fierté que la participation sénégalaise a été entièrement autofinancée par les entreprises elles-mêmes, sans soutien de l'Etat. « Pas un franc public n'a été mobilisé. C'est cela, la force d'une diplomatie économique portée par des acteurs engagés », souligne-t-il. Dans une tribune publiée par Maroc Diplomatique, cette autonomie a été saluée comme l'expression d'« une nouvelle dynamique où les entrepreneurs africains deviennent des piliers actifs de la coopération Sud-Sud ». Cependant, Serigne Mboup regrette que, dans de nombreux pays africains, la parole économique soit encore trop souvent confisquée par les administrations publiques. « Il est urgent de faire confiance aux chambres consulaires, qui connaissent véritablement le terrain, les projets et les besoins spécifiques des territoires », plaide-t-il. Une coopération Sud-Sud incarnée dans les actes L'exemple marocain illustre à ses yeux une coopération concrète, loin des discours incantatoires. Des projets structurants comme le gazoduc Afrique Atlantique, les partenariats dans le secteur agricole ou encore la formation en AgriTech, témoignent d'une stratégie d'influence reposant sur des réalisations tangibles. « Le Maroc ne se contente pas de parler. Il investit, forme, transmet des compétences », constate également Abdoulaye Cissé, journaliste géopolitique présent sur place. Pour Serigne Mboup, cette coopération doit impérativement se fonder sur l'adaptation des technologies aux réalités africaines. Il dénonce l'importation massive de bétail non acclimaté : « On nous propose des vaches capables de produire 20 litres de lait, mais incapables de survivre deux semaines à Kaolack. Ce qu'il nous faut, ce sont des espèces robustes, adaptées à nos climats, comme celles que développe le Maroc ». Au-delà de l'innovation technique, c'est toute une vision de la gouvernance économique que le président de l'UNCCIAS veut promouvoir. Selon lui, la territorialisation de l'économie est essentielle pour garantir une croissance inclusive. « Trop souvent, les décisions sont prises dans les capitales, loin des réalités de terrain. Pourtant, l'agriculture se joue à Kaolack, à Tambacounda, à Ziguinchor, pas dans les ministères », affirme-t-il. Il appelle ainsi à renforcer les chambres consulaires et à leur confier la responsabilité d'organiser des forums économiques et stratégies de développement local : « Les ministères ne peuvent pas tout faire. Il faut des institutions proches du terrain, capables de réagir rapidement et de tisser des liens directs avec les acteurs économiques du continent ». La participation sénégalaise au SIAM 2025 aura, en définitive, mis en lumière une convergence stratégique entre Rabat et Dakar : celle d'un développement agricole fondé sur la valorisation des ressources locales, l'innovation adaptée et la solidarité sud-sud. Plus encore, elle pose les jalons d'une diplomatie économique plus décentralisée, portée par les territoires, les entrepreneurs et les chambres de commerce. « Le Sénégal et le Maroc ne sont séparés que par un seul pays », rappelle Serigne Mboup dans un sourire. « Nous devons penser ensemble notre souveraineté agricole, la bâtir ensemble sur le terrain. L'avenir de l'Afrique ne se décidera pas dans les discours, mais dans l'action ».