L'Observatoire marocain de la protection sociale, dans son rapport intitulé « Protection sociale ou ajustement structurel déguisé », met en lumière les failles de la stratégie gouvernementale pour généraliser la protection sociale au Maroc. Il pointe un manque de suivi rigoureux, une gestion insuffisante des ressources et des impacts négatifs sur la classe moyenne, tout en dénonçant les dérives de privatisations du système de santé public. Dans son rapport intitulé « Protection sociale ou ajustement structurel déguisé », l'Observatoire examine les carences de la vision gouvernementale concernant le projet de généralisation de la protection sociale. Il souligne l'absence d'un système d'évaluation destiné à suivre les progrès réalisés dans les domaines législatif, réglementaire, institutionnel et social. De plus, le rapport critique le manque de débat public sur la question, afin de mieux évaluer l'efficacité des politiques publiques et d'élaborer des stratégies pour des politiques plus inclusives, équitables et respectueuses des droits humains. En ce qui concerne la classe moyenne, un groupe souvent au cœur de nombreuses revendications militantes, l'Observatoire critique la dépendance des politiques de protection sociale à un financement basé sur la suppression du Fonds de compensation. Le gouvernement a réorienté les ressources de ce fonds, qui s'élevaient à 4,6 milliards de dirhams fin mai 2024 contre 9 milliards l'année précédente, vers des mécanismes intégrés de protection sociale, notamment le registre social unifié et le financement des coûts de santé. Ce réajustement affecte particulièrement le pouvoir d'achat des ménages, notamment ceux de la classe moyenne. Le rapport indique que cette méthode de financement pourrait bien protéger certains groupes, mais au prix de l'appauvrissement d'autres, risquant ainsi de justifier un désengagement progressif de l'Etat du domaine social. Lire aussi : Transport maritime, l'autre vecteur d'inflation au Maroc Une autre défaillance mise en évidence par le rapport concerne le système de santé public. L'Observatoire note un manque flagrant de ressources dans ce secteur, ainsi qu'une grande disparité entre les objectifs ambitieux et les moyens alloués à la réforme, ce qui limite les chances de succès de la généralisation de la protection sociale. La mauvaise gestion des ressources humaines dans le secteur de la santé publique exacerbe cette situation, entraînant une sous-utilisation de certaines infrastructures et une surcharge d'autres. Par ailleurs, le rapport critique la stratégie gouvernementale qui, sous prétexte d'innovations financières, semble favoriser une privatisation progressive du secteur de la santé. Cette politique passe par la création de nouvelles structures administratives qui réduisent les pouvoirs du ministère de la Santé. L'Observatoire dénonce également l'impact de l'inflation sur les politiques de protection sociale, dont les effets bénéfiques, bien que visibles dans les statistiques officielles, n'ont pas eu d'incidence sur l'amélioration des conditions de vie de nombreuses familles. Actuellement, les ménages financent plus de 63,3 % des dépenses de santé, tandis que l'inflation continue de diminuer leur pouvoir d'achat. Le rapport critique aussi la position de la Banque mondiale, qui plaide pour des politiques ciblées basées sur des critères de revenus pour déterminer l'éligibilité à l'aide sociale. Bien que cette approche réduise les coûts, elle compromet l'équité et l'universalité de la protection sociale. L'Observatoire met en lumière plusieurs dysfonctionnements structurels, notamment des incohérences dans les politiques sociales qui ne respectent pas les standards internationaux, en particulier ceux de l'Organisation internationale du travail. Il souligne également l'absence de prise en compte des risques liés au chômage et les inégalités de genre profondément enracinées dans la société. Malgré la mise en place de comités de pilotage pour la protection sociale, le rapport dénonce une gestion désorganisée et inefficace. À titre d'exemple, le comité interministériel censé superviser les réformes ne s'est réuni qu'une seule fois en 2024, ce qui révèle un manque de coordination et de transparence. Enfin, l'Observatoire indique que 87 % des travailleurs inscrits au système de sécurité sociale ne bénéficient pas d'une couverture, faute de paiement de leurs cotisations, mettant en péril la viabilité financière du système et laissant une grande partie de la population sans protection adéquate. En conclusion, l'Observatoire plaide pour des réformes sociales inclusives et durables, en insistant sur la nécessité pour l'Etat d'assumer un rôle central dans la garantie d'une protection sociale véritablement équitable et universelle.